» Pas de faillite collective ! «
Didier Reynders est ministre des Finances depuis juillet 1999, quand les libéraux sont revenus aux affaires, après une cure d’opposition qui n’en finissait pas (onze années). Poids lourd du gouvernement Verhofstadt, Reynders est un » grand argentier » respecté, fier d’avoir pu engranger une réforme fiscale de grande envergure et de contribuer à la diminution de la dette publique. Depuis le départ de Louis Michel, en 2004, Didier Reynders est devenu vice-Premier ministre, fonction qu’il cumule avec la présidence du MR. Nous l’avons interrogé sur les principaux résultats de notre enquête : pourquoi certains grands dossiers fiscaux prennent-ils la poussière ? A qui la faute ? Dans ses réponses, une pointe d’agacement est nettement perceptible…
Le Vif/L’Express : Nous avons décortiqué trois grands dossiers fiscaux qui ont défrayé la chronique, ces quinze dernières années. Il s’agit des affaires KB-Lux, QFIE et Cash Companies…
E Didier Reynders :(Il coupe. ) C’est très bien. Je vous en félicite. Je lirai ça avec intérêt. Vous n’êtes pas les premiers à vous y intéresser : on en parle régulièrement au Parlement. Je constate que vous m’interrogez au moment où vos conclusions sont déjà tirées…
Pourquoi ces dossiers traînent-ils autant ? Pourquoi l’argent ne rentre-t-il pas plus vite dans les caisses de l’Etat ? Pourquoi aucun procès n’est-il engagé, alors que des banquiers ou des hommes d’affaires ont été inculpés il y a belle lurette ?
E Même pour une question parlementaire, on me laisse le temps de répondre. Je peux vous faire parvenir un dossier complet, si vous le souhaitez. L’affaire QFIE a débuté bien avant que je ne sois ministre. Je n’ai jamais empêché mon administration d’aller en justice. Je constate qu’elle y a connu quelques déboires. En ce qui concerne le dossier KB-Lux, j’ai moi-même relancé la procédure en interne. Mais il n’est pas facile de trouver un avocat pour défendre le fisc : tous les avocats spécialisés sont déjà au service de la partie adverse. Ces avocats ont introduit des plaintes : ce n’est pas à moi de juger si un agent de l’ISI, un juge d’instruction ou le parquet ont commis une erreur. Quant au dossier des Cash Companies, il est traité par le secrétaire d’Etat Hervé Jamar, chargé de la lutte contre la fraude fiscale.
On vous reproche de ne pas donner d’instructions assez claires. Du genre : il faut démonter ce type de mécanismes frauduleux complexes, et traîner les cerveaux en justice.
E Vous dites n’importe quoi. Je n’ai pas à intervenir personnellement dans ces dossiers. Si je le faisais, vous seriez les premiers à me le reprocher. Je donne des instructions à mon administration. J’accepte les demandes de constitution de partie civile qu’elle me présente. Je n’ai pas à me substituer à elle.
Comme votre prédécesseur au long cours, Philippe Maystadt, vous n’avez pu empêcher la déglingue du fisc. Les agents sont démotivés. L’insuffisance des contrôles effectifs (lire p. 42) est inquiétante…
E (Il coupe court. ) La déglingue du fisc ? Mais alors comment expliquer que les recettes fiscales ne cessent d’augmenter, que la presse flamande loue les progrès de la lutte antifraude et que la modernisation des services n’arrête pas de progresser. Il n’y a pas de faillite collective du système, comme vous le suggérez.
Le secrétaire d’Etat Hervé Jamar traque les magasins de nuit, les phone-shops. On chuchote que ce n’est pas là qu’on dénichera les grands fraudeurs…
E Aucune zone n’est négligée. Nous allons partout.
Entretien : Ph.E.
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