Carte blanche

« Les autorités de l’ULB doivent reconnaître l’antisémitisme sur leurs campus »

Quatre professeurs de l’ULB accusent l’université bruxelloise de « passivité » face à l’antisémitisme présent selon eux sur les campus.

Il est consternant de constater qu’un grand nombre refuse de reconnaître ou banalise ou encore justifie la flambée virulente d’antisémitisme qui déferle sur le monde, Belgique incluse, depuis les actes de barbarie perpétrés en Israël par les islamistes du Hamas le 7 octobre 2023.

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De telles positions sont d’autant plus invraisemblables que ces massacres ont intentionnellement ciblé des Juifs, majoritairement civils et sans défense: plus de 1200 personnes assassinées, certaines atrocement mutilées, sans distinction d’âge, de sexe et de nationalité. S’ajoute à l’horreur les très nombreux blessés, kidnappés et ceux encore retenus en otages dans des conditions inimaginables. Ce pogrom du 21ème siècle a été filmé par les auteurs-mêmes de ces atrocités.

Notre propos n’est pas de commenter les évènements dramatiques qui se déroulent au Proche-Orient mais de dénoncer et de condamner toutes les formes d’antisémitisme qui se manifestent depuis lors.

Il faut rappeler que l’antijudaïsme, véhiculé par des croyances religieuses et sans aucun fondement rationnel, se perpétue de manière séculaire comme un mal chronique, profondément ancré dans l’imaginaire collectif. L’antisémitisme, terme récent, ajoute à l’antijudaïsme religieux une dimension raciale pseudo-scientifique (le juif sémite, différent de l’autre) et une dimension sociale liée à l’émancipation des Juifs.

Cet antisémitisme se réinvente continuellement en s’adaptant à l’évolution des sociétés, tout en conservant sa virulence intacte, et est régulièrement réactivé par tous ceux qui veulent en retirer un bénéfice (politique, religieux, économique…).

Depuis la création d’Israël et surtout depuis la guerre des 6 jours, la nouvelle forme d’antisémitisme est l’antisionisme radical qui permet aux antisémites de tous bords d’exprimer leur haine des Juifs sous la forme d’une détestation forcenée de l’état des Juifs qui représente, dans leur fantasmagorie, le mal absolu.

Si l’antisionisme est initialement l’opposition à l’établissement d’un foyer national juif en Palestine, sa signification s’est considérablement étendue.

Elle englobe la critique de l’état d’Israël qui est évidemment permise pour autant qu’elle s’exerce sur le même mode que celui appliqué aux autres états. Il est normal de pouvoir critiquer la politique du gouvernement israélien et de condamner les implantations en Cisjordanie et les exactions des colons religieux extrémistes. On peut donc être antisioniste sans être antisémite, comme le définit l’IHRA[1].

L’antisionisme est bien antisémite lorsqu’il voue à Israël une haine d’exception par un discours radical qui n’est réservé à aucun autre état

Par contre, l’antisionisme est bien antisémite lorsqu’il voue à Israël une haine d’exception par un discours radical qui n’est réservé à aucun autre état, contestant l’existence-même de l’état d’Israël, le critiquant systématiquement de manière outrancière, l’accablant, à chaque fois et sans discernement, de tous les maux, tout en minimisant ou trouvant des circonstances atténuantes aux actions criminelles de ses ennemis. Cet antisionisme est d’autant plus pernicieux qu’il se pose au nom des Droits de l’Homme en présentant la seule démocratie du Proche-Orient comme un état d’apartheid et qui mène une guerre génocidaire d’inspiration nazie.

Dans un tel contexte, en tant qu’enseignants actuels ou émérites de l’ULB, nous sommes très choqués de constater que les autorités de l’ULB n’ont pas dénoncé les inscriptions antisémites placardées, en date du 2 novembre 2023, dans l’enceinte du CHU St Pierre, hôpital universitaire du réseau de l’ULB. Ces inscriptions reprennent les thèmes antisionistes radicaux et sont antisémites: elles assimilent tous les Juifs à des sionistes, à des assassins, pire, à des nazis coupables de génocide à l’égard des Palestiniens.

Les autorités de l’ULB ont publié, le 9 novembre 2023, un communiqué « passe-partout » sur le conflit du Proche-Orient, qui n’a pas mentionné une seule fois l’antisémitisme ni l’incident du CHU St Pierre, se terminant par un appel à faire en sorte que nos campus, heureusement préservés jusqu’ici, demeurent à la fois des lieux de débat et de controverse, mais aussi des espaces à tout prix préservés de toute forme de haine ou d’intolérance…

La discussion sur le fait que le CHU St Pierre soit ou non un des campus de l’ULB est sans intérêt dans la mesure où cet hôpital forme des étudiants de l’ULB. L’ULB aurait dû réagir.

La passivité des autorités de l’ULB face à cette recrudescence brutale de l’antisémitisme est, à nos yeux, une faute grave et qui est totalement contraire au libre examen qui constitue pourtant l’ADN de l’ULB.

Au nom de la liberté d’expression qui est fondamentale et du libre examen qui prône l’analyse critique et le débat contradictoire sur tous les sujets, l’antisémitisme et l’appel à la haine ne peuvent être tolérés et banalisés. Ils ne trouvent aucune justification quel que soit le contexte.

L’ULB dans une position contradictoire face à l’antisémitisme

Le conseil facultaire de la faculté de Médecine de l’ULB a, quant à lui, voté une motion, portée par certains de ses membres, condamnant sans équivoque ces actes antisémites perpétrés au CHU St Pierre.

L’ULB a, par contre, autorisé des manifestations propalestiniennes sur ses campus. Si le droit de manifester doit être garanti, il doit s’inscrire dans le respect de l’autre et la tolérance. Or, ces manifestations ont été organisées par des groupes farouchement hostiles à l’état d’Israël, comme le Comac[2] -émanation du PTB qui s’est opposé à la projection au parlement belge du film sur les atrocités du 7 octobre 2023 expliquant qu’il s’agit de propagande israélienne- et le comité « BDS ulb » -obsédé par le respect du droit international et des droits de l’homme par Israël uniquement[3].

L’ULB, s’est placée dans une position contradictoire

Il faut ajouter que l’ULB ne dissuade pas les comportements intolérants sur ses campus qui ciblent les Juifs, comme les arrachages réguliers des affiches demandant la libération des otages détenus par le Hamas.

Dans ces conditions, l’ULB, s’est placée dans une position contradictoire, laissant s’exprimer, sans aucun contrôle de sa part, l’intolérance et la haine qu’elle indique vouloir précisément combattre et éviter sur ses campus.

Ceux qui considèrent qu’il n’est pas nécessaire de dénoncer le mal antisémite, estimant que la situation actuelle n’est qu’une énième récidive d’une maladie latente qui finit toujours par redevenir quiescente, ceux qui occultent l’évidence par lâcheté ou par opportunité, ceux qui tergiversent, préférant finalement s’abstenir de dénoncer spécifiquement l’antisémitisme par crainte de froisser les susceptibilités d’une partie de la communauté musulmane, ceux qui refusent de nommer le fléau, expliquant qu’il serait préférable de condamner le racisme au sens large plutôt que l’antisémitisme en particulier, tous ceux-là font preuve d’une passivité coupable qui renforce l’antisémitisme.

Leur attitude est inexcusable et participe grandement au développement d’un climat très délétère qui s’est installé sur les campus de l’ULB où bon nombre d’étudiants juifs ne se sentent plus en sécurité parce que Juifs.

Si le conflit du Proche-Orient est complexe et suscite des réactions exacerbées et très souvent liées à une méconnaissance du contexte historique, rien ne justifie les manifestations antisémites, ni de ne pas les dénoncer officiellement.

Attachés aux valeurs de tolérance et au principe du libre examen, nous demandons aux autorités de l’ULB de se ressaisir et de condamner sans équivoque l’antisémitisme qui est bien présent sur ses campus.

Philippe Golstein, Charles Kornreich, Stéphane Louryan (émérite), Jean-Luc Vandenbossche (émérite), professeurs à la Faculté de Médecine de l’ULB


[1]Définition de l’antisémitisme de l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance): analyse et propositions d’Unia, 4 janvier 2021, p.10-11

[2] Comac :Changement ; Optimisme ; : Marxisme : Activisme : Créativité

[3] BDS : comité Boycott Désinvestissement Sanctions ; https://aic.ulb.be/cercle-bds/

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