Plombier polonais, welcome…
Le Royaume-Uni et l’Irlande avaient ouvert leurs frontières aux ressortissants des ex-pays de l’Est dès mai 2004. Ceux-ci, nombreux à avoir franchi la Manche, sont aujourd’hui plus fraîchement accueillis
Dans un courrier électronique adressé à Downing Street, Charles Crawford, ambassadeur britannique à Varsovie, affirmait que la Pologne avait créé moins d’emplois pour ses ressortissants depuis son entrée dans l’Union européenne que la Grande-Bretagne. Le message ayant » fuité » dans la presse, le diplomate a bredouillé qu’il s’agissait d’une plaisanterie. Pas tout à fait : le Royaume-Uni, l’un des rares pays de l’Union européenne (avec l’Irlande et la Suède) à avoir accepté d’ouvrir son marché du travail aux pays de l’Est depuis leur accession à l’Union, a accueilli 277 000 ressortissants entre mai 2004 et septembre 2005, dont 60 % de Polonais. Une aubaine pour ces derniers, confrontés à un chômage de masse chez eux (17,2 %). Même constat pour l’Irlande, qui a reçu près de 160 000 travailleurs. Ni Londres ni Dublin ne tablaient sur un tel afflux : le fameux » plombier polonais » a donc préféré traverser la Manche, sans pour autant perturber les économies nationales. C’est en substance le contenu du rapport de 17 pages que la Commission européenne a publié le 8 février, lequel tire un bilan positif des vingt premiers mois d’accession des pays d’Europe de l’Est à l’Union. Car ni les autorités britanniques ni leurs homologues irlandaises, qui affichent des taux de chômage presque deux fois inférieurs à la moyenne européenne, ne se plaignent de ces nouveaux venus. » Leur arrivée a permis de soulager les tensions sur le marché du travail « , explique Damian Green, député conservateur anglais, se félicitant au passage de l’installation dans sa circonscription d’Ashford (Kent) de quatre dentistes polonais. » Ils travaillent dur et occupent des postes dont personne ne voulait « , précise Julianna Traser, coauteur d’une étude intitulée Qui a peur de l’élargissement à 25 ?, publiée par l’Ecas (European Citizen Action Service), à Bruxelles.
Qui sont donc ces nouveaux migrants que l’on croise partout dans les rues ou les cafés de Londres et de Dublin ? Des jeunes célibataires (selon les statistiques britanniques, 82 % d’entre eux ont entre 18 et 34 ans), attirés par des salaires six fois plus élevés que dans leur pays.
Dans leur grande majorité, ils trouvent des boulots dans les secteurs de la construction, de la santé, de la restauration ou de l’agriculture, moyennant une rémunération au plancher (5 livres de l’heure). » La plupart viennent pour des séjours de quelques mois, afin de retourner dans leur pays avec leurs économies « , précise Tony Venables, directeur de l’Ecas.
Pourtant, les craintes suscitées par ces nouveaux arrivants n’ont pas disparu, alimentées par quelques dérapages. Ainsi, à l’automne dernier, la décision de la société Irish Ferries de remplacer ses employés par des équipages lettons payés au lance-pierre a provoqué une grève de trois semaines : la direction a fini par revenir sur sa décision – s’engageant à payer ses nouveaux employés selon les minima sociaux irlandais. Mais, dans un pays de 4 millions d’habitants qui a vu débarquer 160 000 travailleurs de l’Est, 4 habitants sur 10 réclament désormais la réintroduction de restrictions en matière de permis de travail.
Autre point noir : la difficulté de mesurer les flux réels de migration, qui pourraient atteindre le double des estimations officielles. La Banque d’Angleterre a d’ailleurs noté dans une récente étude la surprenante atonie des salaires britanniques, étant donné le taux de chômage très bas, se demandant si l’arrivée de ces nouveaux migrants n’en serait pas une des causes. Le soupçon de dumping social n’est pas loin. l
Eric Chol
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