Sant’Egidio, son action, son influence

Depuis plus d’un quart de siècle, cette communauté de jeunes laïques, bien vue au Vatican et au Palais, implante en Belgique ses structures au service des exclus.

A l’heure où le centre de Bruxelles se vide de ses navetteurs, un attroupement se forme à l’entrée d’un restaurant populaire, près de la place Fontainas. Comme chaque jeudi soir, une soixantaine de personnes, en grande majorité des hommes, entrent dans l’établissement et s’attablent. Il y a là des SDF qui passent leurs nuits sur les trottoirs du quartier ou à la gare du Midi, des isolés dont le studio n’a ni chauffage ni électricité, des familles du quart-monde… Environ un tiers de Belges, un tiers de Maghrébins, un tiers d’immigrés d’Europe centrale.

 » Nous les accueillons sans rien leur demander, ni leur identité ni leur origine « , remarque Christine Janssens, la coordinatrice anversoise de Sant’Egidio à Bruxelles. Une fois par semaine, la communauté catholique invite les sans-abri au Kamiano – le nom du restaurant rappelle celui donné par les Hawaiiens au père Damien -, rendez-vous suivi, pour les membres de l’association, par un temps de prière dans l’église Notre-Dame des Riches Claires.

L’un de ces bénévoles se tient devant la porte du restaurant, afin de filtrer les entrées.  » On essaie, autant que possible, de prévenir les incidents, provoqués notamment par des toxicos, explique Christine Janssens. Pour le reste, nous recevons, comme des amis, toute personne démunie qui frappe à la porte. Chez nous, pas besoin de s’inscrire, puisque nous ne sommes pas un service administratif. Mais nous aidons ceux qui nous le demandent à se soigner ou à se loger. « 

Active depuis un quart de siècle en Belgique, la communauté Sant’Egidio a développé une vaste infrastructure sociale en faveur des plus faibles. Très présente dans les quartiers déshérités d’Anvers, elle est également représentée à Bruxelles, Liège, Gand, Louvain et Louvain-la-Neuve : restaurants d’accueil pour les sans-abri, Ecoles de la paix pour les jeunes exclus, visites aux personnes âgées… Hilde Kieboom, la jeune femme qui a importé en Belgique cette communauté très romaine et bien en cour dans les hautes sphères vaticanes, déplore  » la tendance à criminaliser les sans-papiers, à mépriser les mendiants et à mettre à l’écart de la société les personnes âgées « .

Proche de la reine Paola

Faite baronne par Albert II en 2003, cette  » BV  » ( bekende Vlaming, Flamande connue) est, nous confirment plusieurs sources, très proche de la reine Paola. Avant de s’installer dans le quartier des Riches Claires, Sant’Egidio avait pour paroisse bruxelloise l’église Notre-Dame du Finistère, rue Neuve, où le couple royal a assisté, à de nombreuses reprises, à l’office de la communauté.

Hilde Kieboom est mariée à Jan De Volder, journaliste politique à l’hebdo catholique flamand Tertio, lui aussi catho influent et responsable de Sant’Egidio. Grâce à ses relations étroites avec le président du Conseil européen et ex-Premier ministre CD&V Herman Van Rompuy – autre catholique pratiquant, qui assume pleinement son éducation jésuite et se ressource spirituellement par des retraites régulières chez les moines d’Affligem -, la baronne anversoise a joué, en 2009, un rôle d’influence non négligeable dans l’accord pour la régularisation des sans-papiers.

Etiquetée chrétienne progressiste, Hilde Kieboom a qualifié le combat nationaliste flamand de  » ringard « . Mais, en juin dernier, elle a créé la surprise en prônant, au nom de l’apaisement, l’amnistie pour les  » collabos  » flamands de la dernière guerre. Imprégnée par la culture du pardon chère aux catholiques, elle semble avoir oublié que l’amnistie, vieille revendication de l’extrême droite flamande portée aujourd’hui par la NV-A et le CD&V, est un dossier ultra-sensible. Les organisations juives n’ont pas caché leur consternation et celles d’Anvers ont boycotté, en septembre dernier, la marche du souvenir de la déportation des juifs organisée par Sant’Egidio.

OLIVIER ROGEAU