Carte blanche
Monsieur Rousseau, moi c’est en me baladant dans une Flandre raciste que je n’ai plus l’impression d’être en Belgique
La gauche belge ne semble plus avoir de raison d’exister. Cherchant toujours plus profondément dans des méandres nauséabonds de quoi faire parler d’elle après tant de décennies de trahisons et de compromissions. Voilà de quoi le président de Vooruit est aussi le nom, estime Jean Kitenge, Président de DéFI Jeunes.
En avril dernier, Conner Rousseau déclarait « ne pas se sentir en Belgique » lorsqu’il se rendait à Molenbeek. Interviewé en cette fin d’année par un média flamand, le président de Vooruit a réitéré ses propos polémiques, après avoir visité la commune.
Les propos de Conner Rousseau ne sont pas anodins. Plus qu’une tentative réussie d’exister par le bad buzz, le président de Vooruit démontre encore une fois ô combien les perspectives pour 2024 ne sont pas bonnes avec des partis de la majorité fédérale qui, dans une quête du pouvoir, ne cachent même plus certaines proximités idéologiques avec l’extrême droite.
Nuançons un peu. Il existe en effet à Molenbeek, comme dans d’autres communes, des problèmes d’éducation et d’apprentissage des langues officielles. De surcroît lorsqu’on parle du néerlandais car Bruxelles serait francophone à 92% selon des déclarations IPP datant de 2017 dans les communes à facilités et à Bruxelles. Nous parlons donc d’une réalité bruxelloise. On peut, dès lors, légitimement se poser la question : s’il ne s’agit que du néerlandais, pourquoi uniquement cibler la commune de Molenbeek ? Si on s’attarde sur d’autres éléments, il y a de nettes différences d’une zone à l’autre de la région. Par exemple, le taux de chômage à Molenbeek est plus grand qu’à Woluwe-Saint-Lambert. Le nombre de Bruxellois vivant sous le seuil de pauvreté également.
Quand nous parlons d’enseignement, d’après le professeur Andréa Rea, l’enseignement bruxellois reproduit les inégalités sociales avec lesquelles les enfants entrent à l’école. Et nous parlons ici d’une commune (Molenbeek) faisant partie du croissant pauvre de Bruxelles. Il y’a un problème de manque d’enseignants qualifiés et un manque de bâtiments scolaires pour une démographie qui a évolué. L’état de délabrement de certains bâtiments est également à rappeler. Les établissements scolaires fréquentés par une population socioéconomiquement fragilisée où le nombre d’enfants par classe est élevé, vont hériter d’enseignants moins bien formés car les mieux formés choisiront de travailler dans de meilleures conditions. Le constat est similaire pour l’enseignement néerlandophone à Bruxelles (géré par la communauté flamande) malgré de meilleurs investissements par rapport à l’enseignement francophone, le manque d’enseignants est aussi supérieur à celui de la Flandre. Avec une Communauté flamande qui continue, par ailleurs, d’encourager une sorte d’apartheid linguistique.
Tous ces éléments indiquent le besoin d’une lecture éclairée de la situation méritant mieux que des petites phrases-chocs presque stigmatisantes et dénuées de solutions. Désigner spécifiquement les habitants de Molenbeek comme des étrangers qui auraient pour effet, par leur simple existence, de provoquer jusqu’à la création d’ « enclaves étrangères » (propos empruntés à un penseur de l’extrême droite française), est-ce là salvateur ou ne serait-ce qu’opportun ? Benjamin Dalle, ministre flamand des Affaires bruxelloises, des Médias et de la Jeunesse (CD&V) avait déjà réagi aux premiers propos de Monsieur Rousseau dénonçant un fond incorrect.
Pour DéFI Jeunes, c’est clair. C’est un non catégorique. La méthode de dénonciation du problème est ambiguë et ne permet pas de se pencher sur le fond du problème. Le petit jeu électoraliste auquel se prêtent quelques formations politiques flirtant -toujours plus dangereusement- avec l’indicible, risque d’emporter dans un brasier de haine ce qu’il nous reste d’une démocratie en peine… En pleine agonie car des représentants irresponsables s’adonnent tantôt à de la mauvaise gouvernance en Wallonie, tantôt à de la destruction progressive de garde-fous comme le cordon sanitaire médiatique et enfin, aujourd’hui, à de la copie au rabais de formules malodorantes d’une droite radicale. Une droite populiste et liberticide qui renierait jusqu’à ma propre identité si on lui en donnait droit.
Monsieur Rousseau, moi, c’est en me baladant dans certains villages flamingants où je ne suis vu que par ma couleur -et non plus mon cœur ou mon engagement- que je ne me sens plus en Belgique. Ce pays francophone, néerlandophone et même germanophone qui m’a vu naître et pour lequel nous ne cesserons jamais de lutter.
Par Jean Kitenge, Président de DéFI Jeunes.
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