Numéro deux
1999, Martin Hill, 10 ans, vit à Londres avec son père – sa mère est retournée vivre à Paris. Autour du jeune garçon, on ne parle plus que du roman Harry Potter, phénomène éditorial en plein essor. Lunettes rondes, cheveux noirs en bataille, Martin est propulsé comme par enchantement sur le casting du premier film. Sa vie est sur le point de basculer… Mais la production lui préfère finalement Daniel Radcliffe, le condamnant à une éternelle place de « numéro deux ».
Ce moment de bascule devient un sujet tabou dont Martin cherchera à se dépatouiller toute sa vie: « La vie humaine se résume peut-être à ça, une incessante expérimentation de la désillusion, pour aboutir avec plus ou moins de succès à une gestion des douleurs. » Tout entier construit autour de la notion de résilience, le livre s’attache à décrire les affres d’un jeune homme condamné à ressasser ce qu’il a (peut-être) raté… sans jamais se départir d’un perpétuel réenchantement de la vie. Brodant à partir de l’histoire originelle du garçon éconduit, c’est là que la « patte » Foenkinos fait merveille, la saga phénomène offrant un terrain de jeu cousu d’or à sa fantaisie débridée. Désarroi existentiel, ritournelle du désamour, éclats burlesques: le romancier et réalisateur régale d’une cascade d’effets, souvent truculents, dont la fantaisie rebondit jusque dans les notes de bas de page. Décorateur pour le cinéma, le père de l’adolescent est également un inventeur du dimanche. Aspirant à une carrière de journaliste politique, la maman nage dans le bonheur: « en état de sidération […] effrayant d’être si heureuse ». C’est peut-être la réussite et la limite du livre: gorgé de cinéma, il entraîne le lecteur dans une cavalcade à l’efficacité confondante, déroulant déjà le film qui pourrait advenir. Transformant en un tour de main son pitch en or massif, l’auteur de La Délicatesse parvient presque à faire croire que signer un blockbuster n’est pas sorcier.
Par David Foenkinos, Gallimard, 240 p.
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