Carte blanche

Espaces verts urbains et logements sociaux: la performance médiocre du gouvernement bruxellois (carte blanche)

Alors que le gouvernement bruxellois participe actuellement à un congrès sur les « villes saines », Greenpeace dénonce la bétonnisation rampante de la capitale, le manque d’espaces verts et l’insuffisant investissement dans la construction de logements sociaux.

Cette semaine se tient à Tour & Taxis un prestigieux congrès consacré à l’urbanisme et à l’aménagement du territoire. Il a pour titre accrocheur « Des villes riches aux villes saines ». Lors de ce rassemblement international, le gouvernement bruxellois étalera ironiquement ses belles réalisations, et cela alors que plus de 50 000 familles se trouvent sur une liste d’attente pour obtenir un logement social et qu’il existe au moins un comité d’action contre l’abattage des arbres ou l’imperméabilisation des sols dans chaque quartier de Bruxelles.

La politique menée par les hôtes du congrès, le ministre-président Rudi Vervoort (PS) et le secrétaire d’État compétent Pascal Smet (Vooruit), a de quoi nous rendre pour le moins circonspects. Prenons par exemple le « marais Wiels ». Au cours d’une petite promenade guidée, la Région y expliquera fièrement ses projets à un groupe d’experts. Des citoyens y luttent pourtant depuis 2018 pour protéger le bâtiment classé du Métropole et la biodiversité du marais. Après de vives protestations citoyennes, la Région a racheté le site en 2020. Pas pour sauver la nature non, mais pour le bétonner quand même. Il est donc très cynique qu’elle présente ensuite ce projet comme l’une de ses réalisations écologiques.

Le ministre-président Vervoort qualifie ce type de mouvement citoyen de syndrome NIMBY (Not In My BackYard). Pourtant, l’opposition des riverains est très loin d’être infondée. Quelque 14 % des espaces verts bruxellois ont disparu entre 2003 et 2016. En 2020, 52 % du territoire bruxellois étaient bétonnés, contre 47 % en 2006. Ainsi, si l’on partage équitablement tous les espaces verts, jardins compris, Bruxelles compte 55 m² de verdure par habitant, contre 96 m² à Amsterdam.

Ce n’est pas le gouvernement actuel qui va inverser cette tendance. Si Rudy Vervoort se vante volontiers de la création de 55 ha de nouveaux espaces verts depuis son entrée en fonction en 2013, il prévoit de bétonner 42 ha d’espaces verts urbains, dont le marais Wiels. Sans oublier que 1105 ha de verdure ont déjà disparu entre 2003 et 2016 ! Si les socialistes bruxellois n’abandonnent pas leurs projets, ils afficheront donc un bilan négatif.

La liste d’attente pour les logements sociaux compte déjà plus de 50 000 familles, soit une file d’attente de 12 ans environ

Le gouvernement bruxellois se défend en affirmant qu’il doit faire un choix entre résoudre la crise du logement et protéger la nature en ville. Des projets controversés tels que ceux du marais Wiels et du site Josaphat seraient donc nécessaires pour atténuer la pénurie de logements et raccourcir la liste d’attente pour les logements sociaux. En effet, celle-ci compte déjà plus de 50 000 familles, soit une file d’attente de 12 ans environ au rythme actuel de la construction. Il est clair que cette situation porte atteinte à la dignité humaine et que le gouvernement bruxellois devrait créer des logements sociaux supplémentaires sans plus attendre.

Mais en fin de compte, il s’avère que ce n’est pas le logement social qui motive les projets de destruction de la nature. Il ne sert qu’à jeter un voile sur de grands projets de prestige destinés à générer des revenus supplémentaires. Sur les 1200 logements que le gouvernement veut construire sur le site Josaphat par exemple, seuls 323 sont des logements sociaux. Les autres sont des logements en propriété à finalité sociale, qui finiront par se retrouver sur le marché privé. Et la situation est la même pour d’autres sites naturels menacés. Au marais Wiels, le gouvernement reste on ne peut plus vague puisqu’il promet « entre 70 et 80 logements destinés à la classe moyenne (et/ou sociaux) ».

De plus, lors du développement de tels projets, les espaces verts sont trop vite convoités. Or, on trouve à Bruxelles entre 17 000 et 27 000 logements vacants. Et la liste d’attente pour les logements sociaux est un problème qui ne date pas d’hier. Cela fait des années que les réseaux de lutte contre la pauvreté font des propositions politiques pour remédier au problème. Nous comprenons bien qu’il faille parfois sacrifier la nature à cette fin, mais en aucun cas, cela ne peut se faire à la légère.

Nous sommes confrontés à des étés de plus en plus chauds, et les arbres constituent le meilleur climatiseur naturel à notre disposition. Par ailleurs, des recherches montrent que vivre à proximité de vieux arbres est bon pour la santé. Sans parler de la meilleure qualité de l’air ! Tous ces bénéfices font également ressortir une inégalité profondément ancrée. Ce sont justement les personnes qui n’ont pas les moyens de passer un peu de temps loin de la ville qui ont le plus besoin d’espaces verts. Ce sont justement ces personnes-là qui subissent le plus les effets du manque de verdure, et donc de la mauvaise qualité de l’air, sur leur santé.

Pour des « villes riches et saines », nous avons besoin à la fois d’espaces verts urbains et de logements sociaux. De ces deux points de vue, les dirigeants bruxellois signent une performance médiocre. Tandis que la crise climatique et la perte de biodiversité battent leur plein, à Bruxelles, les terrains ne cessent de se raréfier et la crise énergétique ne fera qu’accroître les inégalités. Les choix d’aujourd’hui seront largement irréversibles pour le bien-être des Bruxellois demain. La question est de savoir si le gouvernement bruxellois écoutera ses citoyens inquiets ou s’il préférera faire de beaux discours lors de congrès internationaux.

Greenpeace

Le titre est de la rédaction. Titre original: « Logements et espaces verts urbains : peut-on vraiment parler de concurrence?« 

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