Carte blanche
Musées des Beaux-Arts: Michel Draguet aime-t-il ses visiteurs ?
Musées Meunier et Wiertz peu accessibles, prise de notes et de photographies interdite au Musée Magritte : le droit des visiteurs est malmené aux Musées royaux des Beaux-Arts, selon Bernard Hennebert.
La remise en question publique de la gestion des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB) m’apparaît parcellaire car, jusqu’à présent, elle évoque surtout les rapports du directeur général, Michel Draguet, avec son personnel et les artistes. Il convient également d’évoquer, de façon complémentaire, les droits des visiteurs des MRBAB, particulièrement malmenés.
Population active discriminée au musée
Tout musée existe non seulement pour la conservation de ses œuvres, mais aussi pour leur découverte par le public. Voici deux exemples majeurs, parmi tant d’autres, d’une gestion des musées non respectueuse des droits des visiteurs. L’une des pires atteintes aux droits du public culturel est de l’empêcher de participer structurellement à une activité. C’est le cas des Musées Constantin Meunier et Antoine Wiertz des MRBAB. La population active – travailleurs et étudiants – ne peut, en raison des horaires pratiqués, visiter ces deux institutions, si ce n’est en rognant sur ses jours de congé légaux. Ces deux musées sont, en effet, fermés tous les week-ends et jours fériées. Du mardi au vendredi, ils sont accessibles de 10h à 17h, mais ils sont clos pendant le temps de midi.
Une pétition « Stop à l’asphyxie des musées Meunier et Wiertz » a été lancée et a recueilli plus de 3 000 signatures. Hélas, la situation n’a pas évolué en près de sept ans. Les éternels arguments relatifs à la « diminution des aides de l’état » et au « manque de gardiens » nous ont bien sûr été opposés, mais c’est le silence qui a accueilli ensuite nos réactions argumentées. Tout débat contradictoire et toute négociation s’avèrent impossibles. Cette situation qui discrimine plus de la moitié de nos concitoyens se poursuit. Pourtant notre revendication est minimaliste : nous demandons que tous les musées soient obligés de prévoir dans leur horaire mensuel au moins une plage accessible notamment à « population active » (en week-end ou une nocturne).
Interdit de dessiner au musée
Le second exemple n’est pas exempt, de la part de la direction des MRBAB, de cynisme et de mépris à l’égard des usagers. Dès 2012, nous avons relayé la plainte d’une visiteuse qui s’est vue refuser le droit de prendre des notes et de dessiner avec un crayon sur une feuille de papier A4 au Musée Magritte. Cette interdiction ne lui avait pas été signifiée avant qu’elle n’achète son ticket. Il s’agit d’une simple visiteuse et non d’une étudiante en art.
Le refus de rembourser son ticket et la médiatisation de cet incident ont eu pour conséquence la prise de conscience de journalistes français, outrés par ce type d’interdiction qui va à l’encontre de tout travail d’éveil actif et participatif à la culture. Le site Louvre pour tous a réalisé un reportage détaillé sur ce fait, avec cette information inédite : « Nous avons contacté la Fondation Magritte, partenaire privilégiée du musée dès sa création… À notre grand étonnement, il nous a répondu personnellement, nous signifiant très clairement au sujet de la prise de notes et de croquis : nous n’avons jamais, et en aucun cas, interdit quoi que ce soit dans un sens ou dans un autre ». Par la suite, le site de l’hebdomadaire culturel français Télérama a dénoncé à son tour l’attitude du Musée Magritte, ce qui fit à ce dernier une bien mauvaise publicité.
Dès le lendemain de cette publication, la presse belge a relayé la plainte. Les MRBAB ont alors annoncé la fin de l’interdiction. Le 4 février 2016, on expliquait, au Musée Magritte, que, désormais, la prise de notes et de photographies par les visiteurs était autorisée, à l’exception de quelques œuvres signalées par le pictogramme d’un appareil photo barré. Toutefois, discrètement, les MRBAB ont par la suite mangé leur chapeau. Nous découvrons le pot aux roses en 2021: un visiteur nous écrit pour s’étonner que son enfant s’y est fait interdire de dessiner dans une exposition temporaire. Comme quoi, les avancées sont bien fragiles.
Pourquoi cette interdiction vise seulement le Musée Magritte et les expositions, et non les quatre autres musées des MRBAB ? Peut-être parce qu’ils attirent davantage de public. Il faut donc éviter structurellement tout obstacle qui pourrait ralentir le flot des visiteurs, afin de ne pas restreindre la vente des tickets.
Pour un Code des visiteurs
« La Ligue des Usagers Culturels » demande donc au Secrétaire d’État Thomas Dermine et à la direction de Belspo (l’organe qui chapeaute notamment nos musées fédéraux) de prendre des initiatives dès à présent pour que, sans doute via un code des visiteurs, soient gravés dans le marbre de nouveaux droits acquis suite à des plaintes déposées par un public soucieux du bien commun.
Organiser des services de plaintes a un coût. Ne pas tenir compte de leurs résultats pour améliorer l’image de nos musées est un manque à gagner absurde
Sinon, à quoi bon inviter le public à déposer des plaintes sur les sites des institutions culturelles ? Quelle perte de temps pour les visiteurs et le personnel de ces institutions ! Economiquement, cela n’a aucun sens. Organiser des services de plaintes a un coût. Ne pas tenir compte de leurs résultats pour améliorer l’image de nos musées est un manque à gagner absurde.
Le 6 février 2023, La Ligue des usagers culturels a rencontré Arnaud Vajda, président du Comité de gestion de Belspo. Au cours de cette réunion, ce dernier a confirmé travailler à la concrétisation du projet que le secrétaire d’État Thomas Dermine (PS) a détaillé, en réponse à une question posée en décembre dernier par le parlementaire fédéral Nicolas Parent (Ecolo) : « Le Service Publics et collection que j’entends développer au sein de Belspo sera chargé de rédiger, avec les responsables des musées et les associations représentants les utilisateurs, une Charte des utilisateurs, comme il en existe par exemple à la Communauté française. Cette charte précisera (notamment) les informations qui doivent être mises à disposition du public ».
En décembre 2022, la Fédération Wallonie-Bruxelles a republié, sur son site « culture », ce texte qui détaille les 15 droits de ce code des usagers culturels. Michel Draguet et ses services ont souscrit, dans une lettre qu’ils nous avaient envoyée, à ces 15 points concrets.
Bernard Hennebert, président de l’asbl « La Ligue des Usagers Culturels ».
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