Waters ? Roger 5 sur 5 !

Philippe Cornet Journaliste musique

Passée par Anvers en mai, la tournée de The Wall conduite par Roger Waters sans le Floyd, poursuit son triomphe international. Occasion marketing de ressortir une intégrale du plus fameux des misanthropes floydiens.

La tournée de Roger va bien, merci. Montée sur un budget de 60 millions de dollars, démarrée le 15 septembre 2010 à Toronto, elle doit se conclure le 25 mars prochain à Rio de Janeiro. Entre-temps, elle aura croisé 141 salles omnisports et stades, gonflant les biceps du box-office international. Les deux dates au Sportpaleis anversois, par exemple, ont ramené une recette de 2 703 230 dollars à la production… Même si c’est du brut (de décoffrage), il est clair que la lubie de conjuguer en concert une idée vieille de plus de trente ans porte encore ses fruits financiers.

Le point de départ de The Wall, proposition perso de Waters aux trois autres musiciens du Pink Floyd à la fin des années 1970, vient du sentiment d’être aspiré vers un tourbillon de gigantisme et d’aliénation… En juillet 1977, irrité par un groupe de fans bruyants à un concert canadien, Waters leur crache dessus […] : il ne cessera dès lors de psychanalyser en musique son geste d’irritation extrême. Le coffret publié à présent par Sony Music, cinq CD et un DVD, ramène cette curieuse impression d’un type voulant sincèrement exposer les effets conjugués de la mondialisation et ses phobies intimes, tout en en exploitant les méthodes, la démesure et les tarifs planétaires ! Un peu comme si les Dardenne faisaient un malheur au box office américain en dénonçant le stupre inné de Hollywood. On ne parle pas de The Wall – uniquement présent dans ce coffret sous forme d’extraits du double live titré In the Flesh – mais des quatre autres albums studios de Waters sortis entre 1984 et 2005 : The Pros and Cons of Hitch Hiking, Radio K.A.O. S., Amused to Death et Ça ira. A l’exception de ce dernier, de pure facture d’opéra, il s’agit de ce que les Américains nomment AOR : Adult Orientated Rock. Ainsi, la première sortie discographique solo de Waters, The Pros and Cons of Hitch Hiking, publiée au printemps 1984, avait été initialement proposée au Floyd qui lui préférera The Wall. Autour d’un thème assez prévisible – les fantasmes adultérins d’un homme en crise de la quarantaine – Waters rassemble des chansons et un casting, Clapton compris, évoquant le Floyd sans l’être vraiment. Le coffret multiplie ainsi les mélodies planantes, la dramatisation inhérente, l’instrumentation postpsychédélique, jette des ombres de Floyd sans en avoir la chair première.

Quand Waters reprend les classiques Time, Money ou Confortably Numb, il manque la chimie cosmique de Gilmour/Mason/Wright, ce dernier mort en 2008. Pour ne pas nier l’intérêt de ce coffret au prix intéressant – environ 35 euros – ou regretter l’absence de la première expérience solo de Waters – la BO du documentaire Music From the Body datée de 1970 – il faut relever le double disque d’opéra Ça ira. Paru en septembre 2005 sur un livret écrit par Etienne Roda-Gil et sa femme, le disque fait bouillir la Révolution française dans une forme d’opéra lyrique plutôt conventionnelle. Même aux oreilles non rompues aux tragédies opératiques, le travail a un air prononcé de déjà entendu. Mais il témoigne aussi de la personnalité de Waters qui, ayant perdu son père soldat dans la Seconde Guerre mondiale, mettra toujours de l’ambition à dépasser les contingences de simple être humain, fût-il rock star billionnaire.

Coffret Roger Waters The Collection, chez Sony Music.

PHILIPPE CORNET

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