Quelques conseils aux ennemis des populismes

Copier les extrêmes, sortir de l’Europe : autant de fausses solutions.

Bien sûr, l’Italie est particulière : si les juges avaient bloqué Silvio Berlusconi à temps, la gauche n’aurait pas été privée de sa victoire, et un gouvernement Bersani-Monti, voire de plus large union, aurait pu se mettre en place pour parachever le sauvetage du pays. La remontée spectaculaire de Berlusconi a eu pour effet de placer Beppe Grillo en position d’homme fort du jeu politique. Mais ce scrutin nous ramène à l’essentiel : la montée des populismes, nourrie par le refus de l’austérité et la dégradation de la situation des classes moyennes. Tout se passe comme si s’engageait une course de vitesse entre les systèmes démocratiques dans leur forme parlementaire et des groupes qui n’ont et ne défendront qu’une perspective autoritaire. Car le destin des sans-culottes est de choisir leur tyran. Ces mouvements posent en tout cas à la représentation électorale traditionnelle la même question : faut-il les accompagner pour tenter de les réduire ou s’en dissocier nettement ?

Dans la crise actuelle, marquée par la récession (et non une dépression du type de celle des années 1930) et par un chômage record, des fractions de plus en plus larges de l’opinion se tournent vers la pensée magique, les discours de repli, la recherche de boucs émissaires et la quête d’un leader fort. Aux Etats-Unis, le Tea Party a eu pour mot d’ordre la dénonciation de Washington. Il n’est donc pas surprenant que les populistes européens aient en commun de vouloir sortir de l’euro, voire de l’Union elle-même. Pourtant, le populisme est puissant en Suisse et, dans une moindre mesure, en Norvège, pays non membres de l’Union. Et il monte régulièrement en Grande-Bretagne, dont on connaît le goût pour l’extraterritorialité.

David Cameron pensait avoir trouvé la solution pour réduire l’audience de l’Ukip (United Kingdom Independence Party) : proposer la même chose que lui, un référendum sur la sortie de l’UE. Une élection partielle donne une indication précieuse : le vainqueur a été… le candidat Lib-Dem, proeuropéen, et le candidat de l’Ukip a élargi son audience aux dépens du conservateur ! Nous restons dans un schéma identique à celui qui a vu perdre Mitt Romney (et ses nombreux emprunts au Tea Party) face à Barack Obama, et Nicolas Sarkozy (arc-bouté sur la ligne Buisson de proximité avec l’extrême droite) face à François Hollande. Pourtant, la tentation grandit, à droite, d’une alliance avec Marine Le Pen. Et avec elle, la certitude de se perdre.

Interviennent, dans ce contexte de crise, de dénonciation permanente des élites et de refus du réel, les formes de démocratie très directe, immédiate, permises par les nouvelles technologies. Formes nouvelles auxquelles aucun gouvernement, hormis l’équipe de Barack Obama, ne s’est encore adapté. Si bien que les populistes, régulièrement invalidés par le suffrage universel, pèsent d’un poids grandissant sur le débat public, poids qu’ils n’avaient pas dans les formes classiques de la représentation. Raison de plus pour que tous ceux qui, majorité ou opposition, refusent la dérive populiste, aient le courage de la vérité : les Européens savent très bien que l’on ne sort pas de la crise par décret. Encore faut-il parler vrai et donner une perspective dans la mutation que nous vivons. Pascal Lamy, directeur général de l’OMC, a décrit le tournant historique de l’année 2012 : pour la première fois, les pays émergents ont produit plus de richesses que les pays  » riches « . Or ce n’est pas parce que d’autres pays montent et sortent du sous-développement que nous avons vocation à nous écrouler ou à disparaître. Avis à ceux qui voudraient nous entraîner dans le refus de l’Europe !

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