Un Amélie Poulain sous acide

Enfermés dehors, la farce sociale délirante et  » destroy  » d’Albert Dupontel s’amuse joyeusement de thèmes graves

On lui a déjà dit que son nouveau film est un  » cartoon social « , et il apprécie grandement, lui qui adore Tex Avery. On lui a suggéré aussi d’y voir  » un Amélie Poulain sous acide « , et il s’en est trouvé heureux, lui qui admire le travail de Jean-Pierre Jeunet. Mais c’est à Chaplin, surtout, qu’Albert Dupontel a pensé en abordant Enfermés dehors, sa troisième réalisation après les ravageurs Bernie (1996) et Le Créateur (1998). Dans cette comédie loufoque, énorme, débridée, il joue lui-même le rôle d’un sans-abri découvrant, après le suicide d’un policier, une valise contenant l’arme et l’uniforme du défunt. Flanqué à la porte du commissariat où il tentait de rapporter sa trouvaille, notre homme va endosser l’uniforme, histoire de profiter d’un repas gratuit au mess. Mais son intervention lors d’un fait divers, dont il sera témoin et où il se trouvera entraîné à son corps défendant, va lui faire découvrir le pouvoir que son apparence policière lui confère désormais aux yeux des autres. Une femme et l’amour qu’il éprouvera pour elle lui feront exercer ce pouvoir dans un sens positif… tout en croisant sur sa route un financier véreux et cynique, qui jouera dans l’affaire un rôle des plus surprenants…

Avec ses gags décapants, parfois violents comme ceux des burlesques du cinéma muet, sa sensibilité à l’injustice et sa grande générosité, Enfermés dehors a les couleurs contrastées de la révolte et du plaisir. Dupontel y joue, avec inventivité, du potentiel des images qu’il accélère, triture, déforme et exacerbe avec l’aide inspirée du jeune et talentueux chef-opérateur belge Benoît Debie (rencontré sur le tournage d’ Irréversible, de Gaspard Noé). D’autres Belges, dont Yolande Moreau et Bouli Lanners, sont également de la partie, tout comme les ex-Monty Pythons Terry Gilliam et Terry Jones, complices d’une comédie survoltée, anarchisante et tendre, comme a su en trousser autrefois Jean-Pierre Mocky. Bien sûr, Enfermés dehors ne saurait plaire à tout le monde. Son humour fou, sa dinguerie assumée, son flirt intime avec le comique le plus consternant lui vaudront sans aucun doute quelques contempteurs acharnés. Mais cet ovni cinématographique aux excès sans retour, aux rythmes de rock dur et abritant un grand c£ur solidaire des exclus de tous poil, couleur et caractère, réjouira par ailleurs plus d’un spectateur soumis à sa déferlante rebelle. Le rire n’est jamais très loin des larmes, et il n’est de plus sûr remède au désespoir. Le  » modeste condensé des mythes chaplinesques  » mijoté par Dupontel est un remède vigoureux et jouissif à la triste et facile tentation du misérabilisme.

L.D.

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