Spa bouge, à son rythme
La cité des Bobelins, agitée par ses nombreux événements annuels et sa spécificité thermale, semble avoir décidé, depuis quelque temps, de bousculer un train-train assuré depuis plus de 25 ans par le bourgmestre libéral Joseph Houssa.
Cette fin de matinée-là, sur la place Royale de Spa, le soleil printanier éclaire les anciens thermes, voués à une reconversion future des plus… privées. Un hôtel de standing devrait en effet investir ces lieux ô combien emblématiques d’un passé thermal glorieux devenu, après la Seconde Guerre mondiale, plus délicat. » Il y a encore beaucoup à faire à Spa « , lance un citoyen. » Vrai, mais les gens ont tendance à oublier d’où on vient, et à omettre de dire qu’il n’y a pas si longtemps encore la ville était sinistrée « , s’exclame en ch£ur l’équipe du mayeur libéral Joseph Houssa, aussi accroché à son écharpe qu’un pêcheur à sa ligne. Cela fait près de trente ans que l’homme, la large septantaine bon teint, préside aux destinées d’une ville où la dominante politique bleue est une évidence. Le PS, présent dans l’ancienne majorité, a été remplacé par le CDH auprès de libéraux ultra-prédominants : mais seulement avec un échevin, dans les deux cas.
» On sent que tout bouge pour le moment à Spa, mais pas assez vite « , confie également un Spadois, à l’entrée de la ville. » C’est vrai, cela prend du temps. Mais notre bourgmestre est au pouvoir depuis plus d’un quart de siècle, la rapidité d’action n’est pas exactement sa marque de fabrique « , lance, à quelques mètres dudit bourgmestre… un Luc Peeters tout sourire. Echevin du Patrimoine depuis 2006 et seul membre CDH de l’équipe collégiale, l’homme n’a pas oublié en chemin ses années d’opposition, même si l’ambiance générale est plutôt à la détente, dans une ville qui a d’ailleurs tout d’une station balnéaire. Sauf la mer.
L’aérodrome, le circuit, les Francos, les thermes et l’Unesco
Spa semble donc se redresser. Mais à son rythme : la politique des petits pas est de rigueur et les pelleteuses succèdent aux pelleteuses depuis plusieurs années. Calmement. Une marche en avant loin d’être terminée : nous verrons dans les pages qui suivent que les bâtiments les plus illustres de la cité sont en passe de connaître une seconde jeunesse, du Pouhon Pierre-le-Grand au Waux-Hall en passant par la galerie du Parc des Sept Heures et bien évidemment les anciens thermes. Consciente du manque relatif de convivialité de l’entrée en ville, l’équipe dirigeante s’attellera aussi à terme, prétend-elle, à redynamiser l’urbanisme du centre historique classé. L’ensemble de ces opérations devrait d’ailleurs donner un fameux coup de pouce à la candidature de Spa à l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. Un dossier dont l’issue sera certainement liée à la matérialisation d’une sorte de » ligue des villes thermales « .
Cela dit, Spa fait parler d’elle plus souvent qu’à son tour. Inutile de rappeler la notoriété de sa société phare, Spadel, qui s’ingénie notamment à produire une » eau qui purifie » – la polémique née autour de la volonté régionale wallonne de développer les activités de l’aérodrome illustre à ce point de vue l’importance vitale du gestionnaire de l’eau dans la vie politique locale. Inévitables, aussi : ses Francofolies, son festival de théâtre, ses Boucles, son casino, son circuit automobile (même s’il n’est pas situé sur son territoire), ses thermes, etc.
Ville de personnes âgées
Bref, il se passe toujours quelque chose de ce côté-là de la carte belge et quand on se balade à travers la ville, le paradoxe n’en est que plus intense : Spa, c’est tout petit. » Nous avons raté la fusion des communes en 1974. A l’époque, personne ne voulait s’associer avec Spa « , lance Joseph Houssa. Résultat : étalée sur trois petits kilomètres carrés, peuplée d’à peine plus de 10 000 habitants, la ville n’a pas l’ampleur que son nom laisserait imaginer.
Autre impression persistante : la moyenne d’âge des badauds. » C’est vrai qu’il s’agit d’une ville où la pyramide d’âge est plus élevée que la normale. Ici, on a tout sous la main, surtout la sécurité « , avance le bourgmestre. Cela dit, relayer l’inquiétude d’un citoyen qui nous confiait que » rien n’était fait pour les jeunes « , et, surtout, oser un » Spa n’est-elle pas un paradis uniquement pour les retraités à la culture épanouie ? « , c’est risquer de se prendre un Charles Gardier en pleine tête : l’échevin de la Jeunesse et figure montante locale (par ailleurs cheville ouvrière des Francofolies) grimpe aux barricades : » Ce qu’il manque à Spa, c’est simplement ce que les jeunes trouvent… à Liège ! Parfois, il faut quand même rappeler qu’on est une petite ville. On ne sait pas se comporter comme une ville de 500 000 âmes tout de même. Il n’y a pas de cinéma ? Quand il y en avait un, il était vide. Nos discothèques ? Demandez au bourgmestre, qu’on réveille chaque samedi à cause du grabuge, si elles ne « bougent » pas ! Et les Francos, ce n’est quand même pas rien ! «
A la fin de la conversation collégiale, quand on lui demande comment il voit Spa dans dix ans, le bourgmestre s’enflamme : » Elle sera totalement transformée et rénovée, mais en respectant son identité. De plus, nous avons une belle spécificité : alors que les casernes militaires ferment les unes après les autres, la nôtre tient toujours debout, à l’avant-garde, et je me bats pour. Dans dix ans, Spa sera à l’image de sa caserne, à l’avant-garde. D’ailleurs, si on nous laisse encore un mandat… » Il a la santé en tout cas, pour briguer, même en boutade, un sixième tour de carrousel. Rendez-vous en 2012 pour voir où Spa en est : les chantiers foisonnent en tout cas et, sur la planche du collège, le pain est fait de grosse mie.
GUY VERSTRAETEN
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici