Tout ce qui peut «parler» a été digéré
Les pièces à conviction révèlent un réseau plus complexe qu’on peut l’imaginer. L’organisation des planques, le nombre d’hommes impliqués, les cibles envisagées, tout, dans l’enquête, démontre une cellule aux ambitions initiales plus grandes.
Il y a ces découvertes dans les «appartements conspiratifs». Le studio au neuvième étage d’un immeuble de Jette est totalement vide mais des traces de TATP – l’explosif des attentats de l’Etat islamiste – sont relevées dans le séjour et la cuisine. Dans un garage attenant à la résidence, un sac rempli de centaines d’écrous semble avoir été oublié. Dans le petit bâtiment de la rue du Dries, à Forest, les membres laisseront un drapeau de l’EI ainsi que des chargeurs de Kalachnikov, des munitions, des faux papiers, des détonateurs, des fusées… La perquisition de la planque de la rue Max Roos, à Schaerbeek, qui a servi d’atelier pour les explosifs, est encore plus fructueuse. Des armes, des munitions, une dizaine de kilos de TATP, des litres d’acétone, des détonateurs, des seringues, des doseurs, des gants en latex, des boulons, des vis, des écrous, des faux papiers, des perruques, deux drapeaux de l’EI…
Plus on lit les dépositions, plus le rôle de l’intendance et de la logistique apparaît essentiel.
Cette enquête hors norme est également bâtie sur des écoutes téléphoniques, des relevés ADN, l’analyse d’images de vidéosurveillance et l’exploitation d’un nombre incalculable de téléphones portables, des relais qu’ils ont activés, et d’ordinateurs saisis en perquisition. L’enquête a tout reconstitué ou presque – impossible, dans ces pages, de tout livrer. Elle a surtout fait parler un ordinateur, ses fichiers présents comme ses fichiers effacés. Celui de Najim Laachraoui, qu’il a transporté au fil de ses déménagements, devenu une pièce cruciale de l’instruction qui, ici, s’est concentrée sur les fichiers créés après les attentats du 13 novembre 2015, à Paris. Ils expliquent pourquoi les terroristes ont décidé d’agir dans la précipitation. Ils révèlent aussi qu’il était d’abord question d’un projet de plus grande envergure, les terroristes évoquant, par exemple, des voitures piégées.
Tout ce qui peut «parler» a été digéré, exploité, recoupé: bouts de papier sur lesquels ont été griffonnés un numéro de téléphone ou une adresse, emballage vide de carte SIM, tickets de caisse abandonnés… Plus on lit les dépositions, plus le rôle de l’intendance et de la logistique apparaît essentiel. Une vie de clandestinité très organisée où chacun avait son rôle, certains complices étant chargés de louer les appartements sous de faux noms, de faire les courses et de jouer les chauffeurs pour déplacer l’un ou l’autre. A chaque fois qu’une nouvelle équipe arrivait dans une planque, le frigo était plein, une nouvelle tablette avec connexion Internet était bien souvent présente pour occuper les heures. Dans l’une des caches, les kamikazes ont même eu droit à une PlayStation…
«La séance est suspendue»
Rarement on aura autant entendu cette phrase que depuis le début du procès des attentats du 22 mars. Rarement on aura autant observé de mouvements dans un box d’accusés que depuis le début de la saga des fouilles. Alors qu’il ne fait que débuter, le procès le plus attendu de l’année tourne au tragi tout sauf comique. Et au bras de fer: action en référé, gain de cause et appel de la décision, policier qui refuse de s’expliquer, documents non fournis ou dans la mauvaise langue, accusé soumis à la génuflexion en raison de sa condamnation à Paris alors qu’il n’y était pas… A défaut d’aborder le fond, on finit par le toucher.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici