Carte blanche
Lettre ouverte à Georges-Louis Bouchez: non, l’indemnisation du chômage n’enrichit pas les syndicats
Après avoir participé à un débat avec Georges-Louis Bouchez, le professeur honoraire de l’ULB Mateo Alaluf revient sur l’un des affirmations du président du MR concernant la FGTB, la CAPAC et l’indemnisation du chômage par les syndicats.
Cher Monsieur Bouchez,
Vous avez eu l’amabilité de m’inviter à intervenir lors d’une conférence sur l’allocation universelle, le 19 septembre dernier à Lasnes.
Durant cette conférence, en abordant les thématiques des syndicats, des mutuelles et de la sécurité sociale, vous avez particulièrement visé les syndicats qui, dans leur fonction d’organismes de paiement des allocations de chômage, s’enrichiraient par l’argent public versé généreusement par l’Etat.
Vous avez d’emblée rejeté l’argument selon lequel les frais de gestion des dossiers sont moins élevés lorsqu’ils sont traités par les syndicats que par la CAPAC, organisme public créé à cet effet. Il ne s’agirait, selon vous, que d’un artifice résultant de l’économie d’échelle dont bénéficieraient les syndicats. Comme ceux-ci traitent un plus grand nombre de dossiers, le coût en serait naturellement moindre.
S’il est vrai que la CSC et la FGTB, en raison du nombre de leurs affiliés, ont un grand nombre de dossiers, le syndicat libéral (CGSLB) traite un nombre moins élevé que la CAPAC avec des frais de gestion qui demeurent toujours beaucoup moins élevés. Le paiement du chômage par l’intermédiaire des organisations syndicales coûte donc beaucoup moins cher à la collectivité quand il est assuré par les syndicats que par l’organisme public.
Vous avez ajouté que les syndicats auraient intérêt à maintenir leurs membres au chômage pour continuer à percevoir les frais administratifs pour la gestion de leurs dossiers. Or, les affiliés au chômage paient une cotisation dérisoire à leur syndicat, alors que s’ils occupaient un emploi, la cotisation serait bien plus élevée que la somme versée pour la gestion d’un dossier chômage.
Vous avez ensuite sorti de votre chapeau une révélation ignorée de tous : par le biais d’un marché public remporté par la FGTB, la CAPAC serait désormais gérée par la FGTB. Dès le lendemain de la conférence, je vous ai adressé en conséquence par écrit la question suivante :
« J’ai été surpris lorsque vous avez affirmé que suite à un appel public, la FGTB aurait pris le contrôle de la gestion de la CAPAC. A ma connaissance, la CAPAC a déjà fait appel à des soutiens techniques externes mais n’a jamais confié sa gestion à une société extérieure. Je n’ai pas connaissance non plus qu’un tel marché public ait jamais été attribué à la FGTB. Je vous serais reconnaissant si vous pouviez me donner des précisions à ce propos. Quel marché public concernant la CAPAC aurait-il été attribué à la FGTB? Vous comprendrez l’importance que j’attache à votre réponse compte tenu de vos allégations vis-à-vis des offices syndicaux de payement des allocations de chômage ».
Il n’y a jamais eu de marché public concernant la gestion de la CAPAC remporté par la FGTB. Comme toutes les autres institutions de la sécurité sociale, la CAPAC est soumise à la gestion paritaire. Les comptes des organismes de paiement des syndicats sont publics, ont un statut juridique particulièrement contraignant et sont contrôlés par les auditeurs de l’ONEM et de la Cour des Comptes.
L’indemnisation du chômage n’enrichit pas les syndicats mais au contraire, ceux-ci doivent combler le déficit de leur caisse chômage en raison de l’insuffisance des frais d’administration qui leur sont chichement consentis. Les organisations syndicales restent cependant très attachées à leur fonction d’organisme payeur pour assurer un service à leurs adhérents et préserver un lien au moment où ceux-ci perdent leur emploi. Comble de l’absurde : l’intérêt des syndicats n’est pas d’avoir plus de chômeurs à indemniser, mais plus de travailleurs à organiser pour assurer l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail.
Lorsque l’expression de divergences d’opinion légitimes dégénère en allégations mensongères, c’est le débat public qui est déconsidéré.
Veuillez accepter, Cher Monsieur Bouchez, mes sentiments distingués.
Mateo Alaluf, professeur honoraire de l’ULB
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