Monstrueusement passionnant !
Le Coréen Bong Joon-ho (Memories of Murder) porte le film de monstres géants à incandescence, dans The Host, film riche en résonances sociales et politiques.
Au premier degré, c’est déjà un bonheur ! Révélé au Festival de Cannes, couronné au récent BIFF (festival du film fantastique) bruxellois, The Host s’impose comme l’un des meilleurs films de science-fiction à monstre géant jamais réalisé. Bong Joon-ho y cadre de formidable façon la menace qu’une créature mutante fait peser sur les habitants d’un quartier de Séoul proche de la rivière Han, dont le prédateur surgit.
Le jeune réalisateur de Memories of Murder, fascinante plongée dans l’histoire coréenne récente à travers une enquête criminelle, sait comme personne développer les atouts du cinéma de genre. Mais il ne se prive pas, rejoignant ainsi la meilleure tradition ( lire l’encadré), de le nourrir d’éléments socio-politiques. The Host offrant dès lors plusieurs niveaux de lecture, qui en font un spectacle d’une singulière richesse.
On y trouve par exemple une dimension politique, dès lors que la mutation engendrant le monstre est le résultat d’une pollution venant d’une base américaine. Une manière satirique d’épingler la présence militaire d’un allié qui justifie pourtant celle-ci par la protection qu’elle assure aux habitants de la Corée du Sud contre le » monstre » nord-coréen… L’ironie de la chose n’échappe à aucun spectateur local. L’amateur occidental de cinéma fantastique peut, lui, se souvenir des films scénarisés dans les années 1970 par le réalisateur américain gauchisant John Sayles, et où l’armée imprudente ou cynique portait la responsabilité des ravages causés par des animaux mutants (entre autres, les poissons carnivores de Piranhas, réalisé en 1978 par Joe Dante).
Individualisme et solidarité
Bong Joon-ho excelle aussi à faire de The Host une » coupe » révélatrice de la société sud-coréenne, et plus particulièrement de la famille, travaillée par les tensions entre tradition et modernité, individualisme et esprit solidaire.
Avec autant d’humour que d’efficacité, le cinéaste montre comment l’apparition du monstre influence brutalement les relations entre les gens, donnant une forte dimension humaine à un spectacle par ailleurs riche en grands frissons.
Bong réussit également le pari de confronter le réel à l’imaginaire, en colorant ce dernier d’une crédibilité par moments sidérante. La scène où l’on voit une foule fuir une menace invisible, puis tout à coup le monstre surgir au fond de l’image, accompagnant dans leur course effrénée des proies qu’il cueille comme des fruits mûrs, est un exemple parfait de cet art fantastico-réaliste où le hors-champ – c’est-à-dire ce qui n’est pas vu, et d’autant plus craint qu’invisible – est admirablement employé.
Les amateurs iront sans nul doute voir The Host et le trouveront formidable. Quant à ceux qui, d’ordinaire, boudent le genre des films de monstre, on leur conseille cependant d’aller y faire un tour, pour une fois. Ce sera sûrement la bonne !
Louis Danvers
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