Gérald Papy
C’est la hess
Bayrou passe entre les gouttes, de gauche et de droite (chronique)
Survivre dans le marigot actuel de la particratie française n’est pas loin de tenir de l’exploit pour le Premier ministre qui s’en est remis au sens de l’Etat du Parti socialiste.
Et de deux. François Bayrou et son gouvernement ont survécu, le 5 février, à une deuxième motion de censure en 20 jours. Après celle déposée à la suite de sa déclaration de politique générale le 16 janvier, celle avancée après sa présentation des budgets de l’Etat et de la sécurité sociale et son recours à l’article 49.3 (qui permet l’adoption d’un texte sans vote) n’a pas davantage recueilli le nombre de voix nécessaire pour faire chuter le gouvernement. Clé de cette issue heureuse pour l’exécutif, la décision du bureau national du Parti socialiste, le 3 février, de ne pas la voter au nom de «l’intérêt général» en ces temps mouvementés.
Epingler ce sauvetage et le maintien dans ses fonctions du chef du gouvernement après un mois et trois semaines d’exercice du pouvoir peut paraître saugrenu. Dans la France de l’après-dissolution et du défaut de majorité parlementaire absolue, alors que le gouvernement précédent, dirigé par Michel Barnier, a tenu trois mois et huit jours, et est précisément tombé sur une motion de censure sanctionnant un projet de budget, ce ne l’est pas. L’opération de sauvetage résulte du dialogue ouvert par le dirigeant du MoDem avec le Parti socialiste, poussé à raviver ses réflexes de «gauche de gouvernement» après avoir un temps associé son destin à l’action de la gauche révolutionnaire, au travers de La France insoumise. Michel Barnier avait fait dépendre la survie de son gouvernement du bon vouloir du Rassemblement national, toujours potentiellement tenté par la stratégie du chaos. François Bayrou s’en remet au Parti socialiste, sensible aux concessions qui lui sont accordées et soucieux de ne pas aggraver les effets économiques et sociaux de la crise politique que connaît le pays.
Le chemin choisi par Bayrou ne garantit toutefois pas la réussite du parcours tant sont nombreux les acteurs qui sont sur une ligne de crête.
Le chemin choisi par le Premier ministre ne garantit toutefois pas la réussite du parcours tant sont nombreux les acteurs qui, dans cette aventure, sont sur une ligne de crête, exposant à tout moment l’attelage à la chute. Les socialistes qui naviguent entre le soutien au Premier ministre, justifié par les «avancées» sociales obtenues, et la dénonciation de ses appels du pied à l’extrême droite (il a parlé à propos de l’immigration de «submersion»), allant jusqu’à déposer contre son gouvernement… une motion de censure qui n’a aucune chance d’aboutir puisque contraire aux convictions du RN. Les Républicains, de la droite classique, qui participent au gouvernement Bayrou mais qui ne se reconnaissent pas dans les options prises pour séduire le PS. François Bayrou, lui-même, qui doit concilier les initiatives de son très droitier ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, la position plus sociale de son ministre de l’Economie Eric Lombard (notamment «surpris» par la fronde des patrons, dont le multimilliardaire Bernard Arnault, de LVMH, contre un impôt exceptionnel sur les grandes entreprises, pourtant allégé par rapport à la version du gouvernement Barnier), et la résistance des ministres Renaissance désemparés par leur perte d’influence. Survivre politiquement dans ce marigot n’est effectivement pas loin de tenir de l’exploit. Jusqu’à quand François Bayrou le pourra-t-il?
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