Racisme

Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Alors qu’on pensait la question raciale à peu près réglée aux Etats-Unis depuis l’arrivée de Barack Obama, elle n’a cessé d’agiter la fin de son mandat.

Le 17 juin, Dylann Roof assiste aux prières du soir à l’église méthodiste Emanuel de Charleston en Caroline du Sud. Alors que la séance se termine, le jeune homme sort un pistolet. Il abat neuf personnes, toutes afro-américaines. Arrêté le lendemain, le jeune suprémaciste blanc expliquera avoir voulu lancer une guerre raciale… Au final, il deviendra surtout le visage, le plus violent et extrême, d’une Amérique qui, malgré un président métis, n’arrive toujours pas à chasser ses vieux démons racistes. Il aura ainsi fallu la tuerie de Charleston pour que l’on commence à retirer des façades officielles le drapeau des Etats confédérés, symbole sudiste avec lequel Roof prenait plaisir à poser. Cela ne s’est pas fait sans protestation. A l’image de cette manifestation, en septembre, en Virginie, survolée par un petit avion, traînant derrière lui une bannière proclamant :  » Confederates heros (sic) matter « .

L’allusion au slogan  » Black lives matter  » est claire. Née en 2013 sous la forme d’un hashtag sur Twitter, la formule est depuis ressortie chaque fois qu’un(e) Noir(e) est victime de violences policières. Ce fut le cas de Trayvon Martin en 2012. En 2014, la mort de Michael Brown mènera aux émeutes de Ferguson. En 2015, c’est Sandra Bland qui est arrêtée pour ne pas avoir utilisé son clignotant lors d’un changement de bande : elle se suicidera dans sa cellule, trois jours plus tard… Au-delà des affaires médiatisées, le ministère de la Justice a tenté d’objectiver ce qui semble tenir du biais raciste : pour les mêmes actes, les Noirs sont en effet confrontés deux fois plus souvent que les Blancs aux violences policières…

Génération K-Dot

Comme souvent, c’est encore par les arts que l’Amérique essaie de panser ses démons. Symboliquement, l’année aura ainsi démarré par la sortie de Selma, revenant sur les grandes marches de Martin Luther King pour les droits civiques, en 1965. Six mois plus tard, c’est un autre film qui fera les beaux jours du box-office US : Straight Outta Compton raconte l’histoire du groupe rap sulfureux NWA, le tout sur fond d’affaire Rodney King, du nom de cet automobiliste noir battu par des policiers. Mais c’est encore en musique que les frustrations et la colère de la communauté noire s’exprimeront le mieux. Elles pousseront ainsi le héros soul-funk D’Angelo à sortir de sa retraite, en publiant Black Messiah, son premier album en quatorze ans… Le rappeur Kendrick Lamar puisera lui dans la Great Black Music pour non seulement sortir un des albums de l’année (To Pimp a Butterfly), mais aussi incarner une nouvelle génération et une nouvelle manière d’aborder la question raciale, aussi rageuse que réfléchie. En juillet dernier, des étudiants de Cleveland protestant contre les violences policières se réappropriaient le refrain du morceau Alright. Comme un écho au We Shall Overcome des années soixante…

Laurent Hoebrechts

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