Carte blanche
Réforme des pensions: des conditions plus strictes pour accéder à la pension minimum
La note De Wever prévoit une réforme des pensions avec un durcissement de l’accès à la pension minimum. Dorénavant, les pensionné(e)s devront justifier 35 années de «travail effectif» pour y avoir accès, plus stricte que partout ailleurs en Europe.
Il s’agit d’un choix politique lourd de conséquences. Ce critère exclut les périodes dites «assimilées» comme le chômage, la maladie ou l’invalidité, autant de moments où les travailleurs et travailleuses sont pourtant souvent confronté(e)s à des difficultés majeures. Derrière cette apparente «rationalisation», se cache une attaque contre la solidarité sociale et une tentative déguisée de privatiser notre système de pensions.
Ce type de réforme fragilise les parcours professionnels non linéaires, souvent ceux des femmes, des personnes en situation de handicap ou de toutes les personnes confrontées à des accidents de la vie. Ces mesures, couplées à une précarisation croissante du marché de l’emploi, poussent les citoyen(ne)s vers des pensions privées soutenues par des incitations fiscales massives.
Un système privé inaccessible pour beaucoup
Tous(tes) les Belges n’ont pas les moyens d’épargner ou d’investir dans une pension privée. Presque un(e) Belge sur huit vit sous le seuil de pauvreté. La capacité d’épargner est une illusion pour une part importante de la population. Les ménages les plus vulnérables souffriront particulièrement de cette réforme qui creuse davantage les inégalités sociales et de genre.
Derrière cette apparente «rationalisation», se cache une attaque contre la solidarité sociale
Les syndicats soulignent l’impact concret de ces mesures: une femme ayant travaillé une partie de sa carrière à temps partiel et prenant sa pension après 2025 avec 45 ans de carrière (mais moins de 35 années de «travail effectif») perdrait plus de 160 euros bruts par mois. Cette baisse de revenus aggraverait la précarité des femmes, déjà surreprésentées parmi les pensionné(e)s vivant sous le seuil de pauvreté.
Les systèmes privés de pension, inefficaces et fragiles face aux crises, ne sont pas une solution. Les exemples britanniques, chiliens, allemands et polonais ont démontré que la privatisation laisse des millions de pensionnés sans ressources suffisantes. Après le crash boursier de 2008, les fonds de pension ont perdu 2.000 milliards de dollars en quinze mois, affectant directement les futur(e)s retraité(e)s. Depuis lors, les rendements des marchés sont restés faibles, parfois insuffisants pour compenser l’inflation.
Cette baisse de revenus aggraverait la précarité des femmes, déjà surreprésentées parmi les pensionné(e)s vivant sous le seuil de pauvreté.
La destruction du droit du travail: un cercle vicieux
Dans sa note, De Wever attaque également le droit du travail: suppression des sursalaires pour le travail de nuit et les jours fériés, flexibilisation accrue des horaires, réduction des protections contre les licenciements, autant de mesures qui aggravent la précarité et dégradent les conditions de vie.
Ce démantèlement du droit du travail pèsera lourd sur les pensions: en multipliant les emplois précaires et sous-payés, on réduit la capacité à cotiser, tout en augmentant la dépendance à des dispositifs privés. Cette double peine est une attaque frontale contre la solidarité intergénérationnelle.
Un choix politique dangereux
Cette réforme ne répond pas à une nécessité économique, mais bien à un choix politique: transférer la charge des pensions de la collectivité vers l’individu. En conditionnant les pensions aux seules périodes de «travail effectif», on abandonne les principes fondamentaux d’un système solidaire et équitable.
Le durcissement des conditions d’accès à la pension légale sert à ouvrir la voie à un modèle privé, financé par des exonérations fiscales profitant surtout aux plus aisé(e)s. Ce système est injuste, inefficace et profondément inégalitaire.
Réforme des pensions: un appel à l’action
Les réformes des pensions sont souvent des mesures phares des plans d’austérité, censées relancer la croissance. Pourtant, elles n’ont jamais atteint cet objectif. Au contraire, elles freinent l’investissement, public comme privé, tout en aggravant les inégalités sociales et économiques.
L’introduction de la condition de travail effectif s’aligne sur cette logique d’austérité aveugle, faisant peser les restrictions sur les plus vulnérables, tout en préservant les grandes entreprises et celles et ceux qui détiennent les capitaux, qui continuent à bénéficier de généreuses exonérations fiscales. En outre, les périodes de travail d’assistance, y compris (mais pas seulement) le congé parental et les soins informels, devraient être reconnues comme des contributions à part entière à la société. Il est essentiel que le calcul des pensions tienne compte de ces périodes.
Plutôt que de prôner la privatisation et l’individualisation des risques, il est temps de renforcer la sécurité sociale en augmentant les recettes publiques, notamment par une contribution plus juste des grandes entreprises et des hauts patrimoines. Une réforme juste des pensions doit réaffirmer la solidarité intergénérationnelle et sociale comme pilier fondamental, et non la réduire à un filet de sécurité minimaliste.
FGTB
CSC
CGLSB
LIAGES
SORALIA
CEPAG
MOC
Greenpeace
Nederlandstalige Vrouwenraad
Solidaris
La Voix des Femmes
L’Université des Femmes
Sofélia
Vie Féminine
Conseil des Femmes Francophones de Belgique
PAC
Synergie Wallonie
Latitude Jeunes
Femmes de droit
Ligue des droits humains
BAPN
Le titre est de la rédaction (titre original: «Réforme des pensions: vers une responsabilité individuelle?»)
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