© FRÉDÉRIC RAEVENS

Pas de vacances pour l’histoire

Notre époque ignore de plus en plus les trêves. Faut-il s’en étonner lorsque l’information s’est mise au mode du flux permanent, et que ses pourvoyeurs les plus actifs, dont CNN a donné le coup d’envoi au moment de la chute du mur de Berlin (il faudra qu’un jour on creuse cette coïncidence), ont aboli les ralentissements de débit, les annonceurs publicitaires réclamant un support perpétuel à leurs plans de conditionnement. Cet été 2017 en a été la plus éclatante démonstration.

Rien d’étonnant en somme : si les terroristes cherchent des cibles, les grands rassemblements touristiques s’imposent, et plus précisément Barcelone par sa frénésie estivale grégaire ; les alternances politiques ayant foisonné ces temps-ci, Trump et Macron affrontent avec leurs moyens respectifs des périodes de rodage spectaculaires ; on a même eu droit à un remake de guerre de Corée qui ne fait tilt que dans la mémoire des retraités, avec un protagoniste qui ne peut se comparer qu’au prophétique Dictateur de Chaplin ; et enfin, il y a le feu du ciel qui frappe essentiellement la nation la plus dominatrice et sûre d’elle-même, accablant au passage des démunis qui sont la honte de la planète.

Il est piquant de voir les experts tenter de banaliser les choses, parlant de phénomènes prévisibles,  » naturels « , qui prendraient simplement des proportions inattendues. C’est perdre de vue que le débat sur le climat est d’abord – et les écologistes le clament depuis toujours – un problème économique et, par conséquent, si l’on reste dans l’ordre où devraient s’organiser les choses, fondamentalement politique. L’accord de Paris est, quoi que l’on dise, l’un des plus importants jamais conclus, et le refus de le signer de la part de la nation susnommée est un scandale à l’échelle planétaire, tout bêtement, c’est le cas de le dire.

Car les Etats-Unis réussissent ce prodige d’occuper massivement le peloton de tête des universités mondiales et de mener, par les temps qui courent, une stratégie qui relève de l’encéphalogramme plat, dont on ne prend la mesure qu’en assistant à des saynètes tournées dans le bureau ovale. Elles découragent les humoristes, se sentant battus d’avance. Le phénomène était prévisible : les bébête-shows récoltaient de tels taux d’audience que leurs modèles se sont mis en tête de les combattre sur leur propre terrain. Et comme le public préfère l’original à la copie…

Et nous n’en sommes qu’à la rentrée des classes ! Exceptionnel révélateur de l’état de la société, elle confronte brutalement les plus jeunes aux divers dysfonctionnements de la chose publique. Brecht, esprit généreux mais cynique, s’en réjouissait : plus l’école est injuste, disait-il, mieux elle confronte les futurs adultes à la vérité du monde qui les attend.

JACQUES DE DECKER

 » Plus l’école est injuste, disait Brecht, mieux elle confronte les futurs adultes à la vérité du monde qui les attend  »

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