Carte blanche

Bruxelles, capitale des inégalités: la gentrification pousse les familles hors des quartiers populaires

Une école pour les enfants, un loyer impossible pour les autres. A Bruxelles, les quartiers populaires se transforment à une vitesse folle, entre nouvelles enseignes branchées et loyers qui flambent. Derrière cette vitrine du renouveau urbain, une réalité plus brutale: ceux qui y vivaient avant doivent partir.

Les loyers explosent. 1.200 euros pour un deux-pièces? Normal. Une maison à Schaerbeek? Bonne chance. Quand on gagne un salaire moyen, l’avenir se joue entre accepter de vivre dans un appart trop cher, trop petit, mal isolé… ou partir. Halle, Alost, Ninove deviennent des refuges pour Bruxellois chassés de leur propre ville. Bruxelles se vend au plus offrant, et les quartiers populaires deviennent des terrains de jeu pour promoteurs immobiliers en quête de rendement maximal.

Mais le logement n’est pas le seul terrain où la gentrification impose son tri social. L’école joue exactement le même rôle. Bruxelles a toujours eu un enseignement à deux vitesses, mais aujourd’hui, les nouveaux arrivants des quartiers en mutation ne se contentent pas d’acheter un bel appart: ils achètent aussi leur place dans le bon système scolaire. En primaire, les inscriptions groupées permettent encore un semblant de mixité. Mais dès l’entrée en secondaire, la grande trieuse s’active. Les quartiers restent mélangés, mais les écoles ne le sont plus. Adieu mixité, bonjour sélection: options élitistes, filières d’excellence, inscriptions stratégiques dans les bons établissements. Pour certains, c’est une rampe de lancement; pour d’autres, une impasse.

«On nous vend la gentrification comme un progrès: “Ces quartiers revivent!” En réalité, ils ne revivent pas, ils changent de propriétaires.»

La gentrification, un progrès?

On vend la gentrification comme un progrès: «Ces quartiers revivent!» En réalité, ils ne revivent pas, ils changent de propriétaires. Ceux qui étaient là avant doivent partir, car il n’y a plus de place pour eux. Ni dans les logements, ni dans les écoles.

Le problème, ce n’est pas qu’on construise des projets neufs, c’est à qui ils sont destinés. A chaque nouveau projet immobilier, le même schéma: du haut standing, du «co-living» hors de prix, des appartements dits «cosy et lumineux». Et pas de nouveaux logements abordables. Pourquoi? Parce qu’en Belgique, il y a la brique dans le ventre, mais surtout dans la tête. On croit encore que tout le monde peut devenir propriétaire, qu’il suffit de «travailler dur». Résultat? Pas de nouveaux logements abordables.

Alors que fairei? Continuer de regarder Bruxelles se transformer en un terrain de jeu pour «expats» et jeunes cadres dynamiques, pendant que ses habitants historiques prennent le train tous les matins depuis Alost? Ou décider de rompre avec les inégalités et d’enfin de réguler le marché, d’imposer des logements accessibles dans chaque grand projet, de faire de l’école un vrai ascenseur social, et pas un filtre invisible?

Bruxelles a l’option de demeurer une ville vibrante et inclusive, ou de se transformer en un sanctuaire pour privilégiés. Une ville, ce n’est pas une start-up. Ce n’est pas un produit à optimiser pour attirer une clientèle plus riche. C’est un espace de vie, un lieu où chacun doit avoir sa place. Bruxelles doit rester une ville d’opportunités, pas un terrain d’exclusion.

Emile Luhahi, député bruxellois Groen

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