Carte blanche

Les enquêtes PISA, le retour pour culpabiliser les enseignants? (carte blanche)

Bernard De Commer, instituteur retraité et ancien permanent syndical, regrette les préjugés établis à l’égard des enseignants sur la seule base des résultats aux enquêtes PISA.

Enseignants, feriez-vous mal votre métier? Alors que les profs en Fédération Wallonie-Bruxelles se mobilisent face aux réformes envisagées par le MR et Les Engagés, on leur ressert, via certains médias, le peu de résultats aux enquêtes PISA eu égard aux moyens attribués à l’enseignement.

«Beaucoup de moyens, peu de résultats: l’enseignement francophone en souffrance», titrait ainsi Sudinfo dans ses pages du 27 novembre.[1]

Personne n’affirmera que les résultats sont bons, mais cela mérite que l’on ne se limite pas à une sorte de slogan passe-partout. Non, ces constats déjà révélés dès PISA 2000, toute première enquête du genre, nécessitent une analyse fine.

Auteur, pour le CRISP (Centre de recherche et d’information socio-politiques), d’un cahier hebdomadaire relatif aux tout débuts des enquêtes PISA [2] et aux réactions des politiques, je signalais – reprenant les termes mêmes utilisés par D. Lafontaine – que PISA 2000 «avait mis en évidence le caractère socialement inéquitable du système éducatif de la Communauté française», et que PISA 2003 confirmait que «le renforcement de l’équité est bien le défi à relever». [3]

Dans le cadre d’un programme de lutte contre les inégalités je notais les points suivants à prendre en considération:

  • le redoublement trop souvent perçu comme la seule stratégie mise en œuvre pour prendre en compte les difficultés d’apprentissages des élèves alors que s’imposent plutôt la détection immédiate et la création d’une véritable culture de la remédiation; détection et remédiation qui passent par la formation initiale et en cours de carrière des enseignants;
  • la mobilité scolaire excessive en interdisant le changement en cours de cycle sauf dérogation;
  • pour éviter au maximum les choix négatifs, mettre en place un véritable parcours d’accompagnement des élèves et en régulant les refus d’inscriptions;
  • les orientations et réorientations successives qui s’opèrent le plus souvent par choix négatifs;
  • la concurrence entre établissements qui induit une forte pression sur ceux-ci: on étudiera la possibilité de lisser sur plusieurs années le calcul de l’encadrement et des subventions de fonctionnement;
  • les conditions d’exercice de la profession d’enseignement: l’adhésion des enseignants aux réformes projetées passe nécessairement par une amélioration de leur statut salarial, mais aussi leurs conditions de travail

Un certain nombre de mesures ont été prises depuis (et heureusement: 24 ans quand même !), que l’on retrouve d’ailleurs dans le Pacte pour un enseignement d’excellence.

Limitons notre réflexion au dernier alinéa: les conditions d’exercice de la profession d’enseignement qui passe par l’adhésion des enseignants aux réformes projetées et par une amélioration de leur statut salarial et de leurs conditions de travail.

Que leur servent MR et Engagés à ce propos? La fin à terme des statuts (notamment les priorités) et je n’ai pas entendu les manifestants proclamer haut et fort leur amour pour les CDI, censés venir à bout de la pénurie. Quant à leur adhésion aux réformes en cours, les réactions sont plutôt mitigées dans la mesure où le Pacte génère un surcroît de travail pour les enseignants, surcroît souvent assimilé à de la paperasserie. A tort, selon moi, mais a-t-on cherché à les convaincre du contraire?

Quant à une amélioration de leur statut salarial, on parle bien, à je ne sais quel horizon, d’une revalorisation salariale couplée au CDI. Tout en disant et redisant à tous vents que la situation budgétaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles va imposer des économies.

En conclusion: non, les enseignants ne font pas mal leur métier. Ils font avec ce qu’ils ont face à une société qui se paupérise. Et ce n’est pas qu’une simple question de moyens que met à leur disposition la Fédération Wallonie-Bruxelles: je reste convaincu que laisser au seul enseignement le soin de lutter contre les inégalités relève de la gageure.

Et si Madame Glatigny souhaite, comme elle le rapporte dans l’interview accordée au Vif ce 27 novembre, mettre de l’ordre dans la maison, ne s’impose-t-il pas de faire le ménage, structurellement et socialement parlant, dans des compétences largement éclatées en divers lieux de pouvoir?

Il faut – et c’est ma conviction d’homme de gauche – impérativement que se (re)mettent en place des zones d’éducation prioritaire associant l’école, bien sûr, mais aussi tout l’associatif à finalités sociales, culturelles, sportives, les politiques de logement, d’accompagnement, les écoles de devoir, et j’en oublie sans doute. Tous organismes à regrouper sous un seul pouvoir décisionnel. Pourquoi pas les régions, après tout ?


[1] LA CAPITALE du 27 novembre 2024, page 19.
[2] De PISA 2000 au Contrat pour l’école, 2005 n° 1878-1879. Bernard DE COMMER.
[3] PISA 2003 Quels défis pour notre système éducatif ? Service de pédagogie expérimentale de l’Université de Liège sous la coordination de D. LAFONTAINE

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