Une villa de 47 millions d’euros sur la Côte d’Azur

Des commissions perçues lors de transferts de joueurs ont-elles permis à Luciano D’Onofrio d’acquérir la plus belle villa de Saint-Tropez ?

Perchée sur une colline à quelques centaines de mètres du Byblos, le mythique hôtel de luxe de Saint-Tropez, La Mandala a des allures de villa de rêve. Avec ses 500 mètres carrés habitables, sa piscine, ses deux hectares de parc et un accès direct à la petite plage des Graniers, elle est tout simplement  » la plus belle villa du village « , selon le journaliste Airy Routier qui y a séjourné.

Ce petit bijou, Bernard Tapie le convoite ardemment. En septembre, il confirmait au journal en ligne Mediapart y avoir passé tout l’été et vouloir l’acquérir pour la somme pharaonique de 47 millions d’euros, travaux inclus. L’homme d’affaires français ajoutait qu’il louait la villa depuis plusieurs mois déjà à une société luxembourgeoise dont un des actionnaires était  » l’un de ses amis, ancien président de club de foot « . Le lendemain, la radio française RTL lâchait sur les ondes le nom de Luciano D’Onofrio, se fondant sur une source proche de l’ancienne propriétaire.

Richissime héritière d’un empire sidérurgique et ex-épouse de feu Roger Vadim, Catherine Schneider et son fils Vania Plemiannikov Vadim ont vendu La Mandala il y a un an environ. Début octobre, Charlie Hebdo révélait le nom de la société luxembourgeoise qui a racheté la villa, et qui serait donc pilotée en sous-main par Luciano D’Onofrio : South Real Estate Investment SA, créée le 12 septembre 2011 au Luxembourg. Pour brouiller les pistes, cette coquille est contrôlée par une société off-shore de droit britannique, European Consultants Limited, qui en est l’unique actionnaire.  » Impossible de faire plus opaque !  » concluait Charlie.

Prête-nom à Chypre

L’hebdo satirique ne croyait sans doute pas si bien dire : European Consultants est administrée par un prête-nom britannique domicilié à Chypre et les 200 actions de la société sont des titres au porteur. Impossible donc d’identifier l’ayant-droit économique.

Contactée par Le Vif/L’Express, Catherine Schneider ne souhaite pas s’exprimer sur la vente de La Mandala :  » Je n’ai absolument rien à vous dire « , a-t-elle réagi avant de nous raccrocher au nez. Tout comme Bernard Tapie, plus expéditif encore… De son côté, Luciano D’Onofrio ne dément ni ne confirme cet achat :  » Laissez Tapie dire ce qu’il a envie de dire ! Moi je ne souhaite pas parler de ça.  »

D’après notre enquête, d’autres éléments tendent à confirmer la piste D’Onofrio avancée par Tapie et RTL. European Consultants est domiciliée au 5-7, Cranwood Street à Londres, à la même adresse que… Robi Plus et Corporate Press, deux autres sociétés écrans suspectées d’avoir servi ces dernières années de véhicules à Luciano D’Onofrio pour toucher des commissions lors de transferts de joueurs (lire pages précédentes). Le même intermédiaire londonien, le bureau de conseil fiscal Adbell International, gère administrativement les trois coquilles.

Eau trouble

Mais ce n’est pas tout. South Real Estate Investment, qui possède La Mandala, était domiciliée jusqu’il y a peu au 1, rue de Nassau à Luxembourg, l’adresse d’Euro Associates, une fiduciaire qui compte le prince Jean de Luxembourg – le frère cadet du grand-duc Henri – parmi ses administrateurs. Selon des documents disponibles au registre des sociétés britannique, Euro Associates conservait en dépôt, en juillet 2004, l’unique titre au porteur de Robi Plus, la société écran britannique qui a reçu du FC Porto 10 % des droits économiques de Defour et Mangala (voir document ci-dessus).

De plus, un lien direct existe entre une société du volet  » immobilier « , et une autre intervenant dans le volet  » transferts « , la première ayant été commissaire aux comptes de la seconde (voir infographie p. 47). Ces liens étroits suggèrent que, dans les deux volets, on nage dans le même aquarium d’eau trouble. Destinée à noyer le poisson ?

D. LP