Carte blanche

Immersion linguistique en néerlandais: « Nous sommes arrivés à un point de non-retour »

« Sans réelle politique de renouveau en matière d’enseignement en immersion et des moyens requis pour soutenir une telle politique, le futur de nos enfants s’annonce plus qu’incertain, et par conséquent celui de notre économie et de notre société », alerte Valérie R., parent d’élèves en immersion linguistique.

Madame la Ministre de l’Education,

Il est urgent de réinvestir dans l’enseignement et de soutenir de manière proactive le projet d’immersion en langue néerlandaise dans nos écoles.

L’enseignement est un pilier fondamental de notre société. Les enfants d’aujourd’hui en sont l’avenir et, dans ce monde en constante évolution, les fondations de leur parcours scolaire, tant pédagogiques que sociales et linguistiques, sont plus que jamais essentielles.

Cependant, le manque de professeurs qualifiés met aujourd’hui à mal tout le système éducatif belge, et d’autant plus l’enseignement en immersion néerlandophone. Des centaines d’équivalents temps plein manquent à l’appel. Les écoles se voient entravées, empêchées de suivre les programmes comme elles le devraient, jonglant entre pénurie de professeurs, remaniements du Pacte d’excellence, sans oublier la santé mentale des professeurs en fonction… Conséquence de quoi, la qualité de l’enseignement francophone est à la traîne, les élèves décrochent, et les futurs enseignants se voient démotivés et abandonnent…

Cette pénurie est d’autant plus vraie dans le programme d’immersion qui, près de trente ans après sa mise en place, manque toujours de fondements pédagogiques propres dans l’enseignement francophone.

Nous sommes arrivés à un point de non-retour. Sans réelle politique de renouveau en matière d’enseignement en immersion et des moyens requis pour soutenir une telle politique, le futur de nos enfants s’annonce plus qu’incertain, et par conséquent celui de notre économie et de notre société.

Le métier d’enseignant est essentiel

Il est impératif de niveler vers le haut et de renforcer l’attractivité du métier d’enseignant afin de susciter plus de vocations, plutôt que sacrifier la qualité de l’enseignement en ouvrant les postes à des personnes peu – voire pas – qualifiées sous l’angle de la pédagogie ou de la maîtrise de la langue enseignée, comme pourraient le suggérer certaines nouvelles réformes.

Revaloriser la contribution des enseignants, si essentielle à l’évolution des enfants, de leur futur et donc de la société. Rendre le rapport à l’école et à l’enseignement moins aliénant, et recréer les relations entre parents et enseignants, enfants et scolarité, politiques et enseignement sur base du respect que mérite cette vocation si exigeante. Recruter de nouveaux enseignants, mais aussi fidéliser ceux qui ont fait le choix de l’un des plus beaux métiers du monde: celui de former les adultes de demain. Rémunérer à leur juste valeur les enseignants, indépendamment de leur région géographique pour éviter, par exemple, de priver la FWB de nombreux professeurs néerlandophones qualifiés… Telle est une part infime des enjeux si fondamentaux mais ô combien manquants à ce jour dans une politique de soutien à l’enseignement.

La question de la langue, enjeu majeur en Belgique

Notre éducation et notre culture se fondent sur la diversité culturelle et linguistique. En favorisant le bilinguisme dès le plus jeune âge, nous préparons nos enfants à un monde globalisé où cette même diversité est omniprésente. L’immersion néerlandophone dans nos écoles est une initiative cruciale pour leur permettre d’acquérir ces compétences, favoriser leur intégration dans toutes les régions du pays et préparer les élèves à un avenir pluriel, tant sur le plan personnel que professionnel.

Au-delà des enjeux de revalorisation de l’enseignement précités, il convient de conjuguer le respect mérité des enseignants avec le respect mérité des enfants qui s’engagent dans un projet d’immersion et dont le parcours est trop souvent instable, voire incertain.

L’immersion doit être reconnue comme pilier central dans les fondations scolaires possibles de nos enfants. De nombreux freins à l’immersion relevés à maintes reprises par l’UPIN et autres journalistes restent aussi à soulever pour conserver les enseignants.

Une situation reconnue, mais qui empire

En tant que parent ayant fait le choix de l’immersion pour mes enfants pour les raisons évoquées ci-dessus, je me retrouve face à une situation où cette immersion est mise en pause, par manque de professeurs. Mes enfants, qui ont pris goût au bilinguisme, se voient privés de cet enrichissement à cause d’une brèche dans le système politique qui ne fait que se creuser.

Une situation qui, malgré les efforts et alertes des directions d’école, des journalistes et de l’UPIN, semble vouée à se répéter d’année en année.

Une situation personnelle qui reflète une situation régionale qui affecte de très nombreuses écoles d’immersion en FWB. Car force est de constater depuis plusieurs années maintenant, que cette faille immense de l’avenir linguistique de nos enfants semble davantage soumise à une politique de l’autruche plutôt qu’à une politique constructive menant à des solutions concrètes et effectives.

En soutenant l’enseignement et en offrant les moyens pour l’immersion en langue néerlandaise, la FWB s’engagerait dans un véritable projet de société.

Une politique éducative immersive ambitieuse permettra à notre société de répondre aux enjeux de demain. Vous avez eu l’audace de réformer le rythme scolaire pour le bien-être des élèves malgré de nombreux freins. Et, moyennant les ajustements nécessaires pour éviter son impact délétère sur la pénurie d’enseignants, cette réforme pourra se transformer en un succès pour tous les enfants. Il ne tient donc qu’à vous, Madame la Ministre de l’Education, de continuer à faire bouger les lignes avec une politique de qualité offrant au projet d’enseignement en immersion la place et les moyens qu’il mérite d’avoir, depuis bien des années, dans l’enseignement francophone.

Par Valérie R., parent d’élèves en immersion en Région Bruxelloise.

Le titre est de la rédaction.
La lettre ouverte de Valérie R. a récolté près de 300 signatures de parents et enseignants en immersion linguistique néerlandophone.

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