Carte blanche
Amis Français, vous aussi, cultivez le « compromis à la belge » (carte blanche)
Ingouvernable, la France ? Vu les résultats des élections législatives, Macron n’aura pas la tâche aisée. Et s’il s’inspirait de la Belgique et de ses fameux compromis?, propose Pascal Warnier, citoyen diplômé en sciences de l’éducation.
En vous écoutant et en vous lisant depuis les résultats des élections législatives, j’ai été touché par votre désarroi. Point de majorité absolue ne se dégage des votes émis par vos concitoyens et voilà votre système politique enraillé, affolé et peut-être paralysé pour un temps.
Je me permets ici de vous livrer, d’outre Quiévrain, ma modeste analyse. Nous, belges, nous pratiquons la politique du compromis depuis près de 200 ans. Inutile de compter le nombre de crises politiques qui ont égrené notre histoire. Elles sont innombrables. Celle des années 2010-2011 nous a d’ailleurs valu le titre prestigieux de « crise politique la plus longue de l’histoire de l’humanité ». 541 jours sans gouvernement. Il y a aussi un revers positif à la médaille. Nous avons toujours trouvé le moyen de résoudre chacune de ces crises, ensemble et pacifiquement.
Notre temps est aujourd’hui habité de nombreux bouleversements, de tensions intérieures et extérieures, d’incertitudes quant à notre avenir et au devenir de notre planète. Ce contexte est source d’une exacerbation des clivages dans notre société. Comme vous, nous la vivons aussi dans notre pays. Seulement, à la différence de votre système politique, nos pères fondateurs ont inscrit, dès 1831, au coeur de notre constitution, l’obligation du dialogue et du compromis politique pour résoudre les conflits. Peut-être parce qu’ils ont pressenti qu’au carrefour de trois grandes influences culturelles, notre petit Etat en aurait bien besoin. Ils avaient vu juste. Alors, nous avons appris à nous parler, à nous écouter, et aussi à nous quereller. Mais en fin de compte, nous savons bien que nous avons l’obligation de nous entendre et de nous coaliser pour former notre gouvernement.
Dans notre ADN
La capacité à faire « consensus » est constitutive de notre ADN. Chaque fois que nous l’activons, c’est une victoire, un enrichissement versé au patrimoine national. Ce mode de résolution du conflit politique est subtile, il nécessite de manipuler un mécano institutionnel infiniment complexe, reflet de nos luttes et de nos écartèlements. De nos quêtes identitaires aussi, souvent divergentes. Il demande de la patience, beaucoup de patience, de la compréhension mutuelle, beaucoup de compréhension mutuelle, de l’ouverture d’esprit et en fin de compte de l’humilité, énormément d’humilité. C’est la voie que nous empruntons pour continuer à vivre ensemble, francophones, néerlandophones et germanophones, habitants de Flandre, de Bruxelles et de Wallonie. Nous réformons régulièrement notre charte fondamentale qui nous aide à continuer de naviguer sur le même esquif. Nous l’avons modifiée six fois déjà depuis 1970.
Les clivages qui se sont renforcés et intensifiés à la faveur de ces élections présidentielles et législatives en France doivent trouver des lieux et des formes d’expression au risque de fragiliser votre cohésion sociale et nationale. Je me demande si vous pourrez encore vous passer longtemps d’une représentation (partiellement) proportionnelle qui soit la garante de l’expression des clivages de votre société au sein des lieux de pouvoir ?
Recherche du compromis et dialogue sont deux moyens qui peuvent conduire à plus de pacification dans la conduite de la vie politique et de la quête de l’intérêt général. Les circonstances exceptionnelles de ce début de 3e millénaire n’appellent-elles pas cette évolution, aussi dans votre pays, comme dans la majorité des états européens ?
Nous, belges, nous n’échappons bien évidemment pas aux forces centrifuges qui ébranlent notre vivre ensemble, à l’amplification des discours extrêmes. Toutefois, j’ai la conviction que cet esprit de compromis et de dialogue que nous cultivons dans notre plat pays, il est vrai avec beaucoup de surréalisme et de dérision, reste une voie sûre pour faire face à l’adversité, régler nos conflits et renforcer notre unité.
Alors, que vive le « compromis à la belge » dans votre beau pays !
Pascal Warnier, citoyen diplômé en sciences de l’éducation
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