Carte blanche

Bruxelles est-elle l’échec d’une capitale européenne sûre ?

Bruxelles est-elle l’échec d’une capitale européenne sûre ? C’est la question que se posent Jean Kitenge et Laurye Joncret. Ils souhaitent s’attaquer à deux problèmes majeurs dans notre capitale: l’insécurité des femmes dans l’espace public ainsi que la consommation et le trafic de drogues dures.

“Emily in Brussels: Apocalypse”, imaginez le scénario… A peine pose-t-elle un pied hors de son Thalys à la gare du Midi qu’une violente effluve d’urine lui envahit les narines, un peu plus loin un toxicomane jette sa pipe à crack au sol. En sortant de la gare, vêtue d’une petite jupe printanière, Emily reçoit quelques avances déplacées et noms d’oiseaux de la part des autochtones. Un homme à l’air aussi désemparé qu’elle s’approche alors et lui demande, accablé, si elle n’a pas vu son vélo. Il s’appelle Junjie Lu, un cycliste qui après avoir parcouru plus de 15000 kilomètres à travers le monde vient de se faire dérober son vélo à … Bruxelles Midi! Bienvenue au cœur de l’Europe, les amis.

Si Bruxelles ne figure pas dans le top 10 des villes les plus insécurisées du monde, on est en droit de se demander si elle concourt pour s’y faire une place. Harcèlement de rue, agressions, trafic de drogue, vols, Bruxelles est-elle l’échec d’une capitale européenne sûre ? C’est la question que se posent Jean Kitenge et Laurye Joncret. Ils souhaitent s’attaquer à deux problèmes majeurs dans notre capitale: l’insécurité des femmes dans l’espace public ainsi que la consommation et le trafic de drogues dures.

La sécurité des femmes dans l’espace public encore et toujours négligée

Les chiffres parlent d’eux-même, plus de 9 femmes sur 10 selon l’ONG Plan International ont déjà subi du harcèlement et/ou des agressions sexuelles dans l’espace public. Force est de constater qu’en dépit du lancement du plan régional bruxellois de lutte contre les violences faites aux femmes en 2020, la sécurité de celles-ci n’est toujours pas assurée par les pouvoirs publics. En novembre 2022, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées au Mont des Arts pour demander une concrétisation de la politique de lutte contre le harcèlement de rue. En avril dernier, la journaliste Camille Wernaers, dénonçait à juste titre dans La Libre Belgique les violences de genre dont elle est victime dans les rues de Bruxelles, avant de rappeler qu’avoir peur dans l’espace public parce qu’on est une femme ne peut être considéré comme une normalité. Aujourd’hui, Laurye Joncret dénonce à son tour cette même insécurité : “En moins de 10 jours, j’ai été témoin à deux reprises de cas de harcèlement et d’intimidation de femmes au Parc de Bruxelles (pourtant situé dans l’une des zones les plus sécurisées de la ville puisqu’il s’agit du quartier gouvernemental) et toutes deux ont nécessité une intervention policière. Dans mon propre quartier, en plein coeur de Bruxelles et ironiquement là où se trouve la célèbre fresque des Crocodiles visant à sensibiliser contre le harcèlement, je me fais quotidiennement intimider par des regards et des avances déplacées. Il m’arrive parfois de me faire suivre voire attoucher par des hommes, au point que mon compagnon soit maintenant obligé de m’accompagner lors de mes déplacements en soirée. Le problème ne se restreint évidemment pas aux rues de la capitale. Il est également bien présent dans les transports publics où chaque jour des hommes, parfois sous influence de l’alcool ou de la drogue, portent atteinte à la dignité des femmes en adoptant des comportements méprisants ou violents à leur égard. A l’heure où les politiques arborent de toutes parts des discours féministes et exhortent les citoyens à prendre les transports en commun, ignorer voire permettre de telles entraves à la liberté des femmes relève du paradoxe, du non-sens et de l’hypocrisie la plus totale. Je constate qu’aujourd’hui, à Bruxelles, les femmes n’ont plus le droit de disposer de l’espace public comme en disposent les hommes, alors, en forçant un peu le trait, je m’interroge : allons-nous bientôt avoir besoin d’un tuteur pour sortir dans les rues de la capitale ? Si des opérations de sensibilisation et des formations sur l’accompagnement des femmes victimes de violences existent dans les zones de police bruxelloises depuis des années, nous proposons que des équipes d’intervention et d’enquête spécialisées dans les violences faites aux femmes, dont le harcèlement de rue, soient désormais créées au sein des zones de polices locales des communes bruxelloises les plus touchées par le phénomène. Ne rien faire reviendrait tout bonnement à normaliser la peur et l’insécurité des femmes dans les rues de la capitale.


La consommation de drogue à Bruxelles : contrôler, sanctionner, investir

Ce n’est une surprise pour personne, la consommation de crack (dérivé de la cocaïne) dans les rues de Bruxelles explose en dépit des multiples opérations anti-drogue menées par la police et l’ouverture de plusieurs salles de shoot. Un problème également intrinsèquement lié au premier avancé dans cette carte blanche. Les ASBL bruxelloises qui accompagnent les consommateurs de drogues dures et font de la prévention auprès des jeunes sont dépassées par le nombre croissant de toxicomanes. A cette pression, s’ajoute l’arrivée de la drogue du zombie, connue pour ses effets ravageurs sur la santé, qui fait craindre une gestion encore plus catastrophique. Cependant, la problématique de la drogue ne s’arrête pas à la consommation mais pousse également des jeunes dans les mains de la mafia. On ne compte plus le nombre de jeunes bruxellois impliqués dans des fusillades liées au trafic de drogue. Les jeunes les plus défavorisés voient parfois dans le milieu de la drogue une échappatoire à la misère sociale dans laquelle ils se trouvent et il n’est pas rare qu’un coup de feu soit donné en échange d’une récompense matérielle ou financière. La consommation de drogues dures dans les rues de Bruxelles génère à son tour une forte insécurité dans les stations de métro squattées par des consommateurs. Ne disposant pas du personnel de sécurité agréé pour les déplacer hors des stations, la STIB demeure démunie face à la situation. S’ajoutent enfin les agressions, le harcèlement et les vols des passants et des habitants dans les rues de la capitale. Pour nous, la situation n’est ni soutenable ni acceptable, nous demandons aujourd’hui 4 mesures : 1) Investir massivement dans les ASBL pour une meilleure prise en charge des toxicomanes, une meilleure sensibilisation à la consommation en salle de shoot et une meilleure gestion des trafics; 2) Contrôler et sanctionner sévèrement la consommation de drogues dures en rue, ce qui implique de redorer la légitimité de la police et de la justice dans leurs fonctions. Il faut en effet admettre qu’aujourd’hui les autorités sont parfois narguées par les fauteurs de troubles; 3) Donner un coup d’accélérateur aux projets de développement des quartiers aux abords des gares bruxelloises pour les dynamiser et les sécuriser; 4) Légaliser le cannabis dans le but d’augmenter les recettes de l’État. Celles-ci doivent être réinvesties dans la santé publique et la Justice pour lutter efficacement contre la propagation des drogues dures et la criminalité organisée. En effet, selon le groupe du Vendredi (groupe de réflexion), organiser le monopole public sur le marché du cannabis permettrait de dégager chaque année un budget colossal. De plus, cela assurerait le contrôle de la qualité du produit et sa distribution en évitant les travers connus du marché du tabac et de l’alcool. Toutes ces mesures pourraient selon nous constituer une réponse ambitieuse à ces enjeux.

Alors, Emily va-t-elle rentrer à Paris si nos gouvernants ne se dépêchent pas de rendre à Bruxelles l’allure d’une véritable capitale européenne ?

Le titre est de la rédaction. Titre original: L’insécurité à Bruxelles est-elle une fatalité ?

Par Jean Kitenge, Président des jeunes DéFI de la Ville de Bruxelles et Laurye Joncret, Vice-présidente DéFI de la section de la Ville de Bruxelles

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