HelloQuitteX, l’opération pour migrer en douceur de X, le réseau toxique de Musk, vers des réseaux plus sains

Investiture de Trump: HelloQuitteX vous aide à déserter (en douceur) le réseau X ce 20 janvier

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Jour-J, quittera ou quittera pas X? Le collectif spontané HelloQuitteX appelait à abandonner le réseau social de plus en plus toxique de Musk ce lundi, jour de l’investiture de Donald Trump. Il est possible d’embarquer vers d’autres horizons.

Depuis la victoire électorale de Donald Trump et donc de son nouveau bras droit, le sautillant Elon Musk, des internautes de plus en plus nombreux se posent la question shakespearienne: rester X ou ne plus être X? En France, un collectif spontané, informel et apolitique d’une trentaine de chercheurs académiques, de journalistes et d’intellectuels ont lancé l’opération au nom ludique HelloQuitteX, homonyme du célèbre personnage japonais pour enfant Hello Kitty. Leur objectif: faire migrer, le jour de l’investiture de Trump , un maximum d’utilisateurs de la sombre plateforme de Musk vers un réseau social plus rose ou, en tout cas, plus sain au niveau du débat d’idées démocratique et du partage d’informations.

L’idée est que cette migration se fasse vers des plateformes décentralisées qui échappent à l’emprise d’une seule personne et qui sont basées sur des protocoles clairs. Le collectif en a repéré deux qui répondent pleinement à leurs critères : Bluesky et Mastodon. Ces réseaux permettent la portabilité des données (on peut quitter un réseau social pour un autre en gardant et emportant ses données), la portabilité de l’audience (on garde son capitale social c’est-à-dire les utilisateurs que l’on suit et qui nous suivent pour autant qu’ils migrent vers le même réseau) et la maîtrise de l’algorithme de recommandation (on peut choisir la manière dont est alimenté en informations par le réseau). «Nous proposons un service de reconnexion des twittos qui le souhaitent vers Bluesky ou Mastodon, lesquels voient déjà leur parc d’utilisateurs exploser depuis quelques semaines, explique David Chavalarias, mathématicien, directeur de recherche au CNRS et auteur de Toxic Data, co-fondateur du collectif. Aujourd’hui, Bluesky compte environ 25 millions d’usagers contre dix millions il y a un mois.»

L’opération s’adresse à tous les pays et se décline, pour le moment, outre le français, en anglais, en espagnol, en allemand et en chinois. Le jour J, soit dans tout juste un mois, ceux qui se seront inscrits sur la plateforme HelloQuitteX verront leur compte X, avec sa structure sociale, automatiquement reconnecté sur l’un des deux réseaux décentralisés de leur choix. Un peu comme quand on change d’opérateur téléphonique. Cette offre gratuite a l’avantage de rassurer tous ceux qui craignent de perdre la toile d’araignée qu’ils ont progressivement tissée sur X et qui est devenue indispensable pour leur carrière professionnelle.

Certains, artistes, politiques ou auteurs, ont même construit leur carrière grâce à l’ex-Twitter, en s’y faisant repérer par les médias. Au départ, il sera évidemment possible de garder un pied à la fois du côté obscur et du côté lumineux de la force pour suivre l’évolution de son compte sur Bluesky ou Mastodon avant d’abandonner définitivement X. Tout est possible. Plusieurs médias importants ont, eux, déjà fait le pas: le britannique The Guardian, l’espagnol La Vanguardia, le suédois Dagens ou le français Mediapart.

Reste la question de fond soulevée par un internaute lors de la présentation officielle de l’opération ce 19 décembre: quitter Twitter, n’est-ce pas abandonner l’idée de lutter contre de mauvaises idées? Autrement dit, ne risque-t-on pas d’engendrer des réseaux sociaux idéologiquement homogènes, pour reprendre une réaction du philosophe Pierre Charbonnier? «L’idée du pluralisme des idées n’existe plus sur X, répond Grégory Fabre, informaticien, fondateur de l’ex-média TerraEco et membre du collectif. Lorsqu’on veut y émettre des idées progressistes, elles sont de plus en plus invisibilisées par les algorithmes mis au point par Musk qui a cassé l’outil démocratique.» David Chavalarias renchérit: «Mon laboratoire travaille sur X depuis longtemps et a mis en avant le risque systémique que représente ce réseau pour la démocratie. Il y a là un vrai problème de toxicité qui s’est amplifié avec l’instrumentalisation de X par Elon Musk dans le cadre de la campagne pour l’élection de novembre.»

Il est établit que X a joué un rôle significatif dans l’élection présidentielle américaine. Le problème est que l’algorithme de X est complètement biaisé et nous montre davantage de contenu toxique (49%) – injures, attaques personnelles… – que ce que nos contacts y publient. Musk lui-même a demandé à ce qu’on modifie l’algorithme pour que ses tweets soient plus visibles. Or il poste et relaye des deepfakes (notamment sur Kamala Harris, durant la campagne), il interagit régulièrement avec le parti d’extrême droite allemand Afd. Idem avec le parti Fratelli d’Italia de Georgia Meloni. Il vient d’indiquer qu’il était prêt à financer le parlementaire d’extrême-droite Nigel Farage qu’il a rencontré le 16 décembre. Sans parler de la propagande pro-Kremlin qu’il relaie sans ambiguïté. Depuis qu’il a racheté Twitter, les communautés d’extrême droite y ont fleuri. Et la proportion d’utilisateurs toxiques est de plus en plus importante dans le 1% des plus influents du réseau.

«L’idée du pluralisme des idées n’existe plus sur X»

Il faut aussi savoir que le plus grand ennemi de Musk, ce sont, comme pour Trump, les médias mainstream. Il ne cesse de clamer que les ces médias mentent et sont morts. «You are the media now», a-t-il promis aux twittos. Il suit en cela la stratégie du chaos de Steve Bannon, l’ex-conseiller de Donald Trump, condamné et emprisonné pour entrave à l’enquête du Congrès sur l’assaut du Capitole. Pour Bannon, les véritables ennemis ce sont les médias et il faut «inonder la zone de merde» (sic). David Chavalarias rappelle, pour relativiser l’importance de X, que ce réseau social ne compte que 500 millions d’utilisateurs, loin derrière TikTok, Instagram et surtout Facebook qui en compte six fois plus.

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