Anne-Sophie Bailly
Biodiversité, pollution: faire une pause, ça coûte cher. Très et trop cher
Qu’il s’agisse de la restauration de la biodiversité ou de la réduction de la pollution due aux plastiques, chaque délai, chaque retard , chaque mise sur pause se paiera. Plus cher.
Je demande que l’on appuie sur pause. Pas sur la réduction du CO2, mais sur tout ce qui, à proprement parler, n’est pas lié au réchauffement climatique.» Cette phrase restera probablement liée au mandat de Premier ministre d’Alexander De Croo. Parce qu’elle a créé la surprise. Parce qu’elle a emboîté le pas à d’autres positions similaires de décideurs européens. Parce qu’elle a illustré l’entrée en campagne du libéral. Parce qu’elle oppose toujours les impératifs de transition écologique et de croissance économique.
Mais aussi parce qu’elle a dû être nuancée, pour parler de «phasage» plutôt que de «pause». Surtout, et c’est plus inquiétant, parce qu’elle contribue à véhiculer des idées reçues comme le fait qu’on aurait le loisir de faire une pause face à l’urgence climatique ou que restauration de la nature et lutte contre le réchauffement climatique ne sont pas indissociablement liées.
Si on n’investit pas aujourd’hui dans la préservation des écosystèmes, on le paiera demain.
Ce sont grosso modo les mêmes débats qui agitent actuellement les négociateurs climatiques réunis à Paris autour de l’élaboration d’un traité potentiellement contraignant en vue de «mettre fin à la pollution plastique».
Ici, deux blocs s’affrontent. D’un côté, le trio des gros producteurs, Chine en tête, des gros consommateurs, Etats-Unis en tête, et des producteurs d’hydrocarbures pour lesquels les plastiques offrent un débouché alternatif bienvenu au déclin de leur activité historique. De l’autre, des ONG et la «Coalition de haute ambition pour mettre fin à la pollution plastique» de 55 pays, dont l’Union européenne, le Canada, l’Australie ainsi que plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et d’Amérique latine.
Deux blocs et deux logiques. La première veut mettre l’accent sur le recyclage et une gestion des déchets plus dynamique et espère que le traité se traduira en plans nationaux avec objectifs propres. L’autre met la priorité sur la réduction de la production et de l’utilisation de plastique et la fixation d’objectifs globaux.
Des logiques qui divergent donc également autour de la compatibilité écologie-économie. Entre régulation propre, phasage des efforts, imposition d’un cadre contraignant ou de nouvelles normes. Entre protection de la biodiversité et nettoyage des étendues marines.
Mais derrière ces positions – celle d’Alexander De Croo comme celle des négociateurs réunis à Paris – se terre une réalité qu’on ne peut plus ignorer. Si on n’investit pas aujourd’hui dans la préservation des écosystèmes, l’impact sur la santé publique et la lutte contre le réchauffement climatique, on le paiera demain. Avec des intérêts. Lourds.
Quelques chiffres pour donner la mesure. La production de déchets plastiques est aujourd’hui deux fois plus importante qu’il y a vingt ans. A trajectoire constante, c’est un triplement de la production qui est attendu d’ici à 2060. Les coûts sociaux et environnementaux liés à cette pollution? Entre trois cents et six cents milliards de dollars par an pour les estimations les plus softs, 1 500 milliards pour les plus alarmistes. Ou encore, 1,8 milliard de tonnes de gaz à effet de serre, soit 3,4% des émissions mondiales. Un chiffre qui pourrait plus que doubler d’ici à 2060.
En intérêts, ça donnerait quoi?
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