Carte blanche

« Des autorités publiques qui, souvent, exècrent la transparence »: pourquoi la Cada doit devenir contraignante

Cette carte blanche appelle le gouvernement fédéral à respecter les recommandations européennes et à rendre la Cada contraignante.

Comme Le Vif l’a révélé la semaine passée, Cumuleo et Transparencia rejoints par Testachats et le Gerfa ont interpellé la Commission européenne sur le rejet par la Belgique d’une recommandation présentée comme « très claire » par la Commission en matière d’Etat de droit.

En effet, alors que la Belgique préside le Conseil de l’Union européenne, le gouvernement et sa majorité politique Ecolo, PS, MR côté francophone et Groen, Vooruit, CD&V, Open VLD côté néerlandophone ont récemment voté contre le fait de donner un pouvoir contraignant aux décisions de la Commission fédérale d’Accès aux Documents Administratifs (CADA).

La CADA est l’organe de recours que les citoyens et les organisations peuvent saisir lorsqu’ils sont confrontés à une violation de leurs droits constitutionnels en matière de transparence (art. 32 de la Constitution).

A l’heure actuelle, la CADA fédérale est la dernière CADA du pays à être cantonnée dans un rôle consultatif. Elle émet de simples avis. Avis dont les autorités fédérales se moquent bien souvent. Les autres CADA du pays ont toutes reçu un pouvoir contraignant (dès 2004 en Flandre et en 2019 à Bruxelles, en Wallonie et en Fédération Wallonie-Bruxelles).

Dans ses rapports sur l’Etat de droit 2022 et 2023, la Commission européenne a recommandé à la Belgique de doter la CADA fédérale du pouvoir de prendre des décisions contraignantes. Cette recommandation a été présentée comme « très claire » par Didier Reynders, le Commissaire européen en charge de la Justice lors de la présentation du rapport Rule of Law 2023 qu’il a faite au parlement fédéral en décembre 2023.

Quels sont les avantages d’une CADA contraignante en matière de respect de l’Etat de droit ?

Dans un monde parfait, un simple avis d’une Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA), présidée par un magistrat du Conseil d’Etat, devrait suffire à obtenir l’application de nos droits constitutionnels en matière de transparence. Après tout, la CADA ne fait qu’analyser la demande du requérant et indique à l’autorité publique les documents que la loi et la Constitution l’obligent à transmettre au demandeur.

Sauf que nous ne visons pas ce monde parfait ! La réalité est que nous sommes confrontés à des autorités publiques qui, bien souvent, exècrent la transparence. Entre la transparence et le délit pénal que constitue la violation de l’article 32 de la Constitution, ces autorités font souvent le second choix.

Plus de 5.000 euros et 2 ans d’attente pour accéder à simple document public, ce n’est pas ça la transparence !

Donner un rôle contraignant à la CADA fédérale est donc indispensable pour faire respecter le droit constitutionnel et donc l’Etat de droit, dont la Belgique se prévaut.

Une CADA qui prend des décisions contraignantes est un « game changer » en matière de transparence, c’est probablement ce qui explique l’acharnement du gouvernement Vivaldi à lutter contre cette mesure.

En effet, lorsqu’une CADA contraignante rend une décision de transmission de documents, elle se substitue à l’autorité publique défaillante. Confrontée à une telle décision, l’autorité réfractaire n’a que deux options légales. Soit elle applique la décision de la CADA et transmet les documents, soit elle conteste la décision de la CADA devant le Conseil d’Etat.

Lorsque la CADA n’est que consultative, même muni d’une décision positive de transmission, le demandeur est désarmé face à une autorité récalcitrante. C’est lui qui devra saisir le Conseil d’Etat pour faire respecter ses droits … avec tout ce que cela implique en matière de coûts (à minima entre 5.000 et 10.000 euros) et de délais (deux à trois ans).

Et comme un avantage ne vient souvent pas seul, une CADA contraignante évite également les techniques dilatoires des autorités dont la perversion n’a d’égale que leur aversion pour la transparence.

Le dossier Het Laatste Nieuws sur les covidmails

Un journaliste de Het Laatste Nieuws demande au ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, de lui transmettre une copie des mails qu’il a échangés avec le commissaire corona, Pedro Façon ainsi qu’avec la présidente du GEMS, Erika Vlieghe.

Dans ce dossier, le journaliste de Het Laatste Nieuws obtiendra un avis positif de la CADA fédérale. Avis que le ministre Vandenbroucke ignorera ce qui contraindra le journaliste à saisir le Conseil d’Etat.

Au Conseil d’Etat, les recours se font en deux étapes. Dans un premier temps, l’auditeur remet une analyse et une proposition de solution. Les arrêts ne sont rendus que dans une seconde étape. Dans le dossier qui nous occupe, l’analyse de l’auditorat était favorable au journaliste.

Que fera Frank Vandenbroucke ? Dès réception de l’analyse de l’auditorat et sans attendre l’arrêt du Conseil d’Etat, il annulera sa décision de refus de transmission des covidmails sollicités par le journaliste et reprendra, immédiatement, une nouvelle décision de refus (en motivant légèrement différemment son refus).

Cette manœuvre dilatoire et perverse rend caduque toute la procédure au Conseil d’Etat (car la décision attaquée n’existe plus). Le journaliste doit alors recommencer toute la procédure, repayer les coûts qui vont avec… pour attaquer la seconde décision de refus. Et ce cirque peut se répéter à l’infini.

D’autres dossiers sont en cours devant le Conseil d’Etat concernant des refus de transparence du gouvernement VIVALDI. On pourrait, par exemple, citer le dossier Batopin (distributeurs de billets) porté par Testachats et Financité ou encore le refus de transparence d’Annelies Verlinden (CD&V) dans le dossier des brevets Be-Alert,… Ces dossiers démontrent que le système actuel de la CADA fédérale consultative ne fonctionne pas.

  • Parce qu’un Etat dans lequel un ministre peut se soustraire à l’application de la Constitution n’est pas un Etat de droit.
  • Parce qu’il est nécessaire de fermer une des portes dérobées utilisées par un système politique en pleine dérive et dont la boussole politique n’est plus orientée vers l’intérêt général.
  • Parce que la transparence est au coeur de la démocratie.

Les décisions de la CADA fédérale DOIVENT devenir contraignantes !

Une carte blanche de Cumuleo, Transparencia et Testachats

Le titre est de la rédaction. Titre original: « TRANSPARENCE : L’indispensable CADA contraignante pour faire respecter l’Etat de droit« 

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