Eric Thiebaut
Comment nous, les élus, devons changer pour sauver la démocratie (carte blanche)
Une carte blanche d’Éric Thiébaut (PS), député fédéral et bourgmestre d’Hensies.
Il y a quelque temps, un journaliste m’a interrogé sur l’éventuelle présence de listes « citoyennes » aux élections communales dans ma commune. Je lui ai spontanément répondu que, selon moi, toutes les listes de candidats aux communales étaient « citoyennes », en particulier la liste proposée par mon parti.
Cette question m’a profondément interpellé. S’agit-il de suggérer que certains candidats aux élections ne seraient pas considérés comme des citoyens à part entière ? Et finalement, qu’entend-on réellement par « citoyens » ? Le Robert définit le citoyen comme « individu considéré du point de vue de ses droits politiques ». Le fait de s’engager en politique n’est-il donc pas déjà une action profondément citoyenne ? En réalité, lorsqu’on évoque aujourd’hui une liste « citoyenne », on parle d’une liste qui n’est pas présentée par un parti politique traditionnel. Est-ce à dire que les membres d’un parti ne devraient pas être considérés comme « citoyens » ?
Dans le même ordre d’idées, la constitution de panels de citoyens tirés au sort pour participer à des travaux parlementaires me laisse aussi un peu perplexe. En effet, les parlements ne sont-ils pas déjà censés être des assemblées de citoyens désignés via des élections par l’ensemble des citoyens pour les représenter ? Les parlementaires ne sont-ils pas élus justement pour porter la voix des citoyens ? N’est-ce pas l’essence même de notre démocratie représentative ?
Pour rendre confiance en notre démocratie, les futurs élus doivent donner la priorité à l’éthique, la représentativité et la proximité
Aux oubliettes, le caractère profondément citoyen de l’engagement des élus?
En vérité, le fait que l’opinion publique ne perçoive plus le caractère profondément citoyen de l’engagement politique est symptomatique de la perte de confiance dans notre système démocratique.
Les résultats des dernières enquêtes réalisées à ce sujet sont édifiants. Il ressortait du sondage RTBF/La Libre « Bye-Bye, la démocratie? » qu’un Belge sur quatre donnerait le pouvoir à un leader unique et près de 75% des sondés pensent ne pas avoir leur mot à dire sur ce que fait le monde politique. D’après un autre sondage récemment réalisé par Le Vif, près d’un Belge sur deux pense que la démocratie est en danger et que la plupart des politiques sont incompétents…
Les raisons du désamour actuel des citoyens pour le monde politique sont connues. Des scandales à répétition et des affaires liées à l’éthique ont durablement entaché la confiance du public. Des querelles partisanes excessives qui donnent parfois le sentiment qu’on n’est plus capables de s’entendre pour le bien commun. Et puis il y a cette impression que les élus sont déconnectés de la réalité vécue par la majorité des citoyens.
Cette perte de confiance des citoyens envers les politiciens n’est pas neuve. Mais le niveau atteint par ce désamour ces dernières années ne peut qu’interpeller. Pour un citoyen mandataire comme moi, ce constat est dramatique et doit susciter une nécessaire remise en question.
Comment les élus doivent redonner confiance aux citoyens
Pour rendre confiance en notre démocratie, j’ai la conviction qu’à travers l’exercice de leur mandat, les futurs élus doivent donner la priorité à l’éthique, la représentativité et la proximité.
En matière d’éthique, il est clair que l’énorme majorité des élus de notre pays exercent leur mandat avec probité. Mais malheureusement, ces dernières années, le manque d’éthique de certains mandataires a jeté durablement l’opprobre sur le monde politique. Quand vous exercez un mandat politique, vous devez être exemplaire dans ce domaine. Un élu doit mettre un point d’honneur à éviter toute forme de clientélisme. Il faut aussi parfois savoir faire preuve de courage politique et toujours écouter sa conscience au moment de voter des lois.
Un grand nombre de citoyens ne veulent plus se contenter de donner leur avis uniquement à travers un vote qu’ils expriment tous les cinq ou six ans
Représenter plus efficacement les électeurs
Je constate aussi qu’un grand nombre de citoyens ne veulent plus se contenter de donner leur avis uniquement à travers un vote qu’ils expriment tous les cinq ou six ans, en fonction du niveau de pouvoir. Ils veulent avoir leur mot à dire sur la gestion publique plus régulièrement et plus directement. Ils veulent une démocratie plus participative. C’est sans doute notamment l’avènement des réseaux sociaux qui suscite cette aspiration. On peut le comprendre, à l’heure où chaque citoyen peut à tout moment émettre un avis, donner son opinion depuis son ordinateur ou son smartphone via les réseaux sociaux.
Dès lors se pose la question de l’utilité d’encore payer des députés pour les représenter, alors qu’ils peuvent si facilement donner leur avis avec les nouveaux outils de communication numérique ? Mais d’un autre côté, les nouveaux outils donnent aussi une formidable opportunité aux élus de recueillir en permanence l’avis des citoyens. Il faut donc absolument saisir cette chance de représenter plus efficacement les électeurs.
Et enfin, il faut privilégier la proximité et la disponibilité. Ce n’est pas un hasard si les élus communaux sont les plus appréciés de la population. C’est le contact permanent avec un maximum de citoyens qui permet de mieux comprendre leurs préoccupations quotidiennes. La proximité permet aussi aux citoyens de constater que leurs élus ne sont pas déconnectés des problèmes rencontrés au quotidien par la population.
À l’heure où les extrémismes de tout bord séduisent malheureusement de plus en plus de citoyens, les mots de François Mitterrand devraient guider les pas de tou(te)s les candidat(e)s aux futures élections: « La liberté et la démocratie exigent un effort permanent. Impossible à qui les aime de s’endormir. »
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