Pissez, nom de dieu !
Où il est question de Jésus, de son sexe, de Salomon, de Suède et de tests de grossesse.
Le ridicule ne tue pas. Ni son homme. Ni sa femme. Personne, en fait. Ainsi, après les avortements de confort, les viols jouissifs, voilà Ikea qui innove dans l’improbable, en proposant des tests de grossesse dans ses catalogues. Mesdames, n’allez pas chipoter en disant qu’il n’est point facile de viser. » Uriner sur cette pub pourrait changer votre vie « , qu’on vous dit (1). Vous la voulez, l’égalité entre les sexes ? Parce que là, si on en croit le WEF, il faudra patienter presque deux siècles avant que l’égalité salariale ne soit atteinte (2). Ce sera toujours ça de pris : Pissez, nom de dieu !
Paula les avait presque hurlés, ces mots-là, au téléphone. Feuilletant rageusement le catalogue suédois, elle fulminait, derrière son comptoir. Dans le café, un bonhomme barbu, vêtu d’une robe de chambre, tressaillit vivement. Pas beau à voir. Le fils naturel de Belphégor et de Gainsbarre, le gars. Mauvaise mine. Méchantes valoches sous les quinquets. Sur le parquet, il traîne de longs filandres d’ombre et une gloire qui lui a troué la peau deux mille ans auparavant. Outre la météo vostokienne qui le glace, les propos de la serveuse l’ont gêné. Voilà pourquoi il frissonne si fort, en avalant sa limonade aigrelette.
– Il y a du sucre, dans cette citronnade, mademoiselle ?
– Ah non. C’est juste de l’eau, ça, monsieur (3).
– Tiens, ça me rappelle des choses. C’est donc vrai que le bon Dieu a parfois l’ombre du diable…
– Vous le connaissez, le diable ?
– Non, mais l’autre si. C’est mon père. Un instable. Un caractériel.
– Personne n’est vraiment lisse. Regardez Miss Belgique : elle rêve d’ouvrir une entreprise de pompes funèbres…
L’argument était valable. Jésus en perdit ses mots. C’était désagréable. Un peu comme ces envies d’éternuer qui restent là, en suspens, irritantes à souhait. Il se pinça l’entrejambe, pour vérifier que son matos était encore là. Il avait beau se trimbaler une bistouquette de communiant, c’était mieux que rien. C’était mieux que tout. Jésus savait que le temps lui était compté. Dans pas bien longtemps, il deviendrait » neutre « . Ni mâle. Ni femelle (4). Il se résigna, en se disant qu’il était vain d’espérer un » juste milieu « , à moyen terme. C’est l’un ou c’est l’autre. Le milieu n’est jamais » juste « . Ou alors, c’est que Salomon était un mafieux.
Mais c’est pas tout ça. L’heure tourne ! Où est encore passé le serveur ? S’agirait pas de louper le film qui va démarrer sur la Une, à 20h15…
(1) Le géant suédois de l’ameublement a inventé une pub sous forme de test de grossesse qui permet aux femmes enceintes d’obtenir une réduction à l’achat d’un lit d’enfant.
(2) D’après le WEF, le forum économique mondial, il faudra presque deux siècles avant que l’égalité salariale ne soit atteinte dans notre pays.
(3) » Les boissons virtuelles peuvent donner l’impression de boire un soda sucré alors qu’on boit simplement de l’eau » (sur levif.be : http : //bit.ly/2nrekn9)
(4) Le jour de la Pentecôte, à Västeras, en Suède, Jésus ne sera plus un homme. Parce qu’il » transcende » (sic) l’humain, Jésus sera officiellement désigné par un pronom neutre.Un tiers de fiction, un tiers de dérision, un tiers d’observation. Et un tiers de réalité.
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