Audiences sport
Le duel entre Kevin De Bruyne et Kylian Mbappé lors de l’Euro 2024 est la plus grosse audience de l’année écoulée à la télé belge francophone. © PRESSE SPORTS

Audiences: le sport est-il le dernier programme qui vous fait regarder la télé?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Champion des audiences, le sport est le moteur des chiffres de la télévision. Et la dernière raison de la regarder comme avant?

Sur les écrans de télévision en Belgique francophone, le Graal s’écrit en sept chiffres. La barre du million de téléspectateurs, hautement symbolique, est si rarement franchie que chacune de ses occurrences est un évènement. Si le CIM n’a pas encore communiqué officiellement les chiffres de l’année 2024, on peut déjà écrire que la RTBF y a trouvé le Graal quatre fois. Précisément le nombre de rencontres disputées par des Diables rouges pourtant décevants lors de l’Euro 2024.

Les duels successifs des hommes de Domenico Tedesco contre la Slovaquie, la Roumanie, l’Ukraine et la France ont donc rassemblé plus d’un million de téléspectateurs, portant à 45 le nombre de diffusions télévisées mesurées au-delà de ce nombre dans les archives du CIM. Parmi ces 45 évènements, 41 étaient des matchs de football.

A l’heure où les séries se bingewatchent sur des plateformes et où les émissions pour lesquelles on se donne rendez-vous dans le canapé se raréfient, le sport en direct serait-il devenu la dernière raison qui pousse les gens à se ruer sur leur bon vieil écran? En France, l’émulation olympique a en tout cas marqué les classements d’audience, la cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris ayant rassemblé une moyenne de 24,4 millions de téléspectateurs (et 83% des parts de marché) le 26 juillet dernier, selon le site Médiamétrie. «Grâce à ces évènements exceptionnels, l’audience de la télévision cet été a nettement dépassé celle des étés précédents, où on observe généralement un retrait», commente la directrice des études de Médiamétrie, Isabelle Maurice. «L’audience des 15-24 ans était même en augmentation par rapport à la période de janvier à mai, ce qui démontre l’attrait du sport à la télévision pour les jeunes adultes.»

L’esprit de compétition

«Chez les moins de 50 ans, le streaming a pris le dessus, et c’est certain qu’on se donne moins rendez-vous devant la télévision», abonde Sophie Benoît, responsable de la publication TV linéaire à la RTBF. «Il reste toutefois une série de contenus qui rassemblent énormément, et ils ont généralement le point commun d’être en direct. Là, on touche tout le monde, y compris les plus jeunes. Ce n’est pas toujours sur l’écran de télévision, parfois sur l’ordinateur au bureau ou même sur un smartphone, mais les gens veulent toujours être là.»

Derrière les retransmissions sportives, les journaux télévisés restent ainsi une valeur sûre des audiences pour la RTBF ou RTL. Un phénomène que Sophie Benoît explique par un «besoin d’être en prise avec la réalité» pour les téléspectateurs, et qui s’étend donc à des programmes qu’il faut avoir vu en direct pour ne pas être largué par la masse. On y retrouve par exemple Koh Lanta, mais aussi et surtout la Star Academy, dont le suivi en direct est rendu plus important par la présence de diffusions quotidiennes. Le programme n’est pas sportif en soi, mais reste marqué par l’esprit de compétition, se rythmant par des éliminations et la quête d’un vainqueur.

Ce phénomène de l’attraction pour le divertissement séquencé est encore plus marqué au nord du pays, puisque les chiffres 2023 de la télévision flamande plaçaient cinq divertissements dans le top 10 des programmes les plus regardés de l’année, contre une seule retransmission sportive (le Tour des Flandres). Plus dépendante des directs sportifs pour battre des records, la télé francophone reste un milieu où «le sport est évidemment un atout, mais ce n’est pas le seul», affirme la responsable de la TV linéaire de la RTBF.

Diables, vieux réflexes et champions des audiences

Regarder un match des Diables rouges reste toutefois un «must-watch», de plus en plus incontournable au fur et à mesure que l’enjeu augmente. «L’équipe actuelle n’est pas top, et pourtant les gens sont quand même là», poursuit Sophie Benoît, qui souligne également que l’équipe nationale féminine des Red Flames commence à trouver son public. Les chiffres diaboliques n’atteignent pas les mêmes plafonds sur RTL, pourtant détentrice des droits de la Nations League et d’un match amical de prestige contre l’Angleterre en mars dernier, évènements mesurés entre 500 et 600.000 téléspectateurs.

«La télévision n’est pas totalement morte, elle se vit différemment», boucle Sophie Benoît. Certains vieux réflexes restent toutefois intacts, comme la présence massive des 15-24 ans devant les matchs de Roland-Garros, rituel d’accompagnement des étudiants en blocus, «parfois moins sur la télévision mais plus fréquemment sur Auvio». Le support change, mais les habitudes restent. Jusqu’à ce que les plateformes de streaming entrent en scène, car les chiffres d’audience des directs sportifs ne passent pas inaperçus chez les géants mondiaux qui entrent de plus en plus spectaculairement sur le terrain de jeu de la retransmission sportive. Là aussi, les habitudes risquent encore de changer.

Dans cette nouvelle vie éloignée de la télévision, il ne reste donc presque plus que le sport pour que les moins de 50 ans la regardent comme avant.

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