Trop imposée, Electrabel ?

Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

 » Nous avons payé 2,2 milliards d’euros d’impôts sur les cinq dernières années, dont 638 millions d’euros sur la seule année 2012. (…) L’imposition du groupe n’a jamais été aussi forte alors que sa profitabilité n’a jamais été aussi faible.  » (Gérard Mestrallet, Le Soir du 8 juin.)

Le PDG du groupe français GDF Suez, maison mère d’Electrabel, ne s’était plus exprimé dans la presse belge depuis deux ans. Si Gérard Mestrallet est sorti de son silence, c’est surtout pour rappeler les difficultés que rencontre le secteur de l’énergie. Il invite dans la foulée le gouvernement Di Rupo à revoir la taxe sur la  » rente nucléaire « , cette contribution que versent les propriétaires de centrales dont les consommateurs belges, au travers de factures élevées, ont amorti les coûts de construction en vingt ans à peine. En 2011, la taxe s’élevait au total à 250 millions d’euros, dont 212 millions à charge d’Electrabel. Elle est passée depuis à 550 millions, desquels l’opérateur historique acquitte 479 millions d’euros.

Une somme  » totalement disproportionnée « , estime Mestrallet dans Le Soir :  » Tous les calculs initiaux ont été faits lorsque les prix du marché (NDLR : de l’électricité) étaient historiquement élevés. Depuis, ils ont été divisés par deux.  » Résultat : Electrabel a connu en 2012 la première perte de son histoire (49 millions d’euros). Le grand patron français appelle donc le gouvernement à  » conclure un accord sur la durée « , soulignant au passage que son groupe emploie plus de 20 000 personnes en Belgique et constitue le premier contribuable du pays.

CONTESTABLE Les activités de GDF Suez en Belgique sont loin de se limiter au secteur de l’énergie. Le groupe est également actif dans le traitement des déchets (Sita), l’épuration des eaux (Degrémont), les solutions techniques pour entreprises (Cofely), l’ingénierie (Tractebel Engineering)… Mais la rente nucléaire ne concerne qu’Electrabel, filiale qui emploie, non pas 20 000, mais quelque 6 800 collaborateurs. Peut-on la qualifier de gros contribuable ? Selon ses comptes annuels, Electrabel a versé ces cinq dernières années un total de 90,1 millions d’euros d’impôts, pour un bénéfice cumulé de 3,6 milliards. Soit une moyenne de… 2,5 %, très loin du taux normal de 33,99 %. Pour réduire sa base taxable, Electrabel utilise des moyens parfaitement légaux. Il n’en demeure pas moins que le fisc ne saurait la considérer comme une vache à lait.

L’entreprise paye en outre une taxe d’exploitation, qui s’élevait l’an dernier à 97,6 millions d’euros, ainsi que la fameuse contribution sur la rente nucléaire. Ces deux dernières dépenses constituent des charges. Elles diminuent ses bénéfices, certes, mais aussi ses impôts.

Revenons sur la rente nucléaire, en laissant de côté les polémiques qui ont entouré la fixation de son montant. Gérard Mestrallet affirme qu’elle a été calculée à une époque où le prix de l’électricité était deux fois plus élevé. Ce n’est pas l’avis de la Creg, le régulateur belge des marchés de l’électricité et du gaz. En 2010, selon ses chiffres, le mégawatt-heure se négociait sur le marché à terme à 59 euros, contre 54 euros aujourd’hui et, d’après les projections, à 52 euros en 2014 et 50 euros en 2015. La Creg constate donc bien une baisse, mais très inférieure à celle qu’évoque le patron de GDF Suez.

Ettore Rizza

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire