Carte blanche
Démocratie participative : ni gadget, ni écran de fumée (carte blanche)
Il y a quelques jours, le gouvernement fédéral a lancé « Un pays pour demain », sa plate-forme de consultation citoyenne sur l’avenir de la Belgique. Six thèmes sur lesquels donner son avis, six semaines pour réagir : tous les citoyens et citoyennes belges dès 16 ans peuvent ainsi participer à faire émerger des propositions pour une Belgique plus efficace mais surtout plus juste, plus durable, plus inclusive, écrit Guillaume Defossé; Député Fédéral Ecolo.
Cette consultation a été voulue et défendue par Ecolo et Groen lors des négociations de la Vivaldi tant nous pensons qu’il est plus que nécessaire de répondre à la demande de la société civile d’ouvrir les portes et les fenêtres du Parlement à toutes et tous et de multiplier les initiatives visant à réoxygéner la démocratie. Aujourd’hui, le système traditionnel représentatif ne suffit plus, trop souvent coincé dans des jeux partisans ou dans des vieilles habitudes. Les images de présidents de partis s’enfermant pendant des jours dans un château pour sortir avec un accord Frankenstein sur une nouvelle réforme de l’État fait de morceaux de compromis cousus ensemble sans cohérence participent à cette impression d’opacité et concourent au rejet de la politique par les citoyens. Sans nous cantonner à un seul modèle, à un seul outil, nous devons donc ouvrir de nouvelles formes de participations, de nouvelles expériences démocratiques qui permettront de renouer une relation de confiance entre le monde politique et la population.
Bien entendu, en politique comme ailleurs, la perfection n’existe pas, et certainement pas quand on parle de démocratie. Parce que la démocratie, c’est par principe un système en perpétuel perfectionnement. La démocratie participative est une façon audacieuse et complexe de penser la démocratie. Tellement audacieuse qu’on préfère souvent ne pas s’y risquer par peur de l’échec, voire de l’effet contre-productif. Choisir un processus plutôt qu’un autre, plus conventionnel, est toujours un pari risqué. Et c’est souvent par l’expérience que l’on finit par trouver le juste milieu qui permet d’allier efficacité et pédagogie. Au vu de la complexité de ce travail, il n’est donc pas étonnant que l’outil qui nous est proposé aujourd’hui par les Ministres des Réformes Institutionnelles et du Renouveau Démocratique puisse décevoir, par son degré de complexité et/ou par son manque d’accessibilité. Un tel chantier, de par son caractère innovant et ambitieux, était forcément susceptible de décevoir. C’est pour cela qu’il en va de la responsabilité de tous les mandataires politiques, de tous les partis mais également de la société civile dans toutes les strates socio-économiques (associations de terrain, enseignants, universitaires, militants, syndicalistes, etc.) qui s’intéressent aux questions de démocratie, de politique et de société de s’approprier cette plate-forme, de la faire connaître, d’encourager la participation à cette plate-forme, et pourquoi pas, s’ils en ont la possibilité, en leur offrant un accompagnement technique si nécessaire. Mais aussi, malgré le délai certainement trop court qui nous est laissé, à faire vivre le sujet de l’avenir de la Belgique et de la démocratie à travers des contributions publiques, des cartes blanches, des conférences, des agoras citoyennes, etc. Car si cette plate-forme a des défauts, elle représente surtout un premier pas important vers un renouveau démocratique. Il ne tient qu’à nous d’initier avec cette plateforme un processus vertueux.
En effet, une des règles principales qui régit le domaine de la démocratie participative est bien entendu celle des résultats visibles. Il n’y a rien de plus contre-productif que de faire participer des citoyens et citoyennes à un processus et puis de ne tenir aucun compte de leurs recommandations et propositions. C’est l’écueil contre lequel a buté par exemple la Convention Citoyenne pour le Climat lancée par Emmanuel Macron en France lors de son premier mandat. Les propositions les plus ambitieuses avaient été écartées de manière arbitraire tandis que seules les mesures plus cosmétiques, voire anecdotiques avaient été adoptées. Il est donc essentiel de prouver aux participants que leur travail a et aura un réel impact. Et pour cela, nous devons miser sur la deuxième phase, c’est-à-dire celle de la délibération citoyenne. Pour cela, le Parlement, qui est et doit rester le lieu naturel où doit se débattre et se décider le renouveau démocratique, est en train de travailler à l’adaptation de son Règlement pour pouvoir créer des commissions mixtes (parlementaires et citoyens) et des panels citoyens qui auront pour première tâche de travailler, d’affiner et de soumettre une série de propositions notamment sur la base des avis récoltés par la plate-forme. Ces commissions et panels composés de citoyens tirés au sort (sans obligation d’accepter) pourront ainsi lancer un vrai travail de fond sur le renouveau démocratique et politique en Belgique. Et de ce travail doivent impérativement découler d’une manière ou d’une autre des décisions concrètes de la part du monde politique, au risque de décrédibiliser la parole citoyenne. Il ne tient qu’à nous de ne pas donner raison aux détracteurs de la plate-forme. L’existence même de cette plate-forme, avec ses failles et ses défauts, nous montre que le monde politique est non seulement prêt à renouveler la démocratie mais également convaincu que la parole citoyenne a une valeur et doit donc être écoutée et respectée, sans récupération, sans exploitation politicienne ou partisane. C’est un tournant majeur pour le gouvernement Vivaldi qui, sous l’impulsion d’Ecolo et de Groen, a fait de la promesse d’une nouvelle culture politique un axe phare de son action.
Par Guillaume Defossé, Député Fédéral Ecolo
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici