Carte blanche
Balance Ton Bar, 3 ans après, où en sommes-nous?
En marge du procès pour viol d’un barman bruxellois, une question se pose: le traitement des victimes et des agresseurs a-t-il bougé en Belgique? La collective Les Sous-Entendu·es et la page Instagram Balance Ton Bar appellent à une réforme radicale et que cesse de peser sur les victimes la responsabilité des agressions qu’elles subissent.
À l’ouverture du procès concernant l’affaire de viol impliquant un barman bruxellois, qui a déclenché le puissant mouvement Balance Ton Bar, des réactions médiatiques et judiciaires oppressives, révélatrices d’un déséquilibre profondément enraciné, ont rapidement émergé. Il nous paraît essentiel de dénoncer ces traitements médiatiques et judiciaires problématiques, qui perpétuent et alimentent la culture du viol en banalisant l’oppression globalisée de notre société et en invisibilisant les voix des survivantes*.
Mettre en avant une éventuelle «sanction sociale» comme substitut à la justice
L’argument selon lequel le prévenu a déjà subi une « sanction sociale énorme » à cause des réseaux sociaux et des mobilisations est une insulte aux survivantes*. La justice ne peut se substituer à l’opinion publique ni s’en remettre à celle-ci pour « punir » les agresseurs. Ce type de discours détourne l’attention des faits criminels pour la mettre sur la « souffrance » des accusés, invisibilisant les conséquences pour les survivantes de violences sexistes et sexuelles.
Preuve en est, les nombreux exemples d’agresseurs (présumés ou non), dont la vie publique ou professionnelle n’a absolument pas été impactée négativement par des accusations publiques.
*Nous utilisons le terme “survivantes” pour valoriser la résilience et l’autonomie des personnes ayant subi des violences, plutôt que de les réduire à une position passive associée au mot « victime ».
Le poids du militantisme féministe
En Belgique, seuls 4% des viols signalés aboutissent à une condamnation, reflétant une forte impunité. #BalanceTonBar et les mouvements similaires sont souvent les seuls moyens pour les victimes de se faire entendre dans une société où le système judiciaire et médiatique est conçu pour les faire taire. La responsabilité des médias n’est pas à minimiser. Notez la manière dont certains articles sont rédigés. Ces mobilisations dénoncent non seulement les agresseurs, mais aussi l’inaction institutionnelle qui les protège.
La criminalisation implicite de ces mouvements par les autorités montre que les structures patriarcales se sentent menacées lorsqu’elles sont confrontées.
La réalité des chiffres
Le constat est révoltant: en Belgique, une étude a démontré que sur cent cas de viol, un seul mène à une condamnation pénale. La grande majorité des dossiers sont classés sans suite, soit en raison d’un prétendu manque de preuves, soit parce que les auteur·rice·s échappent à toute identification. Ce système défaillant illustre l’impunité structurelle et le mépris envers les victimes, renforçant une justice patriarcale complice de la culture du viol.
Bien que les choses soient mises en place pour encourager et accompagner les victimes à déposer plaintes (CPVS), les violences institutionnelles qui s’ensuivent ne permettent pas aux survivantes de trouver réparation.
La justice patriarcale et le traitement différencié des victimes
L’insistance sur le comportement des victimes – leur état d’ébriété, leur décision de continuer la fête – est un exemple flagrant de victim-blaming*. Une personne en état de vulnérabilité, qu’elle soit alcoolisée ou droguée, a droit au respect de son intégrité. L’incapacité à donner un consentement explicite devrait suffire à établir un viol, sans nécessiter de preuves supplémentaires.
*Victim-blaming: “blâmer la victime”, est une attitude qui consiste à tenir les victimes d’une agression ou d’une injustice pour responsables de ce qu’elles ont subi. La culpabilisation de la victime permet d’éviter de condamner l’agresseur, qui se voit accorder des circonstances atténuante.
Une minimisation systématique des violences
Le choix de termes tels que « contexte bien moins crapuleux » pour parler de viols avérés montre une tendance inquiétante à minimiser la gravité des actes sous prétexte de circonstances. Peu importe si la violence s’est produite dans un bar ou un appartement privé: un viol reste un viol. La suggestion que l’alcoolisation ou le cadre festif atténuent la responsabilité de l’agresseur est un dangereux rappel des mythes qui culpabilisent les survivantes et excusent les agresseurs.
Un viol minimisé est un viol légitimé
Ce cas met en évidence l’urgence d’une réforme radicale pour déconstruire les structures qui perpétuent et banalisent les violences sexistes et sexuelles. La justice doit reconnaître la gravité de ces violences et cesser de faire peser sur les victimes la responsabilité des agressions qu’elles subissent. Les mouvements comme #BalanceTonBar jouent un rôle crucial en brisant l’omerta.
L’existence de tous ces mouvements féministes est une preuve accablante de l’échec des institutions à protéger les femmes et les personnes sexisées. Nous devons les soutenir, renforcer l’éducation sur le consentement, et lutter contre une culture qui excuse encore et toujours les agresseurs.
Carte blanche de la collective Les Sous-Entendu⸱es et la page Instagram Balance Ton Bar.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici