Boycotter Teva, une "obligation morale" face aux Palestiniens

En tant que médecins, en tant que pharmaciens ou en tant que patients, nous pensons qu’il est de notre devoir de proposer le boycott de TEVA.

«Crimes de guerre», «violations du droit international», «crimes contre l’humanité», «crime d’apartheid[i]», «crime de génocide[ii]», … Tous ces termes de plus en plus utilisés et documentés par de nombreuses organisations de défense des droits humains traduisent tant bien que mal une situation dramatique vécue par la population palestinienne, en proie à une guerre coloniale à la violence croissante depuis plus de 75 ans, menée par l’Etat d’Israël à son égard.

Ces dernières semaines furent parmi les plus dramatiques de cette guerre. Les meurtres et crimes de guerre commis par la branche armée du «Hamas», ont été suivis d’une campagne de bombardements massifs et indiscriminés de la bande de Gaza par l’armée israélienne, poursuivie par une offensive terrestre d’une intensité rarement vue au 21è siècle[iii], même dans ce petit bout de terre pourtant habitué à la guerre.

A l’heure d’écrire ces lignes, plus de 23.000 Palestiniens, dont environ 70% de femmes et d’enfants, ont d’ores et déjà péri sous les assauts de l’armée israélienne[iv]. Dans le même temps, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, l’armée israélienne et des colons violents ont redoublé leurs attaques sur la population des camps de réfugiés et des communautés bédouines fragilisées. L’année écoulée y a été la plus meurtrière pour les Palestiniens depuis que l’ONU en a fait le décompte, avec plus de 500 palestiniens abattus[v].

Les images et les informations provenant de Gaza semblent appartenir à une autre époque: des villes rasées, des corps d’enfants sous les décombres, des hôpitaux bombardés et évacués en quelques heures de leurs patients, des ambulances et des soignants pris pour cibles, des réfugiés sur les routes, des prisonniers à moitié nus alignés dans les rues, des civils abattus à bout portant,…

Grâce au courage de journalistes tentant de faire leur travail au péril de leur vie, nous n’aurons pas dans quelques années le luxe confortable de pouvoir dire «qu’on ne savait pas».

Les jeux géopolitiques mondiaux font que «l’Occident», l’Europe, la Belgique, n’ont à l’heure d’écrire ces lignes, envisagé aucune sanction politique ou économique à l’égard d’Israël. Alors qu’il ne leur avait fallu que quelques heures pour mettre en place celles contre la Russie en 2022.

Il semble que ce soit donc plus que jamais aux citoyens de montrer la marche à suivre.

Le boycott de compagnies israéliennes et de compagnies multinationales actives en Israël et dans les colonies, est un outil de pression efficace, proposé par la société civile palestinienne depuis une quinzaine d’années[vi]. A ce titre elle appelle au boycott d’un certain nombre d’entreprises, dont notamment TEVA[vii]

TEVA est une entreprise israélienne active dans le secteur pharmaceutique. Il s’agit aussi de l’une des plus importantes compagnies proposant des médicaments génériques en Europe et dans le monde, largement vendus et disponibles en Belgique.

Son développement a notamment été possible en exploitant le marché des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, illégales au regard du droit international et obstacles majeurs pour la paix dans la région.

Sa puissance économique et des règles de concurrence déloyales[viii], considérant les territoires occupés comme faisant partie de son marché national, entravent le développement d’une économie palestinienne du médicament. Sa réussite économique, vantée par Israël à l’international, occulte la détérioration de l’accès et de la qualité du système de santé palestinien, sous le joug de l’occupation israélienne[ix]. Dernièrement, Teva a publié un communiqué de presse soutenant politiquement Israël dans le conflit en cours, sans aucun mot pour les victimes palestiniennes[x].

En tant que médecins, en tant que pharmaciens ou en tant que patients, nous pensons qu’il est de notre devoir de proposer le boycott de TEVA. En expliquant pourquoi nous pensons que c’est nécessaire.

Nous, médecins, à l’instar d’autres collègues, notamment au nord du pays[xi], nous ne prescrirons donc plus de médicaments de cette marque et conseillerons une alternative (si elle existe) pour nos patients, en concertation avec eux. Il existe de nombreux autres laboratoires actifs dans les médicaments génériques et nous pouvons donc assurer sans crainte que nous proposerons toujours la meilleure solution thérapeutique possible, au meilleur prix, et sans impact sur la santé.

Nous, pharmaciens nous engageons à promouvoir également le boycott de TEVA et à ne pas substituer une molécule avec un produit de la marque TEVA.

Nous, patients, consommateurs de ces médicaments, refuserons de nous faire prescrire et d’acheter ces traitements et demanderons une alternative, en concertation avec notre médecin et notre pharmacien.

Cela a déjà été répété de nombreuses fois. Crié sur tous les toits. Mais aujourd’hui plus que jamais nous nous devons de le réaffirmer haut et fort. Boycottons TEVA, Boycottons les compagnies israéliennes et les multinationales participant au soutien financier de la colonisation, et exigeons de nos gouvernements de sanctionner Israël.

Il s’agit d’une obligation morale face aux Palestiniens qui meurent et qui souffrent, et d’une responsabilité énorme de nos sociétés et de nos contemporains face à l’histoire qui s’écrit en ce moment même.

Les patients disent NON à TEVA – Les médecins disent NON à TEVA – Les pharmaciens disent NON à TEVA

Références :

[i] amnesty.be. (2023, 1 février). La vie des Palestiniens est en péril alors qu’Israël renforce l’apartheid. Amnesty International Belgique. https://www.amnesty.be/infos/actualites/israel-apartheid-bilan

[ii] Arrêter le génocide en cours en Palestine, l’appel de la FIDH à la communauté internationale. (s. d.). Fédération internationale pour les droits humains. https://www.fidh.org/fr/regions/maghreb-moyen-orient/israel-palestine/arreter-le-genocide-en-cours-en-palestine-l-appel-de-la-fidh-a-la

[iii] Hofmann, P. P. (2023, 26 décembre). Guerre Israël-Hamas : cinq chiffres pour comprendre l’ampleur des destructions à Gaza. Le Soir. https://www.lesoir.be/557832/article/2023-12-26/guerre-israel-hamas-cinq-chiffres-pour-comprendre-lampleur-des-destructions-gaza

[iv] Chiffres de Ministère de la Santé Palestinien à Gaza et repris par l’ONU. https://www.ochaopt.org/content/hostilities-gaza-strip-and-israel-flash-update-91[v] UNRWA. (2023, 28 décembre). UNRWA SITUATION REPORT # 57 ON THE SITUATION IN THE GAZA STRIP AND THE WEST BANK, INCLUDING EAST JERUSALEM. unrwa.org/. Consulté le 30

Signataires:

Professionnels de la santé