Carte blanche
Pour siphonner le « vote musulman », Ecolo agite (encore) le voile
« Les écologistes affichent un biais communautariste assumé, cultivent un fonctionnement peu démocratique et manifestent un soutien tangible à l’islam politique », estime le collectif Laïcité Yallah (*).
Lundi dernier dans La Libre, Gilles Vanden Burre, chef des Ecolos à la Chambre, s’est livré à une défense en règle du voile islamique dans la fonction publique tout en s’inquiétant de la tonalité du débat à la veille d’une campagne électorale qui s’annonce (selon lui) violente et délétère. A vrai dire sur ce point, on ne peut que lui donner raison et l’encourager à interroger les méthodes et le fonctionnement de son propre parti. En effet, de l’éviction brutale de Karim Majors, conseiller communal Ecolo à Molenbeek en 2021, à l’exclusion de la députée Marie Nagy en 2017, en passant par l’invraisemblable machination qu’a vécu Anderlecht, plus récemment, pour changer le règlement communal de façon à y faire accepter le voile islamique, les écologistes affichent un biais communautariste assumé, cultivent un fonctionnement peu démocratique et manifestent un soutien tangible à l’islam politique.
Sur le fond, on retrouve le principal argument de Gilles Vanden Burre dans sa déclaration : « Je préfère que les femmes qui portent le voile soient sur le marché du travail que coincées chez elles. » Qu’en est-il réellement ? Ramener la question du voile islamique à la seule dimension de l’employabilité des femmes est plus que réducteur. Car le voile islamique est, par définition, une problématique sociétale et internationale. Si ce voile n’était qu’un vêtement comme un autre, il ne serait pas imposé avec autant de férocité aux Iraniennes et aux Afghanes. L’islam politique implique une rupture historique avec l’Etat de droit et une réorganisation sociétale majeure. Soumettre les femmes à des injonctions religieuses devient un impératif. De ce point de vue, le voile ne concerne pas seulement les femmes qui le portent mais engage l’ensemble de la société eu égard aux questions qu’il soulève et aux choix de société qu’il véhicule. Dans ce débat, toute perspective devrait être en mesure de considérer l’arbre et tenir compte de la forêt dans sa globalité. Autrement dit, s’il fallait « sacrifier » la neutralité sur l’autel de l’employabilité, on glisserait vers une nouvelle reconfiguration de la nature politique de l’Etat.
Il faut bien comprendre que les Verts vont bien plus loin que le clientélisme du PS Bruxellois, puisqu’ils cherchent, en réalité, à établir le communautarisme ethnique et religieux comme référentiel social. C’est dans cette veine qu’il s’agit de situer la proposition de Zakia Khattabi, ministre fédérale du Climat et de l’Environnement, en faveur des signes convictionnels dans la police. Avec une telle suggestion puisée du modèle anglo-saxon, les domaines régaliens de l’Etat seront directement placés dans la spirale des revendications identitaires avec comme horizon les tribunaux islamiques en Grande-Bretagne ou le modèle canadien avec ses policiers sikhs arborant des turbans et des kirpans et ses enseignantes voilées (y compris voile intégral). Est-ce vraiment la posture à envisager pour la Belgique ?
Il faut bien comprendre que Les Verts vont bien plus loin que le clientélisme du PS Bruxellois, puisqu’ils cherchent, en réalité, à établir le communautarisme ethnique et religieux comme référentiel social.
Ce qui est encore plus surprenant dans les déclarations de Gilles Vanden Burre c’est le dualisme superflu qu’il créée entre l’émancipation sociale et économique, d’un côté, et l’émancipation citoyenne de l’autre. Laissant penser qu’il existe un choix possible entre les deux. Comme si l’émancipation pouvait se réaliser par le travail d’une façon détachée de la présence dans la cité, comme si les femmes musulmanes cultivaient le culte de la bigoterie et affectionnaient le don de la soumission. D’emblée, ce manque d’ambition à leur endroit nous choque car s’il y a bien des femmes qui méritent les deux : le travail et la citoyenneté, c’est bien elles ! D’ailleurs sans cette neutralité et, plus largement, en l’absence d’un climat favorable à la citoyenneté, nous n’aurions jamais pu travailler en assumant notre condition de femmes et d’hommes libres. De cette liberté fondamentalement soudée à la responsabilité vis-à-vis d’autrui exactement comme l’imaginait Lévinas. Pourquoi ? Parce que la neutralité garantit le respect de la liberté de nos consciences, elle nous apprend à douter, nous permet de choisir, nous offre la sécurité indispensable pour assumer des ruptures. Elle nous sauve de la loi du clan et de la tribu. Pourquoi des employés auraient-il à subir le zèle de certains de leurs collègues qui ne peuvent envisager leur religiosité que sous l’angle de l’excès ? Est-ce la vocation d’un lieu de travail d’accueillir des demandes religieuses ? Quel climat cherche -t-on à installer ? La lutte de tous contre tous ?
La Cour de justice de l’Union européenne, a clairement statué, le 15 juillet 2021 en faveur de la neutralité, reconnaissant dans ce principe pacificateur sa capacité à garantir la paix et la cohésion. Il n’y a donc aucune discrimination à interdire des signes convictionnels. Bien au contraire, ce choix agit comme un « principe de précaution » pour éviter les conflits sociaux. Ne dit-on qu’il vaut mieux prévenir que guérir ?
(*) Les signataires :
Malika Akhdim, militante associative
Ava Basiri, activiste pour les droits humains en Iran
Djemila Benhabib, politologue et écrivaine
Yeter Celili, cheffe d’entreprise
Nadia Debbas, cardiologue
Kaoukab Omani, enseignante
Hajar Khazri, puéricultrice
Sam Touzani, comédien
(*) Créé le 12 novembre 2019 à l’initiative du Centre d’Action Laïque, le Collectif Laïcité Yallah fédère des croyants et des non-croyants ayant un héritage musulman partageant une perspective résolument laïque des enjeux de société.
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