Sofie Merckx
Le choix de Vandenbroucke : la méthode patronale ou la prévention ? (carte blanche)
Avec ses plans de « remise au travail », le ministre Vandenbroucke a tranché : les travailleurs malades de longue durée seront bel et bien sanctionnés. Une mesure que le gouvernement qualifie de « symbolique »? Ce n’est pas du tout l’avis des syndicats, des employeurs, des mutuelles, des associations de patients et des experts, selon Sofie Merckx, Cheffe de groupe PTB au Parlement fédéral. Le ministre Vandenbroucke persiste et signe.
Des sanctions pour les personnes malades : une demande patronale
Annie est mère célibataire. Elle travaille dans une compagnie d’assurance. À cause de sa charge de travail excessive, elle souffre d’épuisement professionnel. Des membres de sa famille doivent l’aider à s’occuper de ses enfants. Contrôles, questionnaires, trajets de réinsertion,… Annie est fortement mise sous pression pour reprendre le travail. Refuser un contrôle médical peut lui faire perdre ses allocations. Si, aujourd’hui, elle commet une erreur, manque un rendez-vous ou n’est psychologiquement pas en état d’aller jusqu’au bout des procédures, elle recevra un simple avertissement. A partir du 1er janvier 2023, si Ministre Vandenbroucke exécute ses plans , Annie risque de perdre 2,5 % de ses allocations, ce qui représente 30 euros sur une allocation moyenne de 1 200 euros par mois. C’est beaucoup d’argent, surtout avec le coût actuel de la vie. Pour le gouvernement, Annie et les autres malades de longue durée (qui sont près d’un demi-million dans notre pays) représentent un poste de dépenses. Il s’agit de personnes « inactives » qui ne rapportent rien et coûtent de l’argent à la sécurité sociale. Elles doivent donc reprendre le travail, même s’il faut pour cela user du bâton. Cela fait des années que Maggie De Block et Kris Peeters intensifient la chasse aux malades de longue durée. Frank Vandenbroucke poursuit le travail. Et il n’en est pas à son coup d’essai : on lui doit également l’architecture de la chasse aux chômeurs. Le fait de mettre unilatéralement l’accent sur l’« activation » des chômeurs et des malades pour atteindre l’objectif absurde d’un taux d’emploi de 80 % vient d’une volonté patronale. Pourvoir les postes vacants en augmentant les salaires et en améliorant les conditions de travail ? Non. Pour les employeurs , le gouvernement doit sanctionner les travailleuses et travailleurs afin qu’ils reprennent le travail qui les a rendu malades.
Des amendes pour qui ?
Cependant, selon, entre autres, le professeur de médecine du travail Lode Godderis, l’effet des sanctions est largement sous-estimé. Elles peuvent même se révéler contre-productives, en poussant potentiellement les travailleurs vers des emplois où les conditions de travail sont encore plus médiocres. D’autres soulignent l’effet stigmatisant de pareilles sanctions. Le ministre Vandenbroucke n’en démord pourtant pas. Pour lui, mutualités, employeurs et malades : tout le monde doit être « responsabilisé ». Les moindres faits et gestes de chaque personne malade de longue durée sont surveillés et la sanction guette. Aujourd’hui, quatre malades de longue durée sur dix ne remplissent pas le questionnaire qui a tant fait couler d’encre, ce qui expose quelque 80 000 travailleurs malades à des sanctions. Le contraste avec les sanctions prévues pour les employeurs est saisissant. Ils devront remplir un nombre particulièrement élevé de critères avant qu’une sanction puisse être appliquée. Autant dire qu’ils n’ont pas trop de quoi s’inquiéter. Seules les grandes entreprises qui comptent trois fois plus d’absentéisme que dans le secteur privé et deux fois plus que dans leur secteur spécifique s’exposeront à une amende. Dans la pratique, cela n’arrivera donc pratiquement jamais.
Une approche préventive est possible
Aujourd’hui, chaque année 23 000 personnes malades tombent en invalidité. Un tiers des malades de longue durée sont en proie à des troubles psychologiques. Un autre tiers souffre de maux de dos, de muscles et d’articulations. Tous ces problèmes sont avant tout dus au stress lié au travail ou à des années de surmenage physique. C’est à la racine de ces problèmes qu’il faut s’attaquer. Le gouvernement fait exactement l’inverse en mettant des mesures en place pour plus de flexibilité, des journées de travail de dix heures, plus de travail de nuit, l’augmentation de l’âge de la pension et la suppression des possibilités de pension anticipée. Et tout cela sans prendre de mesures pour les personnes qui exercent un métier pénible. Le ministre Vandenbroucke pourrait très bien opter plutôt pour une approche préventive. Si l’on veut éviter que les travailleuses et travailleurs ne tombent malades à cause de leur activité professionnelle, il faut commencer par miser sur la prévention de la santé au travail. Donner aux employeurs les moyens de préserver et promouvoir la santé et la sécurité au travail. Donner aux syndicats un véritable droit de regard sur cette politique en matière de santé. Augmenter considérablement les moyens de l’inspection sociale pour garantir le bien-être et la santé. L’adoption d’une semaine de 30 heures sans perte de salaire peut faire en sorte que le travail soit à nouveau faisable. Donner aux travailleurs le plein droit au repos à partir de 65 ans et à la pension anticipée à partir de 60 ans fait aussi partie de la solution. Monsieur le Ministre Vandenbroucke, faites une croix sur cette loi de sanctions. Faites plutôt le choix de la prévention.
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