Portraits de familles
MOUCHERON Les Chins-Chins… et la politique
» Savine est la seule à avoir mal tourné, notre famille est plutôt folklorique que politique. » Celui qui s’exprime avec humour au sujet de la jeune conseillère communale, cheffe de groupe CDH, devenue conseillère communale en 2000 à la faveur de la première loi en faveur de la parité, puis parlementaire en 2006, est son oncle, Georges Moucheron, ancien journaliste de la RTBF. Albert, son frère cadet et père de Savine, confirme, mais note toutefois que » notre père, Robert, était très investi dans le syndicalisme montois. Il a d’abord été délégué, puis président régional de la CSC Mons. »
Si hors de Mons les gens connaissent Georges Moucheron en tant que présentateur du JT, pour les Montois, il est avant tout un Chin-Chin ! Avec deux oncles et son frère, qui a créé le rôle du Chin-Chin protecteur, garde du corps de saint Georges, il a contribué à redorer le folklore local auquel les autorités voulaient mettre un terme, vers 1970. » Mais à Mons, mon frère est bien plus connu que moi « , souligne le journaliste.
Jusque-là, les acteurs du Lumeçon, le Combat de saint Georges contre le dragon, un des temps forts de la Ducasse de Mons, se recrutaient dans la même couche sociale populaire. » C’est Georges Raepers, avec l’échevin des Fêtes, qui a sauvé le folklore, se souvient Albert. A l’époque, entrer dans le Lumeçon était mal vu, on ne se battait pas pour y aller. Trente ans après, il est inscrit au Patrimoine de l’Unesco ! » Aujourd’hui, Guillaume et Julien, les frères de Savine, portent eux aussi fièrement le tartan des Chins-Chins.
TOURNAY Le nom de saint Georges
Cela fait 60 ans que saint Georges est interprété par un Tournay ! Aramis, le premier d’entre eux, était jockey à Bruxelles. » Il a endossé le rôle au moment où Georges Raepers a repris le Lumeçon pour y remettre de l’ordre, explique Olivier Tournay, son petit-fils, lui-même saint Georges depuis 2010. Mon grand-père avait dit qu’il arrêterait après 30 ans et il pensait proposer le rôle à papa, pour que je lui succède ensuite. Mais voyant toutes les contraintes, papa a renoncé et c’est mon oncle Jimmy qui est devenu saint Georges, pendant 10 ans, puis le rôle a été repris par son fils, Frédéric. Quand ce dernier a démissionné, le réalisateur et la réalisatrice m’ont proposé le rôle. La décision a été votée par l’ensemble des acteurs. Avant, j’ai été diable pendant 17 ans. Il a fallu trouver un cheval, puisque Frédéric utilisait le sien. Entre deux Ducasses, c’est mon cousin Bruno, un des deux écuyers de saint Georges, qui prend soin de Rio. » Notons encore que Josy, père d’Olivier, joue un des onze diables et qu’Yvon, son jumeau, interprète un des onze Hommes-Blancs. Décidément, le Lumeçon est bien une affaire de famille.
HAMAIDE La communication avant tout
Issue de Mons, Quiévrain Casteau, Seneffe… La famille Hamaide est typiquement hainuyère. Elle a » toujours été impliquée dans les mêmes activités de communication : poste, chemins de fer, journalisme « , souligne Jacques Hamaide, né en 1926 et cadet d’une famille de dix enfants. » Plusieurs de nos aïeux étaient des « hommes de fief sur plume », ancêtres des notaires, et mon père, ma fille Caroline et plusieurs de mes cousins étaient ou sont journalistes. Mon père, Joseph Hamaide, a été appelé à Mons avant la Première Guerre mondiale, pour être rédacteur du Progrès, un journal chrétien créé deux ans plus tôt par la famille Servais et disparu en 1940, lors de l’invasion allemande. C’était un journaliste à 100 %, il écrivait jour et nuit. Après la guerre, il a collaboré à Vers l’Avenir sous la signature de l’Aiglon. Moi, je me suis battu pour créer la Maison de la presse, en 1981, et le plus grand échec de ma vie est le départ de l’Ihecs (NDLR : Institut des hautes études des communications sociales) à Bruxelles. »
Gérard, le frère de Jacques, était directeur de la prison de Mons… et poète. » Il n’était pas un directeur de prison comme un autre. Avec lui, on a commencé à faire jouer un orchestre dans l’enceinte. » De son côté, Jacques fait ses études de droit à Louvain, puis obtient une licence en notariat à l’ULB et reprend l’étude de son beau-père. Il a aussi été conseiller communal pendant 42 ans et échevin pendant 23 ans. » J’ai baigné dans la politique, né dans un journal qui vivait au rythme des publications sur les élections et des dossiers spéciaux. Mon père était un militant catholique très engagé. Il a été vice-président des Journalistes catholiques de Belgique et, chaque année, il allait porter ses étrennes au Pape. » L’étude est désormais gérée par son fils Antoine, qui a été Chin-Chin pendant 20 ans.
HAMBYE Des transfrontaliers
Le premier Hambye arrive de Normandie au milieu du XIXe siècle. Issu d’une famille d’agriculteurs, Constantin a épousé une légumière montoise, Angélique Honoré, et vend du matériel de meunerie sur la place du Marché-aux-Herbes. » A chaque génération, dans ma branche, il y a un mariage transfrontalier « , signale Pascal Hambye, leur arrière-arrière-petit-fils.
Constantin et Angélique ont trois enfants, dont Adolphe, notaire, qui reprend l’étude Clerfayt et la transmet à son fils Georges, arrière-grand-père de Guillaume Hambye, actuel notaire et conseiller communal CDH. René, le frère de Georges, est avocat et régisseur de propriétés. Il est le grand-père de Pascal, architecte et régisseur de propriétés lui aussi, qui détaille la généalogie familiale et dont le fils, Frédéric, est conseiller communal Ecolo. » Les Hambye sont des catholiques convaincus, mais plutôt anticléricaux, souligne Pascal. Ils estiment que l’Eglise n’a pas à s’occuper du temporel. Ils ont un certain sens de la chose publique, mais mon père est le premier à avoir fait de la politique. Il a été président du PSC local, puis du PSC d’arrondissement, et est devenu sénateur en 1957. J’ai fait très peu de politique. J’ai milité au sein du mouvement Vivre lors des élections communales de 1976. »
HOUDART Dans le bain politique depuis trois générations
Catherine Houdart, Première échevine socialiste en charge de l’Education, baigne depuis l’enfance dans un environnement politique et associatif. » Mon grand-père Auguste était un des rares conseillers communaux socialistes à Villers-Saint-Ghislain. Il l’a été pendant 25 ans, jusqu’à la fusion des communes, en 1976. Lors des premières élections du Grand Mons, il a laissé sa place sur la liste à son fils, mais mon père n’a pas été élu. Mon grand-père a créé une équipe de balle pelote qui s’appelait la Pelote Rouge, en référence au PSB auquel il était affilié depuis l’âge de 17 ans, et organisait des courses cyclistes. Il travaillait chez CBR à Harmignies et tenait des permanences sociales. Avec ma grand-mère, couturière, il a vraiment travaillé à ce que le village soit connu et reconnu, et mon père a continué en s’occupant de la brocante, de la balle pelote et de la Ducasse aux pagnons dont c’était la 31e édition cette année. Quand je me suis lancée en politique, ma grand-mère m’a dit : « Tu fais ce que j’ai toujours rêvé de faire ». »
» Petite, j’accompagnais mon papa dans tous les meetings politiques. Ce qui a fait notre force, à tous les trois, c’était d’avoir un esprit très ouvert dans un village très rural, plus orienté MR et PSC. Quand mon père a créé le comité des fêtes, il a fait appel à tout le village. Il ne voulait pas en faire un comité exclusivement socialiste. Papa est devenu conseiller communal en 1982, puis échevin en 1988. Aux élections de 2000, il a fait comme son père avec lui, il m’a cédé la place sur la liste, en se disant qu’il fallait des femmes et des jeunes, et que j’avais plus de chance que lui. Je suis tout de suite devenue échevine de l’Etat civil et de la Population, puis députée en 2010. »
LAFOSSE Du syndicalisme au maïorat
Maurice Lafosse, qui fut bourgmestre pendant 11 ans, de 1989 à 2000, député en 1981 et sénateur en 1984, a débuté sa carrière par un militantisme syndical lors des grèves de 1960. » Je suis devenu militant politique au sein du Mouvement populaire wallon après un passage au cabinet du ministre Delmotte, mais j’ai toujours vécu le militantisme syndical de mon père, Félix Lafosse, qui faisait partie de Gazelco. » Maurice se présente aux élections juste après la fusion des communes, en 1971, comme représentant de Cuesmes, et devient échevin de l’Etat civil, des Affaires sociales et du Logement, puis bourgmestre d’une majorité absolue, en 1989. Aujourd’hui pensionné, il reste mordu par le virus politique et participe à de nombreux comités.
Quant à son fils, Pascal, il éprouve au départ une certaine aversion pour la politique. » A l’école, nous étions taquinés ma soeur et moi, mais en allant à des réunions, en prenant part à des discussions familiales, je me suis intéressé à la chose. Je me suis vraiment investi en politique en 1989, quand le PS m’a désigné comme conseiller CPAS. J’ai quand même d’abord voulu m’accomplir dans mon métier de vétérinaire que j’exerce depuis 1988 et que je souhaite d’autant moins arrêter qu’il me procure une liberté de parole précieuse. »
Pascal se présente pour la première fois aux élections sur la liste provinciale en 2000 et devient le conseiller provincial qu’il est encore aujourd’hui. Depuis 2012, il est aussi échevin des Fêtes, des Sports et de la Mobilité.
TONDREAU Au service de la ville
Charles Tondreau, l’arrière-grand-père d’Emmanuel, négociant en vins, fournisseur de la Cour et président du tribunal du commerce, arrive à Mons de Péruwelz vers 1870-1880. Il est l’un des premiers administrateurs de la Consule (NDLR : devenue Fucam puis UCL Mons) et le fondateur du Royal Albert-Elisabeth Club de Mons (RAEC) dont le stade porte le nom… à moins qu’il ne s’agisse de celui de son fils, prénommé Charles, lui aussi. Maurice, le grand-père d’Emmanuel, est directeur de charbonnage à Bois-du-Luc. Quant à Robert, son père, il est notaire, tout comme lui.
Emmanuel Tondreau est le premier du nom à faire de la politique, mais son arrière-grand-mère, épouse d’un Harmignie, fut l’une des premières conseillères communales. » Pendant tout le XIXe siècle, cette famille de juristes a joué des rôles politiques. J’aime faire de la politique, parce que j’aime servir la ville. J’essaie aussi de rester dans le social issu des bonnes oeuvres. Ce que j’ai toujours voulu, fondamentalement, c’est défendre ma ville à l’extérieur, être un ambassadeur. » Parmi ses multiples casquettes, celui qui est mandataire communal depuis 32 ans, porte d’ailleurs celle d’administrateur-trésorier de la Fondation Mons 2015. En 2006, déçu par le CDH, le notaire rejoint le MR.
FOUREZ Boissons et musique
En 1920, Georges Nestor Fourez lance un commerce de boissons en porte-à-porte avec son frère René. Il commercialise essentiellement une bière de ménage de la brasserie montoise Labor. » Au départ, le commerce a commencé à Spiennes, raconte Brigitte Fourez, sa petite- fille. Puis, Jean, mon père qui avait fait ses études à la Consule, est venu aider son père, tout en travaillant comme directeur commercial aux Sources de Baudour qui appartenaient à la princesse de Ligne. Ensuite, mon père a eu l’opportunité de racheter le commerce d’un autre négociant de Saint-Symphorien qui avait la distribution de la Stella Artois dans tous les cafés de la région. »
Jean destinait son commerce au frère de Brigitte, mais celui-ci ne se sentait pas de taille à le gérer seul. Il y a 22 ans, Brigitte se voit donc proposer d’intégrer le négoce familial. » Papa avait vu l’exemple de Dominique Friart de la Brasserie Saint-Feuillien, au Roeulx. Il s’est dit qu’une femme pouvait finalement très bien s’en sortir. Je m’occupe des relations commerciales avec les fournisseurs et les clients, ainsi que de la législation sociale et du travail. A 85 ans, papa fait ses comptes à la main : il doit être le dernier entrepreneur de la région à travailler comme ça. »
La famille possède aussi une société immobilière propriétaire d’une quinzaine de bâtiments, dont le restaurant-brasserie Excelsior, qui est son fleuron, sur la Grand-Place de Mons. Aujourd’hui, l’entreprise Fourez reste une affaire familiale. Y travaillent Jean-Louis, frère de Brigitte, Thomas, son fils, Max, son neveu, et Jean, qui reste administrateur délégué des deux sociétés, les Etablissements Fourez et Immo JEFO. En dehors de la famille, le personnel compte cinq ouvriers et la secrétaire, Michèle, qui est aussi une amie. La brasserie livre 120 points de vente, dont 80 à Mons et dans les alentours.
» La philosophie de l’entreprise, c’est bien sûr la vente à l’Horeca, mais nous soutenons aussi les villages avoisinants par le sponsoring des fêtes et des événements, comme le festival de jazz de Saint-Symphorien, ainsi que des équipes de foot et de balle pelote. Papa et moi sommes aussi très impliqués dans la Fédération des distributeurs en boissons. » Et puis, les Fourez forment aussi une famille de musiciens. » Chaque année, mon père va chanter à l’inauguration de la fête de la bière « , s’enthousiasme Brigitte.
SAEY Du four au siège de magistrat
L’histoire montoise de la boulangerie Saey, dont les ateliers et le point de vente principal sont désormais installés à Dour, débute à l’aube du XXe siècle. Pierre Emile Victor Saey reprend, rue des Capucins, la pâtisserie de François Hoebecke, son patron, dont il a épousé la fille, Victoria, en 1898. La première enseigne Saey-Hoebecke est alors posée. Pierre, fils de Victor, apprend le métier avec son père avant de lui succéder et d’ouvrir un salon de dégustation, dans la maison mitoyenne, dans les années 1930. En 1955, c’est Jacques, fils de Pierre, qui ouvre une deuxième pâtisserie sur la Grand-Place dans ce qui est aujourd’hui le restaurant Saint-Germain. L’entreprise devient une SPRL et s’étend progressivement avec un grand atelier de production à Ghlin (1964), le Drug’s sur la Grand-Place (1968), le service traiteur à la rue des Capucins (1977), la Croissanterie parisienne (1981) dans la Grand-rue, et d’autres maisons dans le Borinage. Actuellement, Pierre, fils de Jacques, poursuit l’entreprise familiale avec la pâtisserie de Dour, créée en 1982. Sa soeur, Marie-Aurore, dirige une boulangerie à Mons. Sa fille, Charlotte, en a une à Jurbise et son fils Jacques assure la gestion administrative de celle de Dour.
» Aujourd’hui, on arrive à un tournant, avec un héritage familial et un savoir-faire qui nous permettraient de développer tellement de projets, il y a toujours plein de choses à faire ! glisse Pierre Saey. Mais tout en étant une famille assez connue, nous n’avons jamais été contactés pour faire partie de différents cercles. » Le constat ne trahit aucun regret. C’est qu’avec son poste de juge au tribunal du commerce, son rôle de juré pour les pâtisseries et les desserts dans le Club gastronomique Prosper Montagné et son travail de boulanger-pâtissier, l’homme a fort à faire. Il est aussi membre de l’Ordre des 33 Maître-Queux de Belgique et administrateur de l’Union des classes moyennes (UCM). Au moment de nous raccompagner à la porte de son domicile, Pierre Saey confie encore qu’il a effectué avec bonheur des missions en Zambie et en République démocratique du Congo dans le cadre du plan Amani visant à donner du travail aux enfants soldats. » C’est un truc pour lequel je suis toujours partant ! »
HOUZEAU DE LEHAIE Biberonnés aux sciences
En 1952, à l’âge de 47 ans, Pierre Houzeau de Lehaie, dit » le bâtisseur « , devient recteur de la Faculté polytechnique de Mons. Il est alors un des plus jeunes recteurs universitaires et le restera pendant 17 ans. » A l’époque, on l’était à vie « , note son fils Claude, ancien ingénieur commercial du groupe Boël, formé à la Faculté Warocqué d’économie et de gestion. » C’est papa qui a créé le grade d’ingénieur architecte de la « Polytech » qui n’existait pas. Il a fait construire beaucoup de bâtiments, tels que la cité universitaire qui porte son nom et le premier bâtiment de ce qui était le Centre universitaire à la Plaine de Nimy, embryon de l’actuelle UMons. »
» Les Houzeau de Lehaie forment une vieille famille qui a toujours fait partie de la vie montoise. Jean-Charles est le personnage le plus célèbre de la famille. C’était un scientifique pur et un esprit indépendant à qui l’université ne convenait pas. » » Aujourd’hui, on le qualifierait de HP (haut potentiel), complète Marie-Claire, l’épouse de Claude. A deux ans et demi, il reconstituait les constellations avec les marrons de l’allée. » Parti très tôt à Bruxelles, puis aux Etats-Unis, il est à la fois astronome et journaliste. A 18 ans, il fait paraître un ouvrage sur les turbines. Cet athée républicain, né en 1820, décédé en 1888, correspond avec Darwin et se livre à des querelles avec les catholiques par voie de presse. La Ville de Mons a élevé un monument en sa mémoire.
Quant à Auguste Houzeau de Lehaie, grand-père de Jean-Charles, il est notamment bourgmestre libéral de Hyon, de 1867 à 1878, sénateur et grand maître du Grand Orient de Belgique et correspondant pour La Province, en Afrique. Avec son fils Jean, le naturaliste de renommée mondiale, grand spécialiste des bambous et conservateur du Musée de la préhistoire de Mons, il s’occupe beaucoup des fouilles de Spiennes. C’est ce même Jean, oncle de Claude, célibataire et sans enfants, qui lui léguera l’Ermitage Saint-Barthélemy à Hyon. Celui-ci abrite l’une des dernières bibliothèques privées de Mons ainsi qu’une remarquable collection de bambous.
Caroline Dunski
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici