Carte blanche
Lettre ouverte d’un ancien parlementaire Ecolo à son parti: « Je suis profondément dégoûté »
Jacques Liesenborghs, ancien parlementaire vert, se dit « profondément déçu-dégoûté » par l’attitude d’Ecolo au sein de la Vivaldi concernant la politique migratoire et d’asile du gouvernement. « Allo ? Les verts ? Il est l’heure de poser vos conditions à votre maintien dans la Vivaldi ».
Vert ? Oui, mais pas le « vert » du parti Ecolo d’aujourd’hui. L’écologie politique, je l’ai découverte il y a 50 ans. Avec A. Gorz, I. Illich, Meadows et Halte à la croissance ! J’ai milité pendant 20 ans, j’ai été élu, j’ai interpelé, j’ai pétitionné, j’ai manifesté, j’ai écrit … Aujourd’hui, comme tant d’autres, je suis profondément déçu-dégouté du quasi-silence d’un parti complice de la scandaleuse politique migratoire et d’asile du gouvernement fédéral.
Assourdissant silence
Ce sont plus de 500 personnalités de la société civile qui interpelaient encore tout récemment Ecolo (et le PS) : « Nous sommes sidérés de n’entendre que votre silence en réponse à l’épouvantable maltraitance que le gouvernement, avec votre complicité, impose aux demandeurs d’asile … La liste est longue des règles et principes juridiques qui gouvernent l’accueil et dont vous acceptez le viol ».
Ce sont d’éminents juristes et d’inlassables bénévoles. Des responsables d’associations et des professeurs d’universités. Des mutuellistes, des citoyens lambda. De tous âges et de toutes conditions sociales. Ce sont des voix issues des grands courants spirituels et religieux. Des évêques et des représentants de la franc-maçonnerie. Ce sont nos frères et nos sœurs de toutes ces familles pour qui « les valeurs humaines de solidarité et de fraternité sont le socle de notre société et de nos combats ».
Le scandale bruxellois du mois de décembre – le spectacle de l’inhumanité donné au monde entier dans la capitale de notre pays riche- a soulevé des vagues d’indignation, d’appels et de prises de position qui n’ont pas (encore ?) été entendues. « Le respect des valeurs humaines est dépassé … le silence n’est plus de mise », écrivent nos frères de la franc-maçonnerie. Le silence a donc été rompu ! Mais cela ne suffit évidemment pas. Qu’est-ce qui va changer ?
Allo, les verts de l’appareil « écolo »? Allo ? « Est-ce que vous vous rendez compte que la Vivaldi fait pire que la « suédoise » ? Rendez-nous Franken ! Avec lui, au moins, c’était clair. Aujourd’hui, c’est « Sans nous, ce serait pire ». Une ritournelle bien connue. Ou la procrastination : « Préparons un programme solide pour 2024 ». Quand vous n’aurez plus voix au chapitre ! Ahurissant.
En attendant, vous participez (1) à cette détestable gestion à la petite semaine de migrations prévisibles et à prévoir plus nombreuses encore. Combien de morts sur les routes de l’exil vous faudra-t-il encore ? Car les questions et défis à relever ne peuvent se limiter à régler à la « mode Vivaldi » l’accueil de court terme. C’est toute la politique de l’Europe-forteresse qui doit être fondamentalement revue et corrigée
Il parait qu’ils nous font peur quand ils viennent de loin, les étrangers ? Ce n’est pas ce que l’on constate quand on entend des infirmières, des assistantes sociales, des médecins, des retraités…
Je reprends mon habit « vert », couleur de la colère et surtout des Droits humains. Celui de la fraternité avec les sœurs et les frères de notre planète commune. Il parait qu’ils nous font peur quand ils viennent de loin, les étrangers ? Ce n’est pas ce que l’on constate quand on entend des infirmières, des assistantes sociales, des médecins, des retraités… qui sont engagés aux côtés des exilés.
Ecoutez !
Sur la « peur » qui vous fait si peur, écoutez Gabriel Ringlet : « Il n’y aura pas de changement concret de l’accueil sur le terrain s’il n’y a pas une évolution des mentalités. Par cela, j’entends essayer de faire comprendre à nos concitoyens que l’autre est une chance, un possible, une espérance et une aide. Nous voyons encore trop souvent l’asile comme un problème. Nous avons peur parfois d’en faire trop à cause de la réaction de nos concitoyens. Or, je crois que nous devons nous engager sur ce terrain-là sans la moindre réserve et aller plus loin que ce qu’il se passe aujourd’hui ». Sans la moindre réserve ! Beaucoup plus loin.
Osez rompre avec le rouleau compresseur qui fait que, depuis 30 ans, les idées de la droite extrême percolent insidieusement dans nos familles, nos écoles, nos médias, nos démocraties … Résultat ? Ce sont des Zemmour ou des GLB qui donnent le « la » !
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Ecoutez plutôt et faites écouter Olivier Leborgne, évêque d’Arras, sur le même sujet : « De quelle réalité nous revendiquons-nous ? De celle du capitalisme ultra-libéral et de la loi du marché qui creuse les inégalités et met la terre en danger ? De la capitulation qui nous dit qu’il n’y a d’autre chemin que celui-là ? Le seul réalisme qui compte est celui de l’humanité de la personne humaine. La réalité, c’est que nous avons en face de nous des hommes, des femmes et des enfants. Le fait est qu’ils sont là et que c’est la question de notre dignité et de notre commune humanité qui est posée à travers eux. Nous ne pouvons donc plus nous dérober ».
N’écoutez pas les discours de la peur. Faites preuve de courage et d’audace. Il en faudra. Faites confiance au formidable potentiel de tous ces bénévoles, bouffés par les urgences et en attente de décisions nouvelles, très nouvelles.
Votre loyauté, c’est à d’autres textes qu’un accord de gouvernement que vous la devez : la défense des droits humains
Ce sera un travail culturel et politique difficile. Très difficile dans le contexte actuel. Mais vous aurez beaucoup d’alliés … si vous n’attendez pas 2024. Si vous vous réveillez MAINTENANT et que vous joignez les actes à la parole. Finis les actes modestes et discrets : « quand on est en coalition, la loyauté … ». Votre loyauté, c’est à d’autres textes qu’un accord de gouvernement que vous la devez : la défense des droits humains (« le respect des étrangers est la pierre de touche du respect des droits humains »)
Allo ? Les verts ? Il est l’heure de poser vos conditions à votre maintien dans la Vivaldi. A prendre ou à laisser ! Sans tergiversations. Sur le court terme et sur le long terme. Pas seulement pour les mois qui viennent et les hébergements d’urgence.
Jacques Liesenborghs, ancien parlementaire vert
(1) Je parle du parti et je sais que beaucoup d’élus souffrent
Le titre est de la rédaction. Titre original: « Verts ? Vers où ? Vert de colère !«
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