
Tumbleweed d’Ariane de Rosmorduc (2021)
Qu’on se figure la scène sur un écran de cinéma. Un espace désertique dont la torpeur est soudain troublée par le vent. Au sol, une sorte d’entrelacs herbeux coiffe le sable. Vu des milliers de fois, ce cliché très western a fécondé nos imaginaires. Il est celui du «tumbleweed», icône de l’Ouest américain. «Une fois asséchées, ces boules végétales touffues et légères se détachent de leur racine et roulent au gré du vent. Les médias visuels ont conduit à une signification symbolique de cette plante mystérieuse qui s’agite et tourne sur elle-même en toute légèreté, dans des lieux désolés, vidés de leurs occupants», décrit-on à la galerie Zedes.
Cette image puissante, l’artiste Ariane de Rosmorduc (Bruxelles, 1967) s’en est servie pour une nouvelle série de tableaux. On est frappé par ce retour en surface d’un talent que l’on croyait resté définitivement au fond des mers. On se souvenait des pages calcaires tracées par son pinceau hanté par les trilobites, ces arthropodes marins fossiles qui constituent des traces de vie parmi les plus anciennes de notre planète. A nouvelle figuration, signification inédite. Si la plongée en eaux troubles évoquait une montée liquide menaçante que nul n’ignore désormais, il n’est pas impossible que cette représentation d’une migration végétale dise quelque chose d’une humanité obligée de se précipiter sur les chemins. Ce destin d’exil touche d’autant plus qu’il prend cette forme que l’on affectionne tant, quelque part entre La Planète sauvage de René Laloux, film d’animation de science-fiction culte, les estampes d’Hokusai ou encore les réalisations hautes en couleur d’Hayao Miyazaki. Le tout pour une fantasmagorie imaginaire dont les nuances chromatiques s’affichent comme des bouées visuelles. Elles apaisent notre regard en ces temps mouvants. Les regarder, c’est s’installer dans cette «convalescence d’une maladie que l’on n’a jamais eue», si chère à l’écrivain Fernando Pessoa.
A la Zedes Art Gallery, à Bruxelles, jusqu’au 25 juin.
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