Pourquoi devenir policier ?

Nous avons poussé la porte de la Police Academy de Bruxelles, la plus grande du pays, pour voir comment sont formés les futurs policiers et quelles sont les raisons qui les incitent à endosser l’uniforme bleu.

Courses-poursuites sur l’autoroute, émeutes dans les quartiers chauds de la capitale, attaques de commissariats, coups de feu mortels… L’actualité ne dément jamais le vieil adage : pour être flic, il faut le vouloir. Le quotidien des policiers est souvent très stressant : meurtres, suicides, accidents, violence conjugale, etc. Sans compter le risque de représailles, une fois l’uniforme ôté. Et aussi l’image pas toujours flatteuse de la profession. Alors pourquoi tant de jeunes veulent-ils encore devenir flic ? Ils sont plusieurs centaines à se présenter, chaque année, aux épreuves de sélection de l’Ecole régionale de police de Bruxelles (ERIP), le plus grand centre de formation du pays.

 » J’en rêve depuis mes 8 ans, se souvient le sourire aux lèvres Grégory, aujourd’hui âgé de 19 ans. J’ai passé les tests de sélection avant même d’avoir terminé ma rhéto.  » Julie, 23 ans, qui avait un diplôme d’assistante sociale, a préféré mettre ses talents au service des forces de l’ordre :  » J’aime le côté social du job, confie-t-elle à la pause du cours sur le premier accueil des victimes de violence conjugale. Il y a de plus en plus de femmes chez les policiers. Et tant mieux. La police doit refléter la diversité de la société.  » Cette année, près d’un tiers des 300 élèves de l’ERIP sont de sexe féminin. Une proportion qui ne cesse d’évoluer.

Il y a aussi les vocations par filiation :  » Mon père est inspecteur, dit Kevin, 21 ans. Il m’a fait aimer le métier.  » C’est la variété du boulot qui attire surtout les candidats. Ainsi Jean-Yves, 38 ans, qui a travaillé de longues années à la sécurité dans un hôpital psychiatrique :  » J’en avais marre de la routine, avoue-t-il. J’ai envie de plus d’action.  » Les Rambo sont toutefois vite repérés.  » Le gars qui frappe avec la bave aux lèvres, je le prends tout de suite à part pour mettre les choses au point, explique Patrick Brugeman, instructeur pour l’utilisation de matraques et boucliers lors de manifestations. Ici, on apprend à maîtriser la violence et non le contraire. « 

De la maîtrise, les futurs policiers en auront besoin. Ils en font déjà l’expérience à l’ERIP. Lorsqu’ils quittent l’école en peloton pour rejoindre le stand de tir du Triton, à 800 mètres de là, ils se font accueillir par les  » poulets  » ou  » sales flics  » des élèves, en majorité d’origine nord-africaine, de l’athénée royal d’Evere voisin. Les élèves policiers eux-mêmes d’origine maghrébine sont parfois considérés comme des  » traîtres « .  » Ça ne m’effraie pas, assure Wassile, 23 ans. Souvent, il suffit de briser la glace. J’ai déjà discuté avec des jeunes de l’athénée. A la fin, certains me demandaient comment ils pouvaient entrer à l’ERIP…  » Wassile prévoit cependant de patrouiller, plus tard, dans un autre quartier que celui de Saint-Gilles où il habite.

Depuis une bonne dizaine d’années, la formation des policiers est devenue solide : 5 mois pour les agents de police (qui ne porteront ni arme ni matraque), 12 mois pour les inspecteurs de police. Sans compter trois stages dans un commissariat du pays. Outre la théorie, toutes les situations pratiques sont envisagées durant la formation : scène de crime, sauvetage de la noyade, dispersion de manifestants, jets de cocktails Molotov, accueil en première ligne des victimes, rédaction d’un procès-verbal, administration d’alcootest, accident de roulage, maniement de la matraque et des menottes, self-defence… Et bien sûr le tir au pistolet GP : 12 séances de 4 heures sont programmées, dont une journée complète dans une caserne militaire, à Bourg-Léopold ou à Marche-en-Famenne.  » La manipulation de l’arme est moins facile pour les filles, reconnaît Elodie, 22 ans. Nous avons moins de force dans les mains. Mais cela n’empêche pas certaines de tirer mieux que les garçons ! « 

 » Le taux de réussite dans notre école est d’environ 98 %, se réjouit le commissaire Francis Peetroons, directeur de l’ERIP. L’écrémage se fait surtout lors des tests de sélection que ratent 80 % des postulants.  » L’épreuve de sélection physique a pourtant été revue à la baisse : un parcours d’obstacles à réaliser, dans la salle de sport de la Stib toute proche, en moins de 3 minutes 30. Un candidat sur six échoue.  » C’est la génération jeux vidéo, déplore un instructeur. Les jeunes d’aujourd’hui sont moins résistants physiquement. « 

Lors de la formation, ils sont mis à rude épreuve. Y compris sur le plan psychologique.  » Beaucoup d’entre nous perdent leur petit copain ou petite copine pendant l’année, témoigne Elodie qui a vécu le cas. On s’implique énormément dans le métier, on est crevé à la fin de la journée, on attrape des réflexes de policier comme regarder tout le temps l’heure… Je reconnais que ce n’est pas simple de nous suivre pour la personne avec qui on vit. « 

Les instructeurs se montrent plus circonspects sur la motivation de leurs pupilles.  » Il y a vingt ans, on rentrait pour être flic. Aujourd’hui, on vient à l’ERIP parce qu’on cherche du boulot « , constate le commissaire de Lelys, moniteur de tir depuis vingt-huit ans.  » Quand j’entends mes parents s’inquiéter à l’idée de perdre leur job, la stabilité de l’emploi à la police est un élément important « , reconnaît Cédric, 21 ans, essoufflé après avoir réussi le test physique de sélection.  » Policier, c’est comme prof : de toute façon, ceux qui n’aiment pas ne tiendront pas le coup, prédit Michel, instructeur pour le cours d’intervention. La police est la profession où le taux de suicides est le plus élevé.  » Les élèves le savent : la vraie formation aura finalement lieu sur le terrain.

PHOTOS : FRéDéRIC PAUWELS/luna – TEXTE : THIERRY DENOëL

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