Jules Gheude

«Le nationalisme flamand continue de menacer la survie de la Belgique» (carte blanche)

Jules Gheude Essayiste politique

Après son succès électoral, la N-VA avance ses pions pour tendre vers le confédéralisme. Un objectif qui tend à rappeler que le parti nationaliste n’a pas oublié son objectif de créer une République flamande, rappelle l’essayiste politique Jules Gheude dans cette carte blanche.

Les sondages avaient annoncé une écrasante victoire du Vlaams Belang, qui rendait les observateurs politiques fort pessimistes quant aux chances de pouvoir former rapidement un nouveau gouvernement belge.

Non seulement la percée de l’extrême-droite flamande a pu être évitée, mais l’hégémonie détenue par le PS en Wallonie depuis plus de quatre décennies a été brisée.

Depuis l’introduction de la régionalisation en 1980, le PS a tenu, de manière quasi ininterrompue, le gouvernail de l’Exécutif wallon (15 ministres-présidents sur 19). La pieuvre rouge a infiltré ses tentacules dans tous les rouages du moteur wallon, plongeant la région dans une situation budgétaire abyssale.

Pour la Flandre, il était devenu intenable de poursuivre la solidarité avec une Wallonie qui, manifestement, s’avérait incapable d’opérer son redressement économique. D’où la décision de mettre fin progressivement aux transferts financiers (quelque 7 milliards d’euros par an) à partir de 2025.

Le discours flamand est le suivant: libre à la Wallonie de mener la politique qu’elle souhaite, à condition d’en porter seule la responsabilité financière.

A cela s’ajoute le fait que la Flandre ne se considère plus comme une entité fédérée, mais bien comme un Etat-nation.

En 1999, le Parlement flamand a ainsi avalisé l’option confédérale, lancée quelques années plus tôt par le démocrate-chrétien flamand Luc Van den Bande, alors ministre-président flamand. Un projet qui repose sur deux Etats – Flandre et Wallonie -exerçant l’essentiel des compétences (le pouvoir central belge devient une peau de chagrin) et cogérant Bruxelles pour les matières dites personnalisables.

C’est ce projet que la N-VA a défendu durant la dernière campagne électorale et qui l’a amenée sur la première marche du podium en Flandre.  «Le confédéralisme est l’objectif premier et essentiel de notre action politique aujourd’hui. Nous refuserons toute refédéralisation des pouvoirs. Nous ne voulons pas non plus d’une nouvelle réforme incomplète de l’Etat, comme les six précédentes, dans lesquelles les Flamands n’ont reçu que des bribes de pouvoir en échange d’un gros paquet d’argent pour la Wallonie et Bruxelles.» Voilà ce que l’on pouvait lire en préambule du programme électoral du parti nationaliste flamand, dont le leader, Bart De Wever, a été désigné par le Roi comme formateur d’un futur gouvernement.

Ne perdons pas de vue que les statuts de la N-VA préconisent toujours à terme l’émergence d’une République flamande au sein de l’Union européenne.

Comme Bart De Wever a toujours déclaré vouloir s’inscrire dans un processus évolutif, non révolutionnaire, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que le confédéralisme constituerait l’antichambre du séparatisme. Il ne faudrait pas longtemps, en effet, pour que la Flandre considère l’échelon central belge, réduit à la portion congrue, comme totalement superflu…

A ce jour, l’option d’une coalition Arizona, composée, du côté flamand, de la N-VA et de Vooruit, et, du côté francophone, du MR et des Engagés, semble tenir la route.

Mais les vraies négociations viennent seulement de commencer, au départ de notes présentées par le formateur et que les commentateurs qualifient de « très flamingantes ». Rien encore au niveau institutionnel ! Pour les partis francophones, en tout cas, il ne peut être question de dépecer l’Etat.

Bref, comme le déclare Maxime Prévot, le président des Engagés, «l’été sera long». Quant à Théo Francken, négociateur N-VA, il dit espérer la formation du gouvernement «avant les élections communales d’octobre». Un scrutin capital pour Bart De Wever, le bourgmestre d’Anvers, qui n’a pas intérêt à apparaître comme traître à la cause flamande (quelques jours avant les élections du 9 juin, il avait estimé que l’indépendance de la Flandre n’était plus une priorité, dès l’instant où le confédéralisme était introduit…).

Une chose, en tout cas, est sûre, les nationalistes flamands ne vibrent pas d’amour pour la Belgique. Seule compte pour eux l’avenir de la Flandre ! Interrogé par « Le Soir » au sujet du dernier discours royal, Théo Francken répond : «Je n’ai pas pour tradition d’écouter le Roi le 21 juillet, excusez-moi.» Quant à Jan Jambon, lui aussi négociateur N-VA, il se félicite des «premières médailles flamandes» décrochées aux JO de Paris…

Pour en revenir à l’institutionnel, Francis Van de Woestyne, journaliste à La Libre, expliquait récemment, sur le plateau de LN24, que le virage à droite opéré en Wallonie pourrait constituer une réforme de l’Etat en soi aux yeux de Bart De Wever.

Il s’agit, en effet, d’un changement capital. Au lendemain des Etats généraux de Wallonie que j’avais mis sur pied à l’Université de Liège en 2009, j’avais rédigé un ouvrage intitulé Quand les Wallons s’éveilleront… (Editions Mols). Les yeux viennent enfin de s’ouvrir et la Flandre, comme moi, ne peut que s’en réjouir. Encore faut-il que les mesures indispensables qui devront être prises ne se heurtent pas à l’agitation de la rue que PS, PTB et Ecolo ne manqueront pas d’encourager!

En attendant, le nationalisme flamand constitue encore une menace bien réelle pour la survie de la Belgique. Au Parlement flamand, la N-VA et le Vlaams Belang détiennent chacun 31 sièges sur un total de 124…

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