Ruée vers l’or : faut-il acheter ?

Valeur refuge en temps de crise, le métal jaune connaît depuis une décennie un très net regain d’intérêt. Est-ce le moment d’acheter, de vendre, comment procéder… ? Voici dix grandes questions qui peuvent se poser face à la montée de l’or.

Le métal jaune reste un investissement apprécié vers lequel l’épargne se dirige lorsque les nouvelles économiques sont mauvaises. Il est également souvent considéré comme une protection contre l’inflation. En termes réels (c’est-à-dire en retirant l’impact de l’inflation), l’or n’est toutefois pas à son sommet historique. Celui-ci avait été atteint au début des années 1980. Depuis, la performance avait été relativement décevante, jusqu’à la seconde moitié de la précédente décennie, où son cours a commencé à grimper de manière quasi irrésistible, pour aujourd’hui approcher les 2 000 dollars l’once (31,1 grammes).

POURQUOI L’OR MONTE ?

Le mouvement de hausse sur l’or a commencé il y a environ dix ans, mais il s’est sensiblement accéléré depuis l’explosion de la crise financière. Dans l’esprit des investisseurs, l’or est la valeur refuge par excellence, qui pourra toujours être revendue, même si tous les autres actifs financiers s’effondrent, et les événements de la dernière décennie ont clairement favorisé l’envol du cours.  » Il n’y a pas vraiment de recouplage entre le monde réel et le cours de l’or, souligne William De Vijlder, CIO Stratégie & Partenaires de BNP Paribas Investment Partners. Contrairement au pétrole ou aux autres matières premières, le poids économique de l’or est en effet relativement faible. Les dégâts économiques liés à la flambée de son cours ne sont pas suffisamment importants, et dès lors, personne n’a cherché à freiner sa progression. « 

Dans le même temps, Luc Charlier, Investment Specialist auprès d’ING Belgique, constate que le marché peine à satisfaire la demande, ce qui contribue à l’envol des cours.  » Pendant deux décennies, le cours de l’or est resté très bas, et peu d’investissements ont été consentis dans l’exploration de nouveaux gisements. La situation actuelle est un peu comparable au marché pétrolier : les nouveaux gisements sont beaucoup plus difficiles d’accès, et les coûts d’exploitation ont explosé « , notamment dans les mines d’Afrique du Sud qui ont pendant longtemps fourni l’essentiel de la production mondiale de métal jaune.

Mais qui sont ces nouveaux investisseurs piqués de la fièvre de l’or ?  » D’après mon expérience, constate Didier Jacques, administrateur délégué du bureau de change Gold & Forex International, quelqu’un qui achète de l’or physique cherche surtout à le mettre dans un coffre et à protéger une partie de son patrimoine.  » Il souligne qu’une grande majorité des clients qui investissent dans l’or ont commencé à le faire il y a deux ou trois ans.

L’OR, UN ACTIF FINANCIER COMME LES AUTRES ?

L’or est une valeur refuge donc, mais est-ce un investissement comme les autres ?  » Dans l’esprit des gens, il y a souvent une grande confusion entre les deux. Une valeur refuge est un produit qui sera recherché et dont le cours grimpera en cas de nouvelles négatives. Une valeur sûre est un produit sur lequel le risque d’investissement est nul. Or, si l’or est certainement une valeur refuge, ce n’est clairement pas une valeur sûre. Historiquement, la volatilité du cours de l’or est comparable à celle des actions « , rappelle William De Vijlder. En règle générale, quand un analyste financier tente de déterminer la valeur de l’action d’une société ou d’une obligation, il utilisera les revenus (intérêts, dividendes, bénéfices) générés sur la vie du produit, chose qui n’est pas possible avec l’or. De par le fait que l’or ne rapporte par de dividende ou d’intérêts (contrairement aux actions ou aux obligations), il est difficile d’établir une valorisation précise de ce que vaut une once d’or. C’est uniquement la hausse ou la baisse du cours qui détermine ce que l’investisseur va gagner en définitive.  » En fait, l’or se rapproche plus d’autres actifs réels comme les voitures de collection ou les antiquités, qui sont justement également recherchés lors des phases de troubles sur les marchés financiers. « 

 » Il existe clairement un coût d’opportunité à la détention d’or, confirme Damien Petit, senior economist à la Banque Degroof Luxembourg. Comme l’or n’offre en effet pas de rendement, il aura tendance à réaliser une bonne performance dans un environnement de taux réels (taux nominaux diminués de l’inflation) bas, comme ce fut le cas ces dernières années. « 

L’OR PEUT-IL ENCORE MONTER ?

Oui, parce que les incertitudes économiques resteront grandes, et les taux d’intérêt bas à court et à moyen terme. Martin Fridson, stratégiste crédit chez BNP Paribas Investment Partners, constate que le  » risque d’une récession a augmenté très fortement ces dernières semaines suite à la publication des récentes statistiques d’activité économique aux Etats-Unis « . Il chiffre aujourd’hui à 62 % ce risque d’un effondrement de la croissance.

 » Les mesures d’austérité mises en place vont continuer à peser sur les économies occidentales, et elles devraient rester en sous-régime pendant encore un moment « , estime Damien Petit. Dès lors, les banques centrales devraient garder leurs taux à des niveaux peu élevés afin de soutenir la relance économique.  » De nouvelles mesures d’assouplissement monétaire sont par ailleurs loin d’être exclues aux Etats-Unis. « 

Une analyse partagée par William De Vijlder (BNP Paribas Investment Partners), qui estime que la méfiance sur la reprise économique restera grande.  » Selon moi, l’or est entré dans une zone cruciale. Les marchés financiers et l’or ont déjà fortement anticipé la récession ces dernières semaines. Si le climat négatif venait à encore s’intensifier, il est toujours possible de s’exposer sur le métal jaune, mais en se protégeant contre une correction éventuelle en mettant un stop/loss à 15 % de baisse [NDLR : procédure qui permet de vendre automatiquement une position quand celle-ci recule d’une certaine amplitude], afin de ne pas se faire piéger si le cours reflue rapidement. Les mouvements du cours peuvent être extrêmement violents sur un laps de temps très court. « 

QUEL EST LE RÔLE DES BANQUES CENTRALES ?

 » Les banques centrales ont toujours fait la pluie et le beau temps sur le marché de l’or « , constate Luc Charlier (ING Belgique). Après avoir contribué à la baisse des cours pendant vingt ans en vendant régulièrement leurs lingots sur le marché, elles ont recommencé à acheter du métal jaune ces deux dernières années.  » C’est plus particulièrement vrai pour les banques centrales des pays émergents. Il est toutefois difficile de déterminer si cette tendance est durable ou pas « , indique Damien Petit (Banque Degroof Luxembourg).

 » Les réserves d’or de la banque centrale chinoise s’élèvent à seulement 1,5 % des réserves totales de l’institution. Dans l’hypothèse où celle-ci voudrait, à des fins de diversification, doubler sa détention de métal jaune, cette demande supplémentaire représenterait plus de deux fois la production annuelle d’or (4 343 tonnes en 2010), et entraînerait une hausse sensible des cours. Et la problématique est identique pour d’autres grands pays émergents, comme l’Inde « , souligne Luc Charlier.

William De Vijlder estime de son côté que la diversification des banques centrales émergentes pourrait  » à terme se réorienter vers d’autres devises asiatiques, voire vers l’euro quand ce dernier ne sera plus handicapé par la problématique des emprunts souverains « .

L’OR EST-IL TROP CHER ?

Comme nous l’avons déjà signalé plus haut, il est difficile de savoir si le cours actuel est trop élevé, car la valorisation de l’or ne répond pas à des critères classiques d’analyse financière en raison de l’absence de rendement. Pour Damien Petit,  » le coût marginal de production de l’or – une mesure du coût maximal de production afin de satisfaire l’intégralité de la demande – tourne autour de 1 100 dollars l’once. Selon cet indicateur, le cours de l’or serait largement surévalué à l’heure actuelle, et devrait à terme théoriquement converger vers ce niveau d’équilibre. « 

Luc Charlier souligne toutefois que l’or reste en dessous des sommets qui ont été atteints en termes réels (en retirant l’impact de l’inflation) vers la fin des années 1970.  » Pour remettre les choses en perspective, il est bon de rappeler que le rally de l’or est entré dans sa dixième année. Ce qui est totalement inédit puisque les précédents cycles haussiers du métal jaune n’ont jamais dépassé quatre ans. Quant aux gains engrangés par l’or (+ 640 %, en dollars), ils sont certes spectaculaires, mais n’atteignent pas encore ceux (+ 720 %) réalisés lors de période 1976-1980.  »

QUAND FAUDRA-T-IL VENDRE ?

Historiquement, la demande sur le marché de l’or provenait essentiellement des bijoutiers. Depuis quelques années, c’est toutefois la demande à titre d’investissement qui a pris le dessus, et notamment celle en provenance des ETF [fonds cotés en Bourse, voir encadré ci-dessous]. La demande d’or  » financière  » représenterait aujourd’hui plus de 50 % de la demande totale de métal jaune. Cela constitue une opportunité et aussi le plus grand risque qui pourrait peser à terme sur les cours de l’or.  » Si l’économie se redresse dans le futur, le risque de voir ces investisseurs sortir massivement du marché sera réel, avec un plongeon des cours à la clé « , souligne Luc Charlier, qui insiste sur le fait que l’or n’est pas immunisé par rapport à la forte volatilité présente sur les marchés financiers.

Une analyse partagée par l’ensemble des analystes, même si l’on peut également souligner que, lors de l’embellie économique de 2010, le cours de l’or n’a pas pour autant subi de faiblesse significative.

DE QUELLE MANIÈRE S’EXPOSER SUR L’OR ? FAUT-IL PRÉFÉRER L’OR PHYSIQUE OU L’OR PAPIER ?

Il existe deux grandes manières de s’exposer directement sur le métal jaune, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients. Ses défenseurs et ses détracteurs.

Il y a tout d’abord l’achat direct de pièces et de lingots dans une banque ou chez un agent de change spécialisé, afin de thésauriser l’or dans un coffre de banque. Si cette méthode rencontre un franc succès, il faut toutefois signaler que l’or physique est moins liquide qu’un placement financier, et qu’il faudra parfois plusieurs jours pour acheter ou vendre un lingot, en particulier si vous passez par une banque.

L’autre grande méthode est de s’exposer sur le prix de l’or via des sicavs ou des ETF. Il faudra en outre préférer les ETF  » physiques « , qui détiennent physiquement l’or. Les autres ont recours à des dérivés pour s’exposer sur le cours de l’or, et incorporent donc un risque inhérent à la qualité crédit de leur émetteur.

POURQUOI LA PERFORMANCE DES MINES D’OR RESTE DÉCEVANTE AU REGARD DE LA MONTÉE DES COURS DU MÉTAL ?

Investir dans une mine d’or est un autre type d’investissement qu’acheter un lingot. La rentabilité d’une mine est en effet le résultat d’un ensemble de facteurs, dont le cours de l’or n’est qu’une des facettes. La facilité de l’exploitation des mines, le climat politique des régions d’extraction ou le niveau des cours du pétrole sont autant de facteurs qui peuvent peser sur la performance d’un groupe minier aurifère. En outre, la montée en puissance des ETF a également réduit l’intérêt des investisseurs pour leurs actions. Tous les investisseurs peuvent aujourd’hui s’exposer directement sur l’or physique, sans devoir supporter les coûts (de stockage, d’assurances, etc.).

Pour Damien Petit (Banque Degroof Luxembourg), un mouvement de rattrapage sur les mines d’or est toutefois inévitable si l’once d’or se maintient à des niveaux très élevés. Le secteur des mines d’or est traditionnellement séparé entre les majors et les juniors. Les majors sont les grands noms du secteur qui exploitent déjà de nombreuses mines, tandis que les juniors sont des compagnies dont l’essentiel de l’activité est le développement de nouveaux gisements. Il voit de bonnes raisons de s’investir sur les deux segments.  » Les majors ont vu leurs liquidités fortement grimper ces derniers mois suite à la hausse du cours du métal jaune. Elles vont pouvoir utiliser cet argent soit à rémunérer plus généreusement leurs actionnaires, soit à accélérer la consolidation du secteur, notamment en achetant des juniors. « 

COMMENT ACHETER DE L’OR PHYSIQUE ?

En Belgique, il est parfaitement possible d’obtenir de l’or au guichet de votre banque. Ce n’est toutefois pas un service dont elles font une grande promotion, essentiellement parce qu’un lingot d’or dans un coffre, c’est de l’argent qui disparaît du circuit et qui ne sera plus placé dans un compte d’épargne ou pour investir dans les produits d’investissement maison (assurance-épargne, sicavs, etc.). Il ne sera donc pas évident de trouver une personne au guichet de votre agence capable de vous renseigner clairement sur la procédure à suivre. Une fois votre ordre rentré, il faudra encore compter de nombreux jours ouvrables avant que l’or ne soit livré. Sans compter la commission qui sera prélevée sur la transaction.

En dehors de cette solution relativement onéreuse et lente, il sera également possible de passer par un bureau de change spécialisé dans le commerce de l’or physique, comme il en existe plusieurs à Bruxelles, notamment autour de la rue du Midi. La maison la plus courue est sans conteste Gold & Forex International, notamment grâce à la visibilité qu’offre son site Internet (www.goldforex.be).  » Nous avons une petite structure souple et qui s’adapte rapidement, ce qui nous permet d’offrir des cours compétitifs aux clients qui se présentent à nos guichets « , souligne Didier Jacques. Et de fait, lors de notre visite, la petite salle d’attente était bien remplie.

Les pièces les plus traitées sont le napoléon français, le krugerrand sud-africain et le louis suisse.  » L’avantage des pièces est leur petit conditionnement, qui permet une portabilité aisée et la possibilité de revendre quelques pièces assez facilement en cas de besoin. Par contre, nous déconseillons généralement les petits lingots en dessous de 50 grammes, car la prime payée pour ce conditionnement est beaucoup plus élevée. En règle générale, pour l’investisseur qui n’a jamais acheté d’or, nous recommandons de commencer avec quelques pièces courantes, puis éventuellement de passer aux lingots par après « , conseille Didier Jacques.

COMMENT COMMANDER DE L’OR ?

 » Typiquement, cela se déroule au téléphone ; nous fixons avec le client le cours et la quantité, l’opération est alors ferme et définitive. Nous échangeons ensuite un mail pour la bonne forme. Le cours appliqué sera celui du marché au moment même de son coup de fil car, sur nos écrans, les cours varient de seconde en seconde. Le client pourra ensuite se rendre directement dans notre agence et payer cash ou par chèque certifié. De plus en plus de gens optent toutefois pour des paiements par virement qui sont, il est vrai, plus pratiques et plus sûrs « , souligne Didier Jacques.

Entre le coup de téléphone initial et la conclusion de la transaction avec livraison physique des pièces ou lingots, il faut compter deux jours ouvrables.

FRÉDÉRIC LEJOINT; F.L.

 » Les mouvements de cours peuvent être extrêmement violents sur un laps de temps très court « 

William De Vijlder (BNP Paribas Investment Partners) On ne peut pas confondre une valeur refuge et une valeur sûre

William De Vijlder  » L’or est entré dans une zone cruciale « 

William De Vijlder

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