Mon emploi, ma dignité
Un écrivain, Arno Bertina, les salariés de l’usine métallurgique d’emboutissage GM&S, située à La Souterraine, dans la Creuse, et une lutte acharnée, éprouvante et désespérée pour la sauvegarde de l’emploi dans ce département rural du centre de la France: Ceux qui trop supportent (1) est un récit puissant sur la machine à broyer du capitalisme financier.
Le retentissement de ce combat avait dépassé les frontières de la Creuse et de l’Hexagone quand, le 11 mai 2017, les travailleurs avaient annoncé avoir piégé le site de l’entreprise au moyen de bonbonnes de gaz qui, en réalité, étaient vides. Arno Bertina donne la parole aux salariés de GM&S. Ils disent leur découragement quand la société est placée en redressement judiciaire alors qu' »on était bons, qu’on a bossé et qu’on a aimé cette boîte ». Leur désarroi lorsqu’à un « patron-acteur », soucieux de l’avenir de l’usine et de ses salariés, succède un « patron-salarié », pantin de ses actionnaires. Leur incompréhension que l’Etat donne de l’argent à une entreprise et qu’il ne contrôle pas ensuite l’usage qui en est fait (trois repreneurs sont poursuivis pour abus de biens sociaux et escroquerie). Leur dignité, enfin, car confrontés à l’arbitraire des constructeurs Renault et Peugeot qui ont privilégié la délocalisation des pièces produites à La Souterraine, ils ont eux-mêmes rédigé une proposition de loi, pas encore adoptée, visant à responsabiliser socialement les entreprises ayant recours à la sous-traitance.
Enfin dans le récit de ce combat, un propos résonne avec l’actualité judiciaro-syndicale belge: « Quand tu fais les efforts et les sacrifices qu’on te demande pour le bien de l’entreprise, non pas une fois mais régulièrement au cours de ta carrière, couper une autoroute ou les Champs-Elysées rendra joyeux. […] On est bien loin du délit – ils n’iront pas jusque-là – mais on éprouve (timidement) le fait d’être encore en vie ». A méditer.
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