Yasmine Yahiatene partage la scène avec la vidéo, dans une absolue parité. © dr

Video Game

Le Vif

L’ Atelier 210 présente La Fracture, de Yasmine Yahiatene, solo polymorphe coproduit avec le Kaaitheater. L’artiste vidéaste performeuse s’y met à nu, conviant son père, alcoolique, et ses racines kabyles. Faisant cette fois se plier la scène à la vidéo, et non l’inverse. La promesse d’un spectacle qui ébranle les sens, dans tous les sens.

Pourquoi ouvrir la saison avec ce spectacle? «Yasmine est une artiste émergente à Bruxelles, ancrée dans la vidéo et le langage plastique. Elle est à la jonction entre l’intime et le commun, l’histoire», résume Léa Drouet. Un profil qui colle à l’ADN insufflé à l’ Atelier 210 par sa nouvelle direction bicéphale, Eve Decampo et… Léa Drouet. Le duo a à cœur de faire résonner (raisonner? ) les problématiques actuelles dans des formes variées, expérimentales, décloisonnées. Et La Fracture, c’est tout ça.

Refus et renaissance

«Papa, tu sais quels sont les points communs entre l’Algérie et l’alcool? J’en ai trouvé trois: la honte, le tabou et le silence.» Telle est la punchline de ce spectacle hybride dans lequel Yasmine Yahiatene partage la scène avec la vidéo. Une vidéo qu’elle a étudiée, expérimentée. L’ alcoolisme, elle l’a subi: son père était alcoolique ; elle se souvient de cette vidéo, dans un café, à Lille, où on le voit titubant. C’était la dernière fois qu’elle le voyait. L’ Algérie, elle la connaît aussi. Ou plutôt, elle la connaît mal. C’est le pays de ses ancêtres, au fin fond des montagnes de la Kabylie, que ce père a fui avec ses parents analphabètes, avant l’Indépendance. Il s’est construit une vie loin de ses racines, en France, dans le Nord-Pas-de-Calais. Un père qui flanche, mais aussi un père comme un héros. Un héros sans ailes que Yasmine a dû fuir, dont elle a dû faire le deuil, alors qu’il n’était pas mort, pour, elle, rester en vie. «Mais en me coupant de lui, je me suis aussi coupée d’une partie de moi», avoue la performeuse. Une cassure que tente de réparer La Fracture.

En me coupant de mon père, je me suis coupée d’une partie de moi.

Son, corps, vidéo

Sur scène, une artiste et un écran. Dans une absolue parité. Parce que si la vidéo s’installe de plus en plus sur les plateaux, elle est souvent le fait de metteurs et metteuses en scène qui s’approprient ce langage pour le mettre au service du propos. Ici, c’est une artiste qui a étudié la peinture, puis le langage vidéo, qui s’en est emparée, s’y est identifiée, dont c’est devenu le langage. Elle nous en propose sa vision, sa grammaire, et plie ce médium à son récit, sa dramaturgie. Y mêle d’autre formes issues des arts plastiques, qu’elle connaît aussi, pour les avoir étudiés.

A l’avenir, Yasmine souhaite ouvrir un espace où la vidéo, l’art, son hybridation permettraient, par des ateliers participatifs, à des publics qui ne sont pas toujours confrontés à ceux-ci de s’en emparer, pour s’exprimer. Pour décloisonner le culturel et le social. De belles promesses que ces aubes-là.

La Fracture, du 13 au 18 puis

du 20 au 23 septembre, à L’ Atelier 210, à Etterbeek.

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