V(oi)R autrement les musées
De plus en plus de musées utilisent les nouvelles technologies pour moderniser leur scénographie. Réalités virtuelle et augmentée permettent une approche différente.
Le Préhistomuseum de Flémalle accueille une première mondiale. Jusqu’au 31 mai, on peut y visiter la grotte de Lascaux et ses peintures pariétales (1) grâce à la réalité virtuelle (VR). Les visiteurs peuvent l’explorer comme s’ils étaient in situ. Une expérience immersive d’autant plus inédite que la vraie grotte est fermée au public depuis 1963 – seule une réplique est accessible. « La réalité virtuelle a été un facteur déterminant dans notre participation au projet, note Fernand Collin, directeur du Préhistomuseum. Je crois à la technologie comme moyen de transmission du patrimoine. »
Ce recours aux nouvelles technologies, et plus particulièrement à la réalité virtuelle, n’est toutefois pas un cas unique en Belgique. Que ce soit de manière temporaire ou permanente. Mais s’agit-il de gadgets modernes, relevant du divertissement ou, au contraire, y trouve-t-on une façon innovante d’aborder les musées? Une manière de dépoussiérer leur image, une suite logique du processus muséal.
Noémie Drouguet, muséologue et professeur à l’Ecole supérieure des arts Saint-Luc, rappelle que « les musées ont souvent essayé de présenter un contexte historique pour permettre aux visiteurs de mieux se rendre compte d’une situation, par des dioramas ou des reconstitutions dans lesquels on peut entrer. La réalité virtuelle va un pas plus loin. Elle est un moyen plus poussé d’emmener le visiteur ailleurs », en offrant une plus grande interactivité.
Institutions branchées
Mais ce n’est pas l’unique raison d’être de la VR dans les musées. « En intégrant la réalité virtuelle dans leur stratégie de communication, ils peuvent atteindre un public plus large et se profiler comme des institutions branchées, ancrées dans le XXIe siècle et performantes d’un point de vue scientifique », complète Véronique Carpiaux, conservatrice du musée Félicien Rops, à Namur, où la salle dédiée aux Dames au pantin dispose d’un tel dispositif depuis 2019.
La technologie apporte-t-elle une réelle plus-value? « Je suis convaincu que le message passe mieux, car on peut davantage observer ce qu’on ne voit pas en vrai », affirme Fernand Collin. Pour le public, le message est donc plus concret. Toutefois, nuance-t-il, la réalité virtuelle doit être un complément, l’expérience physique et humaine doit garder du sens. »
On peut également se demander si la VR est adaptée à tous les musées. « Il ne faut pas réduire un musée à un étalage de collections, tempère Noémie Drouguet. La réalité virtuelle apporte une dimension supplémentaire à la thématique, à la narration et au contenu. Elle a toute sa place et permet une compréhension plus fine. »
Remplacer le réel?
Certains ont néanmoins émis des craintes. Selon eux, l’image remplace le réel et crée une distance entre le public et ce qui est présenté. De tels doutes avaient déjà surgi avec l’avènement d’Internet et de la numérisation des collections.
« On avait peur que les gens n’aillent plus au musée. Or, c’est tout l’inverse qui s’est produit », rassure Noémie Drouguet. « C’est un faux débat, soutient Fernand Collin. Le patrimoine est là pour raconter une histoire. Si cela sert le didactique, je n’y vois pas de problème. L’ authentique est important pour le scientifique. »
La dimension de conservation se voit en outre renforcée grâce à la réalité virtuelle. Elle permet de montrer des objets, des sites auxquels le public n’a pas ou plus accès. Elle offre aussi la possibilité de reconstituer des éléments abîmés, voire qui n’existent plus, grâce au travail scientifique en amont. La VR ouvre de nouvelles voies pour la préservation du patrimoine, « tout en permettant à plus de monde d’y avoir accès », insiste Fernand Collin.
Les avantages pour la recherche sont également nombreux. Les sources peuvent être consultées à l’infini et la VR crée de nouvelles archives qui pourront être utilisées dans la médiation au public. « Le champ scientifique y gagne. Il y a une réelle valeur ajoutée dans la protection des biens. On est au-devant d’une nouvelle génération de musées », conclut directeur du Préhistomuseum.
(1) Lascaux Experiences, au Préhistomuseum, à Flémalle, jusqu’au 31 mai.
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