Carte blanche

«Le syndrome du déni d’antisémitisme est présent à l’ULB»

Des professeurs de l’ULB dénoncent le «syndrome du déni d’antisémitisme présent» à l’université dans une carte blanche.

Dans la matinée du 7 mai 2024, le bâtiment B du campus du Solbosch de l’ULB a été occupé par des activistes propalestiniens indiquant vouloir dénoncer le « génocide » en cours à Gaza, le système colonial et impérialiste sioniste et demandant que l’ULB rompe tous ses partenariats avec Israël[1].

Ces revendications s’inscrivent dans les thématiques de l’antisionisme radical de gauche que nous avons déjà dénoncé en décembre 2023 et dont certains des aspects sont antisémites selon la définition de l’’IHRA[2].

Un bon nombre de ces activistes « courageux » avaient dissimulé leur visage, ce qui est pénalement punissable[3].

Les manifestants ont placé une banderole sur la façade du bâtiment B, renommé Wallid Daqqa[4], (terroriste ayant été condamné, en Israël, pour meurtre) et remplacé le nom de l’ULB par celui de l’université populaire de Bruxelles. Ils ont également posé une banderole représentant une femme palestinienne en keffieh tenant une kalashnikov[5] et une autre réclamant la liberté pour Georges Abdallah[6] (terroriste, condamné à la perpétuité en France, pour meurtres). S’ajoute l’inscription free Palestine from the river to the sea qui nie l’existence de l’état d’Israël et qui revient à exiger sa destruction, réalisée ensuite en très grands caractères sur un muret en contrebas du bâtiment.

Des étudiants juifs qui se trouvaient dans le bâtiment ont été copieusement insultés. Des slogans assimilant les sionistes à des fascistes et à des terroristes ont été régulièrement scandés.

Dans ces conditions, l’ULB s’est empressée de rédiger, dans l’après-midi du 7 mai 2024, un communiqué[7], dans le style mi-chèvre mi-chou qu’on lui connait depuis le 7 octobre 2023 lorsqu’elle aborde ce conflit, veillant à placer les parties sur un même pied, prônant le dialogue et la tolérance et indiquant s’opposer à toute forme de violence sur les campus. Mais, une fois encore, elle n’a pas dénoncé ni condamné spécifiquement l’antisémitisme.

En fin d’après-midi, des activistes très agressifs ont insulté et sommé quelques étudiants juifs qui arboraient pacifiquement et maladroitement des drapeaux israéliens de quitter le campus. Des coups leur ont été portés et un drapeau israélien a été arraché. Mais surtout, en début de soirée, d’autres activistes s’en sont violemment pris au coprésident de l’UEJB[8] l’insultant de sale juif et l’agressant physiquement alors qu’il se trouvait, sans drapeau, sur le parking situé en contrebas du bâtiment B.

La rectrice de l’ULB s’est exprimée à la radio, en début de matinée du 8 mai 2024[9], pour condamner les violences survenues la veille mais, à nouveau, sans les qualifier d’antisémites tout en indiquant que l’ULB porterait plainte à la suite de l’agression du coprésident de l’UEJB.

Elle a rappelé que l’ULB est un territoire antifasciste en référence au nazisme mais sans mentionner que l’ULB ne peut être un territoire pour toutes les formes de fascismes, qu’ils soient incarnés par une gauche radicale ou par des mouvements religieux islamistes -l’islamofascisme comme le soutient Daniel Cohn-Bendit[10] , figure emblématique de mai 68.

Elle a ajouté qu’elle n’avait pas autorisé une telle action mais qu’elle ne ferait pas expulser les activistes, au nom de la liberté de manifestation, alors que des banderoles glorifiant le terrorisme armé et des terroristes meurtriers restaient toujours apposées sur un bâtiment de l’ULB, alors que l’inscription niant l’existence de l’état d’Israëln’a pas été effacée et alors que certains activistes se sont rendus coupables de violences physiques qu’ils ont reconnues[11] et qui ont ciblé des étudiants juifs parce que juifs.

L’ULB a communiqué en interne dans la journée du 8 mai 2024, minimisant les incidents violents survenus la veille en début de soirée[12] et condamnant les propos racistes et antisémites. Il aura donc fallu attendre 7 mois pour qu’un communiqué interne de l’ULB reprenne l’adjectif antisémite mais associé à celui de raciste, le plaçant au second plan et le restreignant aux propos violents.

De ce qui précède, il s’avère que, dans le temple du libre examen, les autorités actuelles de l’ULB et sa rectrice sont atteintes par le syndrome[13] de déni d’antisémitisme.

Il s’agit d’une forme particulière de déni qui empêche le sujet, de manière inconsciente mais parfois pour des raisons bien conscientes et qui lui sont propres, de reconnaître les manifestations d’antisémitisme en dépit d’une réalité pourtant évidente, les considérant comme inexistantes ou les estimant insignifiantes voir même normales.

Il se caractérise par une symptomatologie polymorphe qui s’adapte aux circonstances et qui s’exprime avec une acuité variable.

Il y a notamment et dans le cas présent:

  • L’aphasie sélective empêchant le sujet d’arriver à prononcer le mot antisémitisme et de condamner les actes et les violences antisémites sur ses campus et les actes antisémites dans ses hôpitaux de stages[14].
  • La cécité de l’hémichamp visuel gauche qui empêche le sujet de percevoir les agissements d’une gauche radicale et antisémite qui est bien présente au sein de l’université. Cette amputation du champ visuel le rend également incapable de reconnaître que le communautarisme religieux musulman qui s’est développé au sein de l’ULB, sous sa complaisance et en contradiction avec la laïcité, alimente le climat d’antisémitisme qui a infiltré les campus de l’ULB.
  • L’agraphie partielle qui ne permet pas au sujet d’écrire le mot antisémitisme dans un communiqué. Il peut cependant écrire l’adjectif antisémite mais en interne et après un interminable combat contre lui-même (dans le cas présent, 7 mois d’atermoiements); il reste cependant incapable de le dissocier de l’adjectif raciste qui doit le précéder et ne peut l’appliquer que de manière restrictive (les actes violents ne sont toujours pas qualifiés d’antisémites…).
  • L’anacousie qui empêche le sujet d’entendre les multiples appels qui lui sont faits depuis des mois pour lui demander de condamner sans ambigüité un antisémitisme croissant qui sévit sur ses campus et qui menace la sécurité des étudiants juifs[15].
  • La forme hypoacousique qui est une variante est cependant tout aussi problématique. Dans ce cas, le sujet arrive à entendre certains appels mais indique systématiquement que les preuves qui lui sont fournies sont insuffisantes.
  • L’altération du raisonnement logique élémentaire qui place le sujet dans une incohérence dont il ne se rend pas compte. Le sujet peut ainsi, à la fois prétendre prôner le dialogue et la tolérance et indiquer s’opposer à toute forme de violence sur les campus et, dans le même temps, refuser de dénoncer et de condamner les actes antisémites violents qui ont pourtant lieu sur un de ses campus, tout en acceptant la présence, sur un bâtiment de l’ULB, de banderoles faisant l’éloge de la violence armée et glorifiant des terroristes meurtriers ainsi que des inscriptions niant l’existence de l’état d’Israël.
  • La perte du sens de la mesure qui amène le sujet à pouvoir tolérer l’action d’une minorité qui n’a pas été autorisée à manifester et qui affiche un antisionisme antisémite, en prétextant qu’il faut lui garantir une liberté d’expression dont elle ne respecte pourtant pas les codes.
  • Le transfert qui permet au sujet de se décharger en considérant que les étudiants juifs et tous ceux qui dénoncent l’antisémitisme à l’ULB sont atteints d’une paranoïa les amenant à considérer un antisémitisme imaginaire[16] qu’ils voient partout, constamment et avec exagération.
  • L’amnésie intermittente et sélective qui explique pourquoi, à certains moments, le sujet ne se rappelle plus les valeurs du libre examen dont il est pourtant le garant. Il en va de même pour la laïcité.

Les effets d’un tel syndrome sont dévastateurs, laissant impunément évoluer un antisémitisme insupportable sur les campus qui menace directement et dangereusement les étudiants juifs de l’ULB.

Ce déni est d’autant plus grave qu’il provient d’une autorité académique, les universités étant, en principe, les lieux d’une réflexion clairvoyante qui doit permettre de déconstruire la pensée antisémite et de combattre toutes les formes d’antisémitisme sans compromission et sans relâche.

Il n’y a cependant aucune évidence qu’un tel syndrome soit irréversible et il n’est donc pas impossible qu’un ou plusieurs évènements déclenchants (mais encore inconnus) parviennent à ramener le sujet atteint dans la réalité. Ce qui suit pourrait, espérons-le, y contribuer.

Il est nécessaire de rappeler qu’un climat d’antisémitisme « ordinaire » s’installe lorsque la collectivité et ses responsables banalisent les comportements antisémites (insultes, inscriptions antisémites taguées sur les bâtiments et non effacées, menaces et intimidations des juifs) ou s’y montrent indifférents. Ensuite, sur ce terreau constitué, surviennent les agressions physiques. Enfin, au stade ultime, le meurtre de juifs parce juifs clôture le processus.

Dans le cas qui nous concerne, cet antisémitisme « ordinaire » s’est installé rapidement sur les campus de l’ULB depuis le 7 octobre 2023, favorisé par une minorité très active et par le communautarisme religieux musulman, la passivité d’une partie de la communauté universitaire et surtout par l’absence de réaction des autorités l’ULB qui n’ont toujours pas condamné officiellement l’antisémitisme sur leurs campus malgré les très nombreux signaux qui leur ont pourtant été adressés.

Nous sommes maintenant au stade des violences physiques qui auraient dû être évitées si les autorités de l’ULB et sa rectrice avaient réagi adéquatement et nous n’entendons pas qu’elles continuent à laisser évoluer la situation vers le pire.

Nous leur demandons à nouveau de reconnaitre, sans attendre, de manière officielle et sans aucune ambigüité, l’antisémitisme qui sévit sur les campus et qu’elles indiquent de la même façon que l’antisémitisme doit être combattu sans relâche et que tout auteur d’un acte antisémite perpétré sur un campus de l’ULB, y compris dans ses hôpitaux de stage, sera systématiquement poursuivi et puni avec la plus grande sévérité.

Il y va de la sécurité des étudiants juifs que l’ULB a l’obligation de protéger.

La résurgence de l’antisémitisme est un signe d’alarme qui révèle un dysfonctionnement profond d’une société et qui précède, s’il n’est pas reconnu rapidement et combattu sans concession, l’avènement des extrémismes et intégrismes de tous bords.

A ce moment-là, tous ceux qui auront coupablement sacrifié la communauté juive, pour des motifs qui leurs sont propres, seront eux-mêmes emportés par la vague funeste qu’ils auront alimentée.

L’U.L.B. ne peut être l’université libre du déni; que ses autorités et sa rectrice s’en rendent enfin compte.

Signataires de la carte blanche: Pr Philippe Golstein ; Pr Joël Kotek ; Pr Jacques Brotchi ; Pr Thierry Charles ; Pr Charles Kornreich ; Pr Philippe Lebrun ; Pr Stéphane Louryan ; Pr Claude Schulman ; Pr Alexandre Peltier; Pr Jean-Luc Vandenbossche; Pr Vincent Ninane.


[1] https://www.rtl.be/page-videos/belgique/faits-divers/violences-contre-des-etudiants-juifs-en-marge-de-loccupation-dun-batiment-de/2024-05-08/video/666736

[2] https://www.levif.be/opinions/cartes-blanches/les-autorites-de-lulb-doivent-reconnaitre-lantisemitisme-sur-leurs-campus/;

Définition de l’antisémitisme de l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance): analyse et propositions d’Unia, 4 janvier 2021, p.10-11

[3] code Pénal. Chapitre IV art 563bis

[4] condamné en Israël pour en 1986 pour avoir planifié l’enlèvement et l’assassinat d’un soldat israélien.

[5] https://www.rtl.be/page-videos/belgique/societe/conflit-israelo-palestinien-des-violences-hier-soir-sur-le-campus-du-solbosch-de/2024-05-08/video/666955

[6]  condamné en 1987, en France, à la réclusion à perpétuité pour complicité dans l’assassinat de diplomates israéliens et américains à Paris. Ce « révolutionnaire » libanais marxiste proche du FDLP (Front démocratique pour la libération de la Palestine) milita dans un premier temps au sein de la section libanaise du Parti social nationaliste syrien, créé en 1932, d’inspiration nazie et dont le drapeau s’inspire du svastika nazi.

[7] Réaction de l’ULB à la suite de la manifestation Free Palestine – Actualités de l’ULB

[8] Union des Etudiants Juifs de Belgique.

[9] https://auvio.rtbf.be/media/les-sequences-de-matin-premiere-le-point-de-vue-3191329

[10] D. Cohn-Bendit : Il y a un islamofascisme, ça existe. Libération 7/1/2015. 

[11] https://www.rtbf.be/article/occupation-et-incidents-sur-le-campus-de-l-ulb-la-rectrice-annonce-le-depot-d-une-plainte-11370884

[12] Occupation du mouvement Free Palestine sur le campus du Solbosch, communication à la communauté du 8/5/2023: …Quelques tensions et actes violents se sont produits hier en début de soirée.

[13] Un syndrome est un ensemble de signes et de symptômes dont les causes peuvent être variées.

[14] https://www.levif.be/opinions/cartes-blanches/les-autorites-de-lulb-doivent-reconnaitre-lantisemitisme-sur-leurs-campus/

[15] Appel à une prise de position publique auprès de l’ensemble de la Communauté universitaire en faveur du droit à la sécurité des étudiants juifs du 5/11/2023, adressé à la rectrice et au président du CA.

[16] Lettre de réponse de l’ULB au CCOJB du 7/11/2023 :  à notre connaissance, aucune manifestation d’antisémitisme, aucune violence, puisque vous en insinuez l’existence, n’a été constatée sur aucun de nos campus…. Vous n’apportez dans votre courrier aucun élément, aucune preuve, aucun fait établi, ni d’une menace quelconque, ni d’une violence physique ou verbale de nature antisémite.

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