Gérald Papy
Bayrou, plus d’épaisseur, pas plus de largeur (chronique)
Le Premier ministre français se retrouve tout autant que son prédécesseur Michel Barnier tributaire du bon vouloir de Marine Le Pen.
Le Premier ministre français François Bayrou a passé à l’avant-veille du Nouvel An une journée à Mayotte, département le plus pauvre de France frappé douloureusement le 14 décembre par le cyclone Chido. «Messager des bonnes nouvelles», il a pu assurer que «les rumeurs de milliers de morts» évoquées dans les premières heures de la tragédie n’étaient pas fondées (le bilan fait état de 39 personnes décédées) et annoncer la mise en œuvre d’un plan «Mayotte debout» qui prévoit notamment un programme de reconstruction dans les deux ans.
Il a ainsi œuvré à faire oublier un des premiers couacs de son mandat. Le 16 décembre au soir, trois jours après sa nomination au prix déjà d’une épreuve de force avec le président Emmanuel Macron, il avait assisté au conseil municipal de sa ville de Pau, dont il est resté maire (en contradiction avec des déclarations antérieures d’opposition au cumul des mandats), au lieu de faire le voyage vers l’île sinistrée…
S’il veut durer, l’exécutif français se gardera bien de subir les faux pas de son primus inter pares, il est déjà suffisamment fragile pour ne pas en rajouter. Qu’apporte en effet comme changement et comme gage supplémentaire de résistance à une censure de l’opposition le gouvernement Bayrou par rapport à celui de Michel Barnier, tombé sur le vote du budget après trois mois et huit jours d’existence?
Il comporte des poids lourds en politique que son prédécesseur ne pouvait pas se targuer d’avoir. L’ancienne Première ministre Elisabeth Borne revient au gouvernement au poste sensible de l’Education nationale. L’ex-ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin le réintègre au département de la Justice. L’ancien Premier ministre Manuel Valls a surmonté sa promesse de retrait de la vie politique française, l’échec de sa candidature à la mairie de Barcelone et le succès tout relatif de sa carrière de chroniqueur radio pour retrouver les ors de la République au ministère des Outre-mer, un poste qui gagne en importance en raison des circonstances, les troubles sociaux récurrents en Martinique et en Guadeloupe, l’impasse politique en Nouvelle-Calédonie, ou le défi de la reconstruction à Mayotte.
A elle seule, cette énumération démontre l’intérêt de confier à de vieux routiers de la politique des ministères sensibles. Dans le contexte de précarité politique que connaît la France, cette pratique ne suffit cependant pas à rassurer sur la stabilité de l’Hexagone, autre source d’inquiétude pour l’Europe avec l’issue des législatives allemandes. Tout simplement parce que le gouvernement Bayrou a beau jouer des mécaniques, il n’est pas bâti sur un socle plus large que celui de son prédécesseur. Il l’est peut-être même moins, connaissant les réserves que Les Républicains, de droite, mieux représentés dans l’exécutif de Michel Barnier, ont formulées à son égard.
La faute à la fin de non-recevoir opposée au Parti socialiste de participer à la formation du gouvernement de peur, dans le chef de Macron, de voir la réforme des retraites détricotée. Bayrou se retrouve donc tout autant que Barnier tributaire du bon vouloir d’une Marine Le Pen plus sensible au verdict de son procès et à ses ambitions présidentielles qu’à la stabilité du gouvernement de la France.
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