Carte blanche
Pénurie de médicaments : une solution est possible
Face à l’actuelle pénurie de médicaments, la députée fédérale Sofie Merckx (PTB) propose une solution structurelle.
Une pénurie de médicaments frappe la Belgique. Le mois dernier, 337 médicaments étaient indisponibles. Certains minimisent le problème, mais les généralistes, les pharmaciens et les patients peuvent témoigner de la gravité de la situation. Qui a un impact bien réel sur notre santé. Les patients épileptiques ne trouvent plus leur traitement chronique. Les antipyrétiques pour enfants se font rares. La charge de travail supplémentaire pour les pharmaciens est énorme. Il est temps de se demander s’il n’y a pas un problème de fond dans la façon dont nous organisons le développement et la production de médicaments.
La pénurie d’un médicaments peut s’expliquer par différents facteurs. Les différences de prix avec les pays voisins sont un problème connu. Les fournisseurs de médicaments distribuent des médicaments destinés à notre pays à des pharmaciens de pays voisins, ou vice versa. Récemment, il a été suggéré que la pénurie du produit amincissant Ozempic était due au fait qu’il était prioritairement livré aux États-Unis et au Moyen-Orient, où il se vend à un prix plus élevé qu’en Europe.
Les récentes pénuries s’expliquent avant tout par des défaillances de l’approvisionnement en principes actifs. Comment en est-on arrivés là ? Aujourd’hui, au moins 66 % de tous les principes actifs de nos médicaments sont produits en Inde et en Chine. En 2000, on ne parlait que de 31 %. En outre, les entreprises pharmaceutiques réduisent fortement leurs stocks, privilégiant le principe du just-in-time. Cette évolution rend aujourd’hui la chaîne de production très vulnérable. Évidemment, cela amène les réserves d’antibiotiques à s’épuiser rapidement lors d’un pic d’infection sévère, comme celui que nous avons connu ces dernières semaines.
Les explications sont donc diverses, mais on retrouve un fil rouge. La logique économique veut que réaliser des profits prenne le pas sur la sécurité de l’approvisionnement pour l’industrie pharmaceutique. Voulons-nous et pouvons-nous continuer à tolérer cela dans un secteur dont dépend notre santé ?
Ne serait-il pas temps d’envisager sérieusement l’option d’une telle initiative pharmaceutique publique européenne ? Cela permettrait de ramener tant la recherche et le développement que la production davantage entre les mains de la société
Partout en Europe, des voix appellent à changer de cap. En France, l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament a interpellé le ministre de la Santé afin qu’il mette rapidement en œuvre un plan industriel visant à rapprocher la production de médicaments du pays. En 2020, le Parlement européen a voté une résolution sur les pénuries de médicaments en vue d’explorer la création d’une initiative publique européenne pour la production de médicaments dans l’intérêt public. Suite à cette résolution, l’économiste italien Massimo Florio a publié en 2021 un rapport décrivant concrètement à quoi elle pourrait ressembler. Ne serait-il pas temps d’envisager sérieusement l’option d’une telle initiative pharmaceutique publique européenne ? Cela permettrait de ramener tant la recherche et le développement que la production davantage entre les mains de la société.
Le PTB avons élaboré une proposition concrète : l’Institut Salk européen, baptisé en hommage à Jonas Salk, qui, il y a 50 ans, a inventé le vaccin contre la polio et l’a rendu accessible à tous, sans brevet, ce qui a permis d’éradiquer la polio. La recherche et le développement seront financés avec des fonds publics, ce qui nous rendra moins dépendants des brevets et réglera le problème des prix excessifs des nouveaux médicaments.
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La production sera également organisée via des appels d’offres publics à l’échelle européenne, en tenant compte du prix, mais aussi de la sécurité d’approvisionnement. Les entreprises capables de proposer des chaînes de production moins vulnérables et une production plus locale auront l’avantage. Dans un pays comme la Belgique, les capacités de production ne constituent pas un problème en soi. Ainsi, Pfizer vient d’annoncer des capacités de production supplémentaires pour le vaccin contre le Covid. Ramener la fabrication de médicaments de base plus près de chez nous est donc possible .
Les ruptures de stock posent un problème de santé publique. Cela nécessite une volonté politique forte, mais nous devons également sortir des sentiers battus et résoudre ce problème de manière structurelle et à long terme. Avec l’Institut Salk européen, le PTB lance ainsi une proposition bonne pour notre sécurité sociale, nos patients, le développement de notre recherche scientifique et notre économie.
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