Une usine dans votre salon
Créer des objets chez soi avec pour seul outillage un logiciel et une imprimante, c’est possible. De plus en plus accessible, l’impression 3D commence à percer chez nous.
Alors que pendant des siècles, la fabrication de produits a, pour l’essentiel, consisté à enlever de la matière à partir d’un bloc de métal, bois ou plastique, l’impression 3D repose sur le principe de superposition de couches de matière en poudre. Cette poudre plastique, métallique ou même céramique, déposée strate par strate sur un plateau, se transforme en objet sous l’action d’un faisceau laser ou d’une tête d’impression.
» Rien que ce principe de fabrication par ajout de matière plutôt que par suppression est une révolution « , affirme Thierry Dormal, responsable du département additive manufacturing au centre de recherche Sirris. C’est d’abord sur ce nom anglais que la technologie d’impression 3D s’est développée à partir des années 1990. Elle connaît une accélération depuis une bonne année sous l’effet conjugué de deux facteurs : le boom de l’Internet, qui facilite la création et le partage de fichiers 3D, et l’apparition d’imprimantes à des prix abordables.
L’impression 3D répond par ailleurs à un besoin marketing, celui de la personnalisation des produits, du tableau de bord de la voiture à l’étui de GSM. Thierry Dormal épingle aussi un avantage écologique : » La technologie permet de produire localement plutôt qu’en Chine, ce qui limite l’empreinte écologique des produits, mais surtout, elle permet d’utiliser moins de matière première que pour l’usinage classique et répond donc tout à fait à la tendance actuelle à l’écodesign. »
A Liège (Sart-Tilman) et à Charleroi, Sirris possède une quinzaine d’imprimantes 3D, coûtant chacune entre 50 000 et 500 000 euros, ce qui la place à la pointe en Europe en matière de recherche mais aussi de projets de développement pour des entreprises locales. » Nous constatons une augmentation moyenne du nombre de projets et produits de 15 % par an. Nous allons atteindre 500 projets cette année. «
De l’implant chirurgical à la figurine Warcraft
Les deux plus grands marchés pour l’impression 3D en Belgique sont actuellement l’aéronautique, qui a besoin de pièces complexes et légères en séries limitées, et le médical. Sirris a, par exemple, » imprimé » des outils chirurgicaux ou, plus spectaculaire, des implants pour le maxillo-facial ou la colonne vertébrale, dans des alliages hyper-légers compatibles avec les cellules du corps humain. Dans la sphère paramédicale, les appareils auditifs, exigeant un niveau de personnalisation élevé, sont désormais presque tous réalisés par impression 3D. Et la technologie est également appelée à se généraliser pour les appareils d’orthodontie.
Pour le reste, le champ des applications est impressionnant : de la grosse entreprise industrielle (la FN Herstal a été parmi les premières en Belgique à utiliser des imprimantes 3D) au petit atelier de bijouterie du coin (par exemple Kim Diffusion à Charleroi), en passant par nombre de nouveaux segments créatifs. Certains paraissent évidents, par exemple la réalisation de maquettes pour des architectes (Ziggzagg à Maldegem) ou d’étuis de GSM customisés (yourkees.com), d’autres sont d’un goût parfois douteux. En Angleterre, une société s’est ainsi spécialisée dans la fabrication de foetus en 3D, capitalisant sur la généralisation de l’échographie 3D.
Hobby ou business
» L’impression 3D va percer auprès des particuliers, en premier lieu auprès de ceux qui sont déjà attirés par la conception en trois dimensions « , prévoit Thierry Dormal. L’impression 3D de salon, comme hobby pour créer des figurines, des bijoux ou des objets de décoration (les luminaires sont très en vogue), est en effet favorisée par la popularisation de logiciels de conception 3D, souvent gratuits comme Sketchup. Et les imprimantes vont devenir de plus en plus fiables et de moins en moins chères. Des géants comme HP arrivent sur ce marché, pour l’instant trusté par la société américaine cotée en Bourse 3D Systems. Un premier magasin d’imprimantes 3D pour le grand public vient d’ouvrir à Manhattan.
Thierry Dormal espère surtout qu’un certain nombre d’entrepreneurs belges vont saisir cette opportunité économique. A en croire le chercheur, la technologie est suffisamment mature. A bon entendeur…
OLIVIER FABES
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